Pour un coup d’essai, c’est un maître coup. Architecte, Pierre Joncquez a beau écrire des chroniques culturelles pour Causeur, Les Évangiles d’Hollywood est son premier ouvrage publié. Il décortique dix films cultes (et un onzième en guise d’interlude) et montre qu’ils reprennent, inconsciemment ou non, des récits et archétypes bibliques (l’Annonciation, la Passion, la Résurrection…) à un moment où le caractère judéo-chrétien de la civilisation occidentale fait débat entre ceux qui rappellent que cet héritage religieux a façonné nos valeurs morales (de justice, de charité, de compassion et de notion de la dignité humaine) et fondé notre éthique du devoir, de l’obligation morale et du respect de la loi, et ceux qui y voient une construction simplificatrice négligeant d’autres influences (comme Rome et la Grèce antique – et pourquoi pas le paganisme celte ?) à des fins politiques visant à nier la diversité culturelle de l’Occident.
Chapitre après chapitre, chacun consacré (sans jeu de mots) à un film, Joncquez en analyse la trame et les symboles et en dévoile de manière troublante et convaincante l’aspect spirituel qui apparaît en filigrane. Assurément, après avoir lu son livre, vous ne reverrez pas le premier épisode de Die Hard (Piège de cristal, 1988) avec Bruce Willis en un John McClane « toujours acculé, jamais désespéré ; toujours menacé, jamais défait ; toujours blessé, jamais mort » de la même façon que vous l’avez vu à sa sortie.
Avec une passion nouvelle, vous comprendrez, pour citer l’Evangile selon saint Luc (9, 22), qu’« il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué et qu’il ressuscite » face au Mal qu’incarne un Alan Rickman diabolique à souhait dans une histoire qui se passe à Los Angeles (la cité des Anges) mais rappelle celle qui s’est déroulée à Jérusalem en l’an 33.
La grande aliénation du futur
C’est encore saint Luc (30-33) que cite Joncquez en exergue de son deuxième chapitre et il s’agit à nouveau d’une affaire d’anges dans ce remake de l’annonce faite à Marie qu’est le premier épisode de Terminator. Le film date de 1984 mais son intrigue se situe en 2029. La guerre ravage le monde. Des robots sous contrôle de l’intelligence artificielle aspirent à exterminer l’humanité. John Connor cherche à la sauver tandis que le Terminator est remonté dans le temps pour éliminer sa mère Sarah et empêcher John de naître.
Joncquez y voit la réécriture futuriste d’une grande saga biblique ayant débuté à Nazareth (« Vous parlez au passé de choses que je n’ai pas encore accomplies », dit Sarah à Kyle, qui est venu lui aussi de 2029, la prévenir du danger qu’elle court) et il y a aussi là, bien sûr, une mise en garde ô combien actuelle contre la technique prométhéenne et la singularité technologique, le moment où la Machine diabolique échappe au contrôle de son créateur humain et agit à notre place, « la grande aliénation du futur ».
Parfois, fait observer Joncquez, l’inspiration biblique est assumée, comme sur l’affiche du film E.T. de Spielberg qui trahit l’intention au premier degré quand elle montre le doigt de l’extraterrestre qui rencontre un doigt humain, tel celui de Dieu rencontrant celui d’Adam dans la fresque de la création peinte par Michel-Ange au plafond de la chapelle Sixtine. Et E.T., qui meurt et ressuscite, n’aura finalement passé que sept jours sur Terre comme en résonance avec la semaine de la Création. Duel, le premier long métrage de Steven Spielberg, sorti en téléfilm en 1971 puis au cinéma en 1972, l’un des films décryptés dans Les Évangiles d’Hollywood, donnait déjà dans le registre biblique, le duel dont question opposant, dans un décor dépouillé et sans méprise possible, le bien et le mal.
La plus irrésistible des forces
C’est aussi la trame que Joncquez détecte dans la saga cinématographique de ce jeune orphelin qui découvre qu’il dispose de talents surnaturels le destinant à intégrer le monde magique des sorciers et à affronter les forces du mal et à les vaincre dans un acte sacrificiel suprême, Harry Potter. Il n’y a pas de parallélisme rigoureux avec les Evangiles, mais, dit l’auteur, l’histoire contient des éléments narratifs et symboliques « clairement calqués sur des traits fondamentaux du récit chrétien ». Il se réfère à la Première épître de l’apôtre Paul aux Corinthiens (15, 26) : « Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort. » Harry est du reste l’enfant de la prophétie de saint Jean dans son Apocalypse (12, 1-5) et sa baguette magique, le sceptre de fer dont il y est question. Ce qui sauve l’enfant de la malédiction de Voldemort, c’est l’amour de sa maman, Lily (le lys, fleur virginale par excellence, en anglais), car l’amour triomphe toujours de la mort, autre allusion de nature chrétienne d’un récit dans lequel le camp élitiste apparaît souvent comme celui du mal.
Le saga prend une tournure christique quand Harry est prêt à mourir pour vaincre la mort. Joncquez cite l’Epître aux Hébreux (2, 14) : « Par sa mort, il a pu réduire à l’impuissance celui qui possédait le pouvoir de la mort, c’est à dire le diable », ou encore Voldemort. Quant à conclure sur la plus authentique et la plus invincible des forces, Joncquez se réfère encore à saint Paul : « L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. »
Les Évangiles d’Hollywood, Pierre Joncquez, 220 pages, Editions Salvator.
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L’illustration de cet article a été générée par IA.