« Je ne suis pas complotiste mais généticienne », insiste Alexandra Henrion Caude, en quatrième de couverture de son ouvrage, Les apprentis sorciers, Tout ce que l’on vous cache sur l’ARN messager, paru en 2023 chez Albin Michel. Son éditeur précise en note liminaire que cet ouvrage critique ne constitue pas une incitation à ne pas se faire vacciner mais « une contribution à la réflexion générale sur le sujet, qui est un point fondamental de santé publique ». Ayant obtenu son doctorat en 1997 à l’Université Paris-Diderot et un post-doctorat à la Harvard Medical School, cette chercheuse franco-britannique, née en 1969, a été directrice à l’Inserm, un organisme public français de recherche scientifique dédié à la santé humaine.

Ses prises de positions à l’occasion de la crise du Covid lui ont valu d’être taxée d’extrême droite, d’intégrisme et de sectarisme, ce dont elle se défend, car elle n’adhère à aucun parti et n’en soutient aucun, tout au plus, dit-elle, suis-je catholique (ce qui n’est en principe pas rédhibitoire mais l’est pour certains) et mère de cinq enfants. Elle estime que les accusations dont elle a fait l’objet avaient pour but de la discréditer parce qu’elle avait tôt dénoncé la fable du pangolin et la responsabilité des hommes dans l’apparition du SARS-CoV-2 et attiré l’attention sur les risques que comportaient les tests PCR et sur l’inanité de traiter une population saine comme si elle était malade, qui plus est à l’échelle de l’humanité entière.

ADN, ARN, protéines, nos matières premières

Le livre, dont il s’est vendu à sa sortie 15000 exemplaires en quatre jours, répond certes à un besoin de l’auteure de justifier ses positions, mais il présente surtout l’intérêt d’éclairer un domaine que le non initié ne maîtrise pas et qu’elle connaît pour l’avoir étudié pendant plusieurs décennies. L’ARN, c’est quoi ? L’acide ribonucléique, dit-elle, fait partie des quadrilliards (c.-à-d. 1 suivi de 27 zéros) de molécules dont est composé notre organisme et, avec l’ADN (acide désoxyribonucléique) et les protéines, de nos matières premières. En l’état des connaissances, dit-elle, ADN et ARN sont les seules molécules à porter toute la programmation qui fait de nous un corps complet, capable d’exister, de fonctionner et de se reproduire.

ADN et ARN n’ont toutefois pas la même allure, précise-t-elle, et ils ne jouent pas le même rôle : l’un stocke, l’autre coordonne. Dans un souci de vulgarisation, elle compare notre corps à un PC : l’ADN est le disque dur, les protéines sont tout ce que l’on voit et dont on se sert (clavier, souris, etc.) et entre les deux il y a l’ARN qui soude l’ensemble et le régule. Il se présente sous des formes multiples. Sa famille est très nombreuse. En font notamment partie les ARNm popularisés par le Covid ainsi que les derniers à avoir été découverts, les microARN, que Mme Henrion Caude qualifie de régulateurs fondamentaux et dont on ne connaît pas encore totalement le rôle, et parmi ceux-ci, les MitomiR, qui assurent le lien de la cellule avec les mitochondries (les centrales énergétiques de nos cellules).

« Les multiples formes d’ARN, leurs immenses capacités, leurs modifications, leurs rôles aussi divers que variés, le fait qu’il y en a partout, tous ces éléments interdisent de dire qu’on les connaît [parfaitement]. On n’avait pas le droit de dire qu’on savait ce qu’un vaccin à ARNm ferait à notre corps à long terme, ni même à moyen ou court terme », écrit-elle, bien que cette molécule géniale qu’est l’ARN et qui a fait l’objet de seize prix Nobel (de médecine et de chimie) entre 1910 et 2020 contienne de fait des promesses de diagnostics et de traitements et est possiblement la boîte à outils la plus perfectionnée pour soigner toute maladie.

L’ARN, une famille complexe aux multiples inconnues

Pour illustrer son propos, elle énumère dans le chapitre entier qu’elle y consacre les utilisations de petites molécules d’ARN développées avant les vaccins Covid pour soigner différentes maladies et, dans le suivant, elle expose ce qu’est l’ARN messager, toute sa complexité, et pourquoi il reste une molécule aux multiples inconnues et elle estime inappropriée son utilisation dans les vaccins pour lutter contre le SARS-CoV-2. Elle rappelle que jusqu’à présent se faire vacciner consistait à se faire injecter un virus atténué ou un bout de protéine de virus inactivé, en l’occurrence inoffensifs.

Dans le cas des vaccins ARNm, il en va tout autrement : l’ordre est donné au corps de fabriquer une protéine de SARS-CoV-2, appelée Spike, laquelle, explique la généticienne, « n’a pas été inactivée et n’est donc pas rendue inoffensive ». C’est inédit dans toute l’histoire des vaccins, observe-t-elle, et ce n’est là que l’une des cinq différences qu’elle décrit par rapport aux vaccins classiques, outre qu’elle juge le choix de la protéine Spike peu judicieux pour un certain nombre de raisons qu’elle détaille. Elle reprend à cet égard une déclaration du médecin, vaccinologue et professeur américain Gregory Poland, directeur du groupe de recherche sur les vaccins de la Mayo Clinic de Rochester (Minnesota) dans la revue Nature : « Je suppose que Spike et le virus se révéleront avoir une liste assez impressionnante de physiopathologies. » C’est à dire, selon la définition du dictionnaire, d’« études des troubles qui surviennent dans le fonctionnement des organes au cours d’une maladie ».

La « bonne » presse généraliste s’est empressée de ranger Mme Henrion Caude parmi les antivax et les complotistes. C’est un raccourci commode qu’à une lecture attentive de son contenu le livre ne mérite pas et le reflet d’une époque où les opinions discordantes par rapport au consensus officiel, quels que soient les qualités et les arguments de ceux qui les émettent, se trouvent aussitôt disqualifiées plutôt que débattues avec des contre-arguments factuels. Il est vrai, l’auteure y fait allusion en conclusion, que les enjeux politiques et commerciaux de l’affaire sont énormes, ceci expliquant sans doute cela.

Les apprentis sorciers, Tout ce que l’on vous cache sur l’ARN messager, Alexandra Henrion Caude, 160 pages, Albin Michel.

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