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The Great Gatsby, le monde en 1925 et 2025

The Great Gatsby, le monde en 1925 et 2025 Posted on 13 avril 20251 Comment

Paru le 10 avril 1925 aux éditions Scribner à New York, The Great Gatsby (traduit dès 1926 en français sous le titre de Gatsby le Magnifique), le roman de l’écrivain américain Francis Scott Fitzgerald (1896-1940) a fêté ce mois-ci son centenaire. Bien que la critique lui fût favorable, il ne connut guère de succès – à peine 20 000 exemplaires vendus l’année de sa sortie – jusqu’à la mort de son auteur, le 21 décembre 1940, âgé de 44 ans. Aujourd’hui, on le considère comme l’un des chefs d’oeuvre de la littérature de langue anglaise.

Un amour obsessionnel

Inspiré par l’histoire d’amour obsessionnel de Fitzgerald pour Ginevra King, une riche héritière de la haute société new-yorkaise, et les fêtes tumultueuses auxquelles il a assisté sur l’île de Long Island, près de New York, en 1922, le roman s’y déroule à l’âge jazzy et raconte à la première personne les interactions du narrateur Nick Carraway, un jeune homme originaire du Midwest (comme l’auteur), avec un millionnaire énigmatique, Jay Gatsby, obsédé par les retrouvailles avec son ancien amour, Daisy, cousine de Nick et entretemps mariée à un homme riche de souche et arrogant, Tom Buchanan.

Par l’entremise de Nick, Gatsby convainc Daisy de le revoir, au grand dépit de son mari. Daisy reste indécise. L’histoire tourne à la tragédie lorsque, conduisant à grande vitesse la voiture de Gatsby, Daisy heurte mortellement la maîtresse de son mari, Myrtle Wilson, et continue sa route. Le mari de Myrtle, informé par Tom de l’identité du propriétaire de la voiture, croit Gatsby responsable de l’accident, le tue et se suicide. Daisy et Tom, manifestant l’insouciance destructrice et délétère que critique le roman, quittent l’île discrètement, sans laisser d’adresse.

Nick s’attend à ce qu’un certain nombre des gens qui fréquentaient les fêtes somptueuses organisées par Gatsby viennent lui rendre un dernier hommage, mais personne ne vient, témoignage flagrant de l’hypocrisie d’un monde sans ressort moral ni remords. Seuls assistent aux obsèques, Nick, le père de Gatsby, un domestique, et un homme « au regard de hibou » qui admirait la bibliothèque de Gatsby au début du roman.

Le roman se termine par une phrase parmi les plus célèbres de la littérature des Etats-Unis : « So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past. » Cette phrase, qui symbolise la condition humaine, peut se traduire par « Ainsi allons-nous de l’avant, barques luttant contre le courant, ramenées sans cesse vers le passé » et peut s’interpréter comme un dernier message optimiste : persévérons face à l’adversité, malgré les désillusions et l’indifférence du monde, car le passé ne revient jamais tel qu’il a été idéalisé.

Un parallèle

Dans le Financial Times des 5 et 6 avril 2025, Sarah Churchwell, docteur en littératures américaine et anglaise de la Princeton University (Etats-Unis), professeur à l’Université de Londres et auteur de Careless People: Murder, Mayhem and the Invention of The Great Gatsby, trace un parallèle entre l’univers de Gatsby et l’Amérique contemporaine, arguant de ce que Fitzgerald a mis en lumière les thèmes de l’insouciance et de la superficialité d’une certaine élite sociale, déconnectée des réalités et indifférente aux conséquences de ses actes, et de l’illusion du rêve américain : « They were careless people, Tom and Daisy – they smashed up things and creatures and then retreated back in their money or their vast carelessness or whatever it was that kept them together, and let other people clean up the mess that they had made… »

D’après Churchwell, Fitzgerald se serait inspiré pour l’écriture de The Great Gatsby du concept de sénescence civilisationnelle développé par Oswald Spengler dans Le Déclin de l’Occident dont la première partie fut publiée en 1918 et la seconde en 1922. Fitzgerald, dit-elle, connaissait beaucoup d’hommes comme le personnage de Tom, riches, privilégiés et stupides. « Un siècle plus tard, écrit-elle, ils sont toujours là, à la recherche d’idéologies pour justifier leur domination. » L’argument vise le trumpisme, bien sûr, qui « assimile le progrès au déclin, insistant sur le fait que l’Amérique doit se remodeler de force pour ressembler à un passé mythifié ».

Parallèlement, observe-t-elle, des personnalités influentes telles que le milliardaire de la technologie et cofondateur de PayPal Peter Thiel plaident pour que la démocratie soit démantelée au nom de l’efficacité, de la stabilité et du contrôle hiérarchique. Vance semble s’être aligné sur ces idées. Elle le cite : « Il faut accepter le fait que tout va s’écrouler sur soi-même. […] Lorsque l’effondrement inévitable se produira, il faudra reconstruire le pays d’une manière qui est en fait meilleure ». Certes, cette idéologie paraît diabolique dans son essence et ses visées, mais l’est-elle plus que le communisme ne l’était ou l’écologisme ne l’est, dont le projet de reconstruction sociale a permis l’accès au pouvoir d’une « certaine élite » – politique, quant à elle -, « déconnectée des réalités et indifférente aux conséquences de ses actes » ?

Au moment où Gatsby comprend que Daisy se retranche définitivement dans un monde qui ne sera jamais le sien, Fitzgerald parle de ce que « seul le rêve mort continuait à se battre ». Le message est paradoxal, élégiaque mais non désespéré : le rêveur a beau avoir perdu la foi, le rêve subsiste. Il nous invite à réfléchir, en nous extrayant de l’emprise des idéologies, aux valeurs et aspirations qui guident notre propre existence.

The Great Gatsby, F. Scott Fitzgerald, 177 pages, Penguin Modern Classics, 1st Edition.

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1 commentaire

  1. MERCI! Il est effectivement temps qu’on se mette à réfléchir à cette situation actuelle de totalitarisme – dictature avec l’assentiment et la coopération des citoyens – et qu’on revienne à une vie DIGNE…..

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