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Brexit : La quadrature du cercle

Brexit : La quadrature du cercle Posted on 18 octobre 20182 Comments

Le Royaume-Uni et la Communauté, puis l’Union européenne, ça n’a jamais été qu’un pied dedans, un pied dehors. « En vérité, écrivit l’écrivain autrichien Robert Menasse dans le journal allemand Die Welt du 18 août dernier, la Grande-Bretagne n’a jamais été membre de l’Union européenne. Elle y disposait d’un statut spécial, que l’on convint d’appeler commodément « adhésion », constitué de privilèges, d’exceptions et de réserves. Le Brexit ne constituera finalement que la concrétisation en droit de la désillusion après l’illusion (« die Enttaüschung nach der Täuschung ») ».

Le romancier autrichien, qui se déclare anglophile, raconte que le 24 juin 2016, au lendemain du référendum britannique sur l’appartenance à l’UE, il avait été invité par une amie fonctionnaire à la Commission européenne à participer à une soirée « barbecue » dont la plupart des autres convives étaient aussi des fonctionnaires, hommes et femmes, de ladite Commission. La soirée se transforma en une célébration de joie et de libération pendant laquelle tout un chacun partagea des anecdotes et des histoires toutes plus folles et plus fâcheuses les unes que les autres au sujet de la présence du Royaume-Uni au sein de l’UE et dont chacun se dit soulagé qu’elles appartiendraient bientôt, enfin, au passé.

La conclusion d’un simple accord concernant l’importation de bananes en provenance d’un pays tiers comme par exemple la République dominicaine qui eût dû se conclure en quelques semaines et tenir en quelques pages prenait plus d’un an à se finaliser et faisait l’objet de trois fois autant de pages car il fallait tenir compte d’une série de réglementations spéciales, exceptions et dispositions ayant trait à des normes et compétences propres au Royaume-Uni et, la Reine d’Angleterre étant le monarque constitutionnel du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que d’une quinzaine d’autres États souverains et de leurs territoires et dépendances, ainsi que le chef du Commonwealth regroupant cinquante-deux États, il fallait éviter qu’aucun de ces états, territoires et dépendances ne fasse tout à coup partie du marché intérieur de l’Union européenne à la faveur d’un traité concernant des bananes…

Dans cet article du journal Die Welt, Robert Menasse cite deux épisodes qui lui paraissent les plus incroyables : la dérogation obtenue par le Royaume-Uni en ce qui concerne l’adhésion à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne alors que le Traité de Lisbonne avait donné à celle-ci une valeur juridiquement contraignante, et les menaces d’exclusion de l’UE adressées à l’Ecosse à l’époque de son propre référendum sur son appartenance au Royaume-Uni par le Président Barroso de la Commission européenne, apportant ainsi son soutien au pouvoir en place : rétrospectivement, les quelque vingt pour cent d’Ecossais qui changèrent leur intention de vote et votèrent en faveur du maintien dans la Grande-Bretagne afin de rester dans l’Union européenne doivent se sentir floués !

Le Brexit et tout ce qui s’ensuivit sont le résultat de l’incompétence, des maladresses et d’un manque de clairvoyance de la part de la classe politique britannique. Le Premier ministre David Cameron organisa le référendum sur le Brexit pour faire taire ses adversaires sans un seul moment imaginer que la manoeuvre puisse se retourner contre lui. Theresa May provoqua quant à elle des élections législatives anticipées afin de conforter sa position de Premier ministre et se retrouva à la tête d’un parti ayant perdu sa majorité au Parlement et dépendant du bon vouloir du DUP, petit Parti unioniste démocrate de l’Irlande du Nord (10 sièges à la chambre des communes et 3 sièges à la chambre des lords), lui-même en conflit avec son rival républicain du Sinn Fein dans une crise politique qui dure depuis 650 jours.

C’est désormais là que le bât blesse. L’Union européenne a proposé d’instaurer un filet de sécurité (« backstop » en anglais) qui éviterait de réinstaurer une frontière dure entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord (frontière que les accords dits du Vendredi saint et datant de 1998 sur la paix en Irlande avaient fait disparaître), pendant une période transitoire. Dans l’attente d’un accord définitif, l’Irlande du Nord resterait dans l’UE et alignée sur les normes européennes et le contrôle douanier s’effectuerait entre l’île d’Irlande et la Grande-Bretagne.

Que, dans une telle situation, l’Irlande du Nord serait unifiée de fait avec la République d’Irlande, qui plus est sous l’égide de l’Union européenne, n’amuse guère les Britanniques et ne plait pas du tout aux Unionistes du DUP dont dépend, en principe, la survie du gouvernement de Madame May. Cette proposition de l’UE a donc été écartée par le Royaume-Uni.

Comme l’a dit la présidente du Sinn Fein (le parti républicain irlandais présent dans les deux parties de l’île), le Brexit et les accords sur la paix en Irlande paraissent incompatibles, sauf à organiser un référendum – prévu par les accords du Vendredi saint – sur la réunification de l’Ile. Particularismes quand vous nous tenez ! Que dès lors le dernier Sommet européen n’ait abouti à aucune décision et que chacun se soit armé de patience est compréhensible : personne n’a résolu le problème antique de la quadrature du cercle.

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