Plus encore que le poids des mots (l’ingérence flagrante de Trump dans les affaires intérieures du Royaume-Uni, voire dans celles de l’Union européenne – sa suggestion d’attaquer l’UE en justice sur le Brexit), le choc des photos (sa démarche pataude devant la Reine lors de la revue de la garde d’honneur au château de Windsor) aura démontré aux Britanniques l’estime dans laquelle l’allié américain, avec lequel ils se targuent d’entretenir une relation spéciale, tient leurs traditions, leur démocratie parlementaire et leur indépendance.
Ne cachant pas son admiration pour le Président des Etats-Unis et affirmant qu’il y a « une méthode dans sa folie » (« method in his madness »), Boris Johnson, l’ancien ministre britannique des Affaires étrangères, avança que ce serait vraiment une bonne idée de laisser Trump négocier le Brexit. Trump le lui rendit bien en confiant au Sun, le journal le plus lu du Royaume-Uni, le jeudi 12 juillet, à la veille de sa visite à Londres, qu’un accord de libre échange entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni s’avérerait impossible si Mme May maintenait son objectif d’un divorce à l’amiable avec l’UE et que Boris Johnson ferait un excellent Premier ministre.
Mais, rassurons-nous, tout ceci n’était qu’un simple malentendu : le Sun aurait tout bonnement omis de signaler tout le bien que le Président des Etats-Unis pensait de la Première ministre britannique. Fake news, quand tu nous tiens !
« Notre plan pour le Brexit, écrivait la Première ministre britannique dans le Mail on Sunday de dimanche, saisit l’occasion d’exécuter la décision démocratique du peuple britannique et d’assurer un nouvel avenir éclatant pour notre pays en dehors de l’Union européenne. Il rétablit notre souveraineté nationale de sorte que c’est notre Gouvernement qui décide de qui entre dans notre pays, notre Parlement qui fait nos lois et nos cours qui les appliquent. »
« Ce plan, continuait-elle dans le Mail On Sunday, met fin aux considérables contributions que nous payons à l’Union européenne, nous offrant un dividende qu’il nous sera loisible d’investir pour suivre d’autres priorités internes comme notre plan à long terme pour notre système public de soins de santé. »
« C’est aussi l’opportunité d’une politique commerciale indépendante, nous permettant de conclure de nouveaux accords commerciaux avec des alliés à travers le monde, y compris l’Amérique, dont le président Trump a dit clairement qu’il est dorénavant convaincu que nous y arriverons. <Le plan> ne consiste toutefois pas à remplacer notre partenariat commercial avec l’UE par un autre avec des pays tiers mais à commercer avec l’une et avec les autres. »
« If we don’t, we risk ending up with no Brexit at all, prévient-elle. (Si nous ne le faisons pas, nous risquons de ne pas avoir de Brexit du tout.) »
Rien de neuf dans ce « plan » par rapport à la propagande pro-Brexit d’il y a deux ans. Par contre, l’on ne voit toujours pas dans quel cadre ce Brexit se réaliserait. Les conservateurs britanniques en sont probablement eux aussi encore à se le demander.
Une enquête de l’agence britannique d’étude de marché et de sondage BMG a révélé en janvier que 52% des Britanniques sont en faveur de rester dans le marché unique et que 14% seulement sont en défaveur. En ces temps de polarisation de l’opinion, c’est une fort belle marge. Pourquoi Mme May et les Eurosceptiques de tous bords (Jeremy Corbyn, le leader du parti travailliste, l’est tout autant) se méfient-ils de l’option « norvégienne » (c’est à dire de rester dans l’EEE, l’Espace économique européen, via l’AELE, l’Association européenne de libre-échange) et ne la soumettent-ils pas, ou sa variante suisse, par referendum au peuple britannique?
Dans un article publié en mai, Tim Harford, l’Undercover Economist du Financial Times, rappelle les travaux d’Itamar Simonson, un professeur de marketing de la Stanford University, et d’Amos Tversky, l’un des pionniers de l’économie comportementale, sur le renversement de préférence et explique que, confronté aux options d’un Brexit dur dont le coût économique lui paraît inchiffrable, d’un Brexit à la norvégienne dont il ne perçoit pas l’avantage puisque le Royaume-Uni subirait les décisions de l’UE sans y prendre part et d’un « no Brexit at all », le peuple britannique pourrait fort bien considérer qu’« un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » et finalement préférer cette troisième option. L’économie rattraperait-elle l’idéologie et Mme May aurait-elle commis un fâcheux lapsus ?
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