Les politiciens belges, francophones et Flamands, ont-ils affublé leur projet de réforme fiscale du nom ésotérique de tax shift afin de ne pas effrayer les expatriés français qui avaient fui l’impôt sur la fortune et vivent actuellement en Belgique ?
A priori – mais rien n’est moins sûr ! – le tax shift consisterait à transférer une partie de la charge de l’impôt des revenus du travail vers les revenus du capital. Le choix des concepts n’est pas innocent. Ne sommes-nous pas revenus en plein univers marxiste avec Piketty et sa cohorte d’apôtres ? En outre, qui s’érigerait contre une diminution des charges sur le travail dans un pays où, d’après une étude publiée cette année par AGN, un réseau international d’experts-comptables, un salarié coûte 2,78 fois le salaire net qu’il perçoit ? C’est un record en Europe où les coefficients pour l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et la Suède, des pays dont les salariés n’ont, semble-t-il, rien à envier à leurs confrères belges en matière de bien-être et de protection sociale, s’élèvent à respectivement 1,75, 1,94, 1,93 et 2,41 fois le salaire net.
Le travail, tout qui contribue au bien-être général en prêtant son intelligence ou son industrie à la création de richesses sait de quoi il s’agit. Qu’en est-il du capital ? Cela devient beaucoup plus flou.
Parle-t-on du « grand capital » dont les LuxLeaks ont démontré qu’il échappe à l’impôt commun ou de celui des géants de la technologie dont les contorsions fiscales sont directement proportionnelles à leur dimension planétaire ? Poser la question revient à y répondre.
S’agit-il d’imposer « les riches de plus en plus riches », voire carrément – pourquoi pas ? – de confisquer leur patrimoine ? Ils sont tellement peu nombreux que nous serions forcément beaucoup à nous en accommoder. D’après le Wealth Report 2014 de Knight Frank, la catégorie des « ultra-high-net-worth individuals » regroupant ceux qui de par le monde, y compris des Chinois, Russes, Arabes, Américains du Sud et autres, disposent d’actifs nets supérieurs à 30 millions de dollars compte 167 669 individus dont la fortune globale serait de 20 100 milliards de dollars.
Imaginons un instant que la Belgique abrite un nombre d’« ultra-high-net-worth-individuals » disposant d’une fortune proportionnelle à son produit intérieur brut et faisons une règle de trois. Selon la Banque mondiale, le PMB (produit mondial brut) s’élevait à environ 77.000 milliards de dollars en 2014 et le PIB de la Belgique à 507 milliards de dollars, soit 0,66%. Le nombre des « ultra-high-net-worth-individuals » belges s’élèverait donc à 1.100 individus et leur fortune globale à environ 133 milliards de dollars, soit 116 milliards d’euros au cours de change actuel. Comparez ce montant aux 400 milliards d’euros de la dette nominale de l’Etat fédéral belge (sans tenir compte des dettes accumulées par les entités fédérées, régions et communautés, et encore moins des engagements à terme non monétisés relatifs aux retraites et soins de santé ainsi qu’à la sécurité sociale) et convenez qu’il faudra confisquer beaucoup plus bas dans l’échelle des fortunes pour équilibrer le budget de l’Etat et réduire l’endettement public en Belgique ! Et si, au lieu de confisquer purement et simplement, l’Etat ne se contentait de prélever qu’une fraction supplémentaire de la fraction de pour cent que rapportent les obligations et dépôts de liquidités ou une dime sur les plus-values jugées spéculatives qu’ont réalisées quelques boursicoteurs sur les actions, c’est encore beaucoup plus profondément qu’il faudrait aller puiser !
Pour boucher les trous, c’est sur l’épargne de tous qu’il faudrait faire main basse. En additionnant les montants nets (hors dettes) de l’immobilier et des valeurs mobilières, le patrimoine total des Belges atteindrait près de 2.000 milliards d’euros (soit un montant moyen de 178.400 euros par habitant et de 417.000 euros par ménage). Si, comme l’écrivit dans le magazine Trends-Tendances Johan Van Overtveldt avant qu’il ne devienne Ministre fédéral belge des Finances, l’on ajoutait aux emprunts de l’Etat ses engagements à long terme non monétisés (retraites, soins de santé, etc.), le montant de la dette nominale devrait être multiplié par un coefficient de 6,5, soit un total de 2.600 milliards.
En comparant le montant du patrimoine des Belges à l’endettement de l’Etat, l’on imagine aisément les turpitudes auxquelles les cigales qui gouvernent sont prêtes à se livrer au nom de « l’intérêt général », ce mirage perpétuellement déployé par les étatistes de tout crin.
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