Sous couvert d’anonymat, un ancien consultant de McKinsey a formulé les choses ainsi : « Ceux qui croient qu’une cabale – les Illuminati, les Reptiliens ou encore les « mondialistes » – contrôle le monde ont bien sûr tort. Il n’existe pas de société secrète derrière toutes les décisions importantes qui déterminent la direction de l’histoire humaine. Mais il y a tout de même McKinsey & Company. » L’idée de départ du livre dont question ici était de réaliser une enquête approfondie sur une grosse entreprise pour aider les lecteurs du New York Times à comprendre comment le pouvoir s’exerce dans nos sociétés. Qui d’autre que le cabinet de conseil McKinsey, qui conseille des milliers de centres de pouvoir dans le monde, à l’abri de tout contrôle étatique, se présentait comme une telle cible de choix ?
Le livre de Walt Bogdanich et de Michael Forsythe, deux journalistes stars du New York Times, est le résultat d’une enquête de 4 ans sur le cabinet de conseil le plus influent au monde. McKinsey, dévoilent-ils – car la firme se garde de le faire elle-même -, est présente dans plus de 65 pays et a prodigué ses conseils aussi bien à des gouvernements démocratiquement élus qu’à des despotes et aux plus grandes entreprises du monde, parfois non sans ambiguïté, comme par exemple lorsqu’elle conseille le gouvernement chinois (et des entreprises publiques chinoises) en même temps qu’elle conseille le gouvernement américain quant à contrer les velléités hégémoniques de la Chine sur le plan militaire et commercial, ou, lorsque, selon les deux auteurs, elle intervient à tous les niveaux dans le secteur des soins de santé (plus grandes entreprises pharmaceutiques, autorités de contrôle, hôpitaux, assureurs médicaux) et conseille les plus grands cigarettiers quant à vendre leurs produits et, par la suite, à se défendre contre les accusations d’avoir vendu « le produit le plus délétère de l’histoire américaine ». Sans même mentionner l’affaire des opioïdes – le livre en parle en détail – il est clair que la firme a su tirer profit de « l’économie de l’addiction ».
En se faisant valoir comme un cabinet de conseil qui a du coeur et n’est pas juste assoiffé de profits, McKinsey attire « the best and the brightest », seuls 1 à 2% des quelque deux cent mille postulants sont embauchés, et pour ceux-là leur passage dans la firme fait office de passeport à vie dans l’univers de l’industrie, de la finance et du gouvernement grâce au réseau mondial d’alumni du cabinet, lequel emploierait environ 34.000 personnes, en mode « up or out », ceux et celles dont les performances sont estimées passables – comme ce professeur d’histoire économique de l’université Cornell jugé trop académique et pas assez athlète, endurant et concentré sur l’équipe et la victoire – étant incités à aller voir ailleurs.
Tous sont invités à se taire sur l’identité des clients et leurs activités et la plupart s’y tiennent, même des décennies après leur départ, volontaire ou non. C’est ce qui rend la tâche de journalistes d’investigation pénible mais, disent les auteurs de l’enquête, d’autant plus palpitante. Malgré la plus stricte discrétion dont s’entoure la firme, Bogdanich et Forsythe affirment être parvenus à interroger près d’une centaine de membres du cabinet de conseil. S’ils ont choisi de parler, ajoutent-ils, ce n’est pas par déloyauté, mais c’est précisément parce qu’ils correspondent au type de personnalité que McKinsey recherche : des gens intelligents qui ont des principes et qui ont été attirés par la firme en raison des valeurs qu’elle met en avant. Dans un rapport de 2018 intitulé « Créer un changement impactant », le directeur général déclare ainsi : « Protéger notre planète, faire en sorte que le travail ait du sens dans nos communautés et créer des sociétés inclusives qui honorent notre diversité est fondamental. » Quand ils s’avisent que plus ça change, plus ça reste la même chose – money, money, money -, il arrive que des whiz kids se rebiffent.
McKinsey, Pour le meilleur et pour le pire, Walt Bogdanich et Michael Forsythe, 448 p, à paraître bientôt chez Buchet-Chastel.
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(Cet article a paru dans l’hebdo satirique PAN n° 4107 du vendredi 29 septembre 2023.)
MERCI pour la présentation d’un livre qui semble spécialement UTILE!