Ces prétendus libéraux qui vilipendent l’Union européenne et s’affichent comme partisans du Brexit m’ont toujours paru suspects. Le Premier ministre irlandais, Leo Varadkar, le leader du Fine Gael, le parti libéral-conservateur et démocrate chrétien au pouvoir en République d’Irlande (cette dernière est directement concernée par le Brexit puisqu’elle partage une frontière avec la Grande-Bretagne) les a rappelés à une plus juste vision des choses.
Commentant la proposition du Gouvernement américain, sur l’instigation de Boeing, d’infliger des tarifs douaniers punitifs de l’ordre de plus de 200% au groupe aérospatial canadien Bombardier (qui emploie plus de 4000 personnes à Belfast, en Irlande du Nord, c’est à dire au Royaume Uni), le chef du gouvernement irlandais remarqua que l’épisode pourrait servir de wake-up call au gouvernement britannique sur ce que sera la vie après le Brexit.
« L’on a beaucoup entendu parler d’un nouvel accord commercial entre le Royaume Uni et les Etats-Unis et de tout ce qu’il apporterait à la Grande-Bretagne, mais ce dont on parle aujourd’hui c’est tout bonnement du risque d’une guerre commerciale », dit Leo Varadkar. De fait, les Etats-Unis avancent que les subsides octroyés par la Grande-Bretagne au groupe Bombardier consistent en des pratiques anti-concurrentielles. Et, le Premier ministre irlandais d’ajouter : « Chaque pays dans l’Union européenne est un petit pays. Nous sommes plus forts ensemble en formant un bloc commercial. »
Pourtant, les prétendus libéraux adversaires de l’Union européenne, zélateurs qu’ils le veuillent ou non d’un nationalisme réactionnaire aux accents mélenchonistes-lepénistes et autres du même acabit, n’en démordent pas. La Grande-Bretagne s’en sortira mieux en dehors de l’Union européenne qu’en y restant. Même si de plus en plus de Britanniques en doutent, un great French financier, qui avait prédit des lendemains radieux pour la Grande-Bretagne et conseillé d’investir dans la livre sterling (laquelle a entre-temps dévissé de plus de 10 %), en reste convaincu. Ce fan de Boris Johnson, partisan d’une sortie claire, rapide et franche de la Grande-Bretagne, persiste et signe dans un billet récent sur son blog qui se proclame libéral.
« Ceux qui ont tout à perdre, ce sont les Européens, écrit-il. Ceux qui n’ont rien à perdre, ce sont les Anglais (NDLR : Les Anglais ou les Britanniques? Lapsus calami de ce great French adepte de la City de Londres ?). Je ne me fais guère de soucis, ajoute-t-il. Les exportations anglaises vers le reste du monde connaissent une croissance très forte depuis plus d’une décennie (contre zéro pour les exportations vers l’Europe) et la Grande-Bretagne va recommencer à acheter ses produits agricoles au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande, ce qui fait que les prix alimentaires vont baisser très fortement ainsi que les factures pour les importations de nourriture. Une amélioration du commerce extérieur anglais est donc quasiment certaine. »
« Et, si par hasard, les choses se passaient plus mal que je ne le pense pour l’économie britannique, alors nul doute que la livre – déjà très sous évaluée – ne plonge un peu plus, ce qui donnerait un violent coup d’accélérateur à un système productif où le chômage est déjà à un plus bas et l’emploi à un plus haut (en particulier les emplois féminins). Comme la Grande-Bretagne produit plus de voitures que la France, remplacer des voitures allemandes, françaises, italiennes ou espagnoles par des voitures made in Britain ne serait pas extrêmement pénible, sauf pour quelques bobos snobs du coté de Hampstead, qui pourront continuer à se singulariser en achetant des voitures coréennes ou nipponnes tout en noyant leur chagrin dans des vins en provenance de l’Australie, de l’Afrique du Sud ou de la Nouvelle-Zélande, tous pays qui jouent au rugby et avec lesquels on peut donc (!) faire des affaires en toute confiance puisqu’ils utilisent le même Droit. »
Cette vision onirique de l’avenir de la Grande-Bretagne en dehors de l’Union européenne se trouve donc confortée par l’actualité récente d’une prochaine guerre commerciale avec le grand partenaire américain. La Globale-Bretagne souveraine et ses prosélytes prétendument libéraux devront se faire à l’idée que si le football américain descend du rugby britannique les règles n’en sont pas les mêmes.
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