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Haine du Blanc et monde noir

Haine du Blanc et monde noir Posted on 14 juin 20251 Comment

La « Haine du Blanc » dont Kakou Ernest Tigori, un intellectuel et écrivain ivoirien, lauréat du Prix Mandela de littérature en 2017 pour son roman Le Souverain noir, fait état dans l’essai dont il est question ici n’est pas celle à laquelle vous pourriez penser. Cet ouvrage propose une lecture critique des relations entre l’Afrique et l’Occident et remet radicalement en cause le discours dominant sur la colonisation, la traite négrière et le racisme, d’une manière qualifiée de provocatrice et sensée par Gabriel Martinez-Gros, professeur d’histoire à l’Université Paris-Nanterre, qui en a écrit la préface. Provocateur, cet ouvrage dont l’auteur est africain rompt avec la « doxa africaniste » ; sensé, il est fondé sur des données vérifiables et une argumentation rationnelle.

Tout commence en Europe. Pour Tigori, en même temps qu’elle prend les « commandes du monde » grâce à sa supériorité scientifique et technique des XVIIe-XIXe siècles, elle entre aussi en « guerre civile » sous l’égide de Dieu et de la Science, de l’ordre et de la Révolution, et plus tard du capitalisme et du socialisme. C’est là l’origine de la « haine du Blanc ». Il ne faut pas se tromper sur cette expression, insiste le Pr Martinez-Gros : la haine du Blanc n’est pas le fait des Noirs, mais la tâche assignée aux Noirs par le camp du mouvement dans la guerre civile européenne, celui de la Révolution, qui sera, par la suite, celui du collectivisme et des ses multiples et sanglants avatars.

Le tiers-mondisme, une prison mentale

Cette haine du Blanc est une prison mentale, celle du tiers-mondisme anti-occidental selon lequel les Blancs agissent mal et le reste du monde se contente de souffrir. Elle a, accuse Tigori, un effet infantilisant, qu’il dénonçait déjà dans un précédent livre, L’Afrique à désintoxiquer, Sortir l’Europe de la repentance et l’Afrique de l’infantilisme, la manipulation du Noir pour servir les desseins de la gauche révolutionnaire qu’un autre leader noir, le Martiniquais Aimé Césaire, avait dénoncé dans sa lettre de démission du PCF : « Ce que je veux, c’est que marxisme et communisme soient mis au service des peuples noirs, et non les peuples noirs au service du marxisme et du communisme. » La réalité, fait observer Tigori au passage, est que « le capitalisme n’est la création de personne, alors que le communisme est l’invention d’esprits se prétendant rationnels et infaillibles » et que Staline disposait de précieux relais dans les partis communistes européens, PCF en tête, et d’idiots utiles du genre Sartre pour promouvoir ses campagnes de déstabilisation de l’Occident.

La vulgate de l’oppression des peuples du tiers-monde ne servira pas qu’aux visées impérialistes de Staline, note opportunément Tigori. Après la Seconde Guerre mondiale, elle servira aussi aux Etats-Unis pour affaiblir leurs alliés européens et jouer le premier rôle sur le plan international. Cela passait nécessairement par le démantèlement des empires coloniaux d’avant-guerre. Railleur, Tigori s’interroge en tant que Noir sur ce qu’en 1945 les dirigeants exclusivement blancs des Etats-Unis ont pu penser de la capacité des peuples d’Afrique noire à s’administrer eux-mêmes. A ce propos, dit-il, nous pouvons examiner les rapports qu’entretenaient les Etats-Unis avec d’autres populations noires, à commencer par la leur, qui, à l’époque, quatre siècles après sa déportation par la traite négrière, n’était pas encore jugée apte à s’assumer, tandis que celles colonisées par les Européens pendant à peine quelques décennies le seraient. D’ailleurs, le Noir libéré, les Etats-Unis connaissent, ça s’appelle Haïti, dit Tigori. A l’époque coloniale européenne, elle était surnommée « la Perle des Antilles ».

Faire fi des mensonges gauchistes

En ce qui concerne l’Afrique, selon lui, il y a trois mensonges relatifs au passé qu’il importe de dissiper avant de se tourner vers l’avenir : 1) l’Afrique noire n’était pas un paradis avant l’arrivée du Blanc au XVe siècle ; 2) la traite d’esclaves est une pratique non seulement multiséculaire (« esclave » provient du latin slavus, « slave », parce que de nombreux Slaves furent réduits en esclavage par les Germains et les Byzantins durant le haut Moyen Âge), mais aussi courante des potentats locaux en Afrique (notamment chez les Akans de l’Ouest) bien avant la colonisation ; 3) ramener la colonisation à une sorte de braquage armé et à une entreprise de spoliation consiste à cacher le développement remarquable que le continent africain a connu en quelques décennies sur tous les plans du bien-être des populations (hygiène, santé, éducation, cadre de vie, infrastructures) pendant la période en question.

Il est temps de passer à autre chose, suggère Tigori. Le Chinois passe-t-il le temps à rabâcher qu’il a été réduit en esclavage par le Japonais ? Non, même s’il n’a pas oublié, répond-il. L’Afrique doit procéder à l’inventaire de son histoire. Elle n’a rien vécu de particulier de nature à justifier une incapacité à se gouverner elle-même et à assurer la sécurité et le bien-être de ses populations. Si elle n’y est pas parvenue depuis la décolonisation, selon Tigori, il ne faut pas aller en chercher les causes ailleurs que dans les incuries de ses élites politiques et intellectuelles, en particulier ceux qui ont instrumenté la haine du Blanc afin de détourner l’attention de leur propre responsabilité (corruption, mauvaise gouvernance, etc.) et s’en servent comme alibi. La libération intellectuelle du monde noir passe par la vérité, notamment sur la forfaiture gauchiste qui l’a piégé par la Haine. Il cite Spinoza : « ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre. » Et, comprendre l’histoire, c’est la connaître. Ne pas la connaître constitue un obstacle à une prise de conscience mature.

Pour une Europe et une Afrique responsables

Tigori ne s’adresse pas qu’aux Africains. S’il les invite à sortir de la haine et de la victimisation, il invite aussi les Européens à sortir de la repentance et il plaide pour la construction d’une relation faite de confiance et d’équilibre. La Haine du Blanc est un piège idéologique à double tranchant : elle infantilise les peuples africains (les empêchant d’assumer leur avenir) et affaiblit les sociétés européennes. A ce double titre, il plaide pour un arrêt de l’immigration massive, laquelle ne fait le bonheur que des nouveaux acteurs de la traite humaine dont la préoccupation n’est ni l’Afrique, ni le monde noir, mais uniquement leur profit, et des idéologues soi-disant humanitaires qui ne cherchent qu’à précipiter un bouleversement délétère et à ébranler la cohésion sociale en Europe, les uns et les autres sans égard pour la dignité humaine, ni le moindre souci d’aider l’Afrique à sortir de sa misère.

Haine du Blanc et monde noir, Kakou Ernest Tigori, 432 pages, Editions Mature Afrik.

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1 commentaire

  1. GRAND MERCI pour votre présentation d’un livre exceptionnel et à lire par tous ceux qui s’étonnent devant la culpabilité, la haine de soi des Blancs, et qui, comme Tigori, espèrent un monde équilibré où chacun est responsable, digne, et participe au progrès de son pays.
    J’ajouterai que Tigori écrit exceptionnellement bien, que son livre est très agréable à lire. Et aux Belges qui s’intéressent spécialement au Congo, je propose de commencer la lecture à la page 207, chapitre 7, Léopold II, Souverain du Congo

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