Selon Bloomberg, qui en publie un index quotidien, les 400 personnes les plus riches de la terre auraient vu leur fortune globale s’accroître de 92 milliards de dollars en 2014 en dépit de la chute des prix du pétrole et des bouleversements géopolitiques induits par Vladimir Poutine, deux éléments qui ont impacté la situation de certains milliardaires. La fortune des 400 plus grands d’entre eux s’élèverait à 4 100 milliards de dollars et elle aurait donc progressé de 2,3% en 2014. En comparaison, selon la dernière estimation en date qu’en a publié le Fonds monétaire international (FMI) en octobre dernier, le produit mondial brut (PMB) a atteint 75 000 milliards de dollars en 2013 et il a progressé de 4,3% par rapport à 2012.
L’état de fortune des 400 les plus riches de la planète fin 2014 représente donc 5,5% du dernier chiffre connu pour le PMB, c’est à dire le « PIB mondial », mais cet état de fortune s’est accru moins vite en 2014 (2,3%) que le PMB en 2013 (4,3%) et que l’indice MSCI World des marchés boursiers mondiaux en 2014 (également 4,3%). Les thèses de captation de la richesse par une minorité en semblent a priori contredites puisque plus de richesse a été produite au niveau mondial que n’en ont acquis les plus riches de la planète. Arrêtons-nous aussi à quelques autres observations.
1) Sur base des données publiées par Eurostat en octobre 2014, la dette des 28 Etats membres de l’Union européenne s’élève à 85,4% du PIB et a augmenté entre 2010 et 2013 de manière continue de 7,2%. L’endettement des Etats-Unis dépasse les 100% du PIB et celui du Japon, le double du PIB. Suivant la Banque mondiale, ces trois économies pesaient 18 000 milliards (UE), 17 000 milliards (E.-U.) et 5 000 milliards (Japon) de dollars US, soit un peu plus de la moitié du « PIB mondial » en 2013.
Cela signifie que même si on levait un impôt mondial sur la fortune au taux de 100% (à n’en pas douter le rêve de Piketty et de ses apôtres), la fortune des 400 plus riches de la terre ne comblerait qu’environ un dixième du trou béant de l’endettement public de trois des quatre plus grandes économies mondiales. (La Chine se classe troisième avec 9 000 milliards après l’Union européenne et les Etats-Unis et avant le Japon.)
2) Il s’avérerait sans doute impraticable de prélever le moindre impôt sur la fortune des Chinois, Russes, Arabes et Américains du Sud qui figurent sur la liste des 400 mais qui ne résident pas ou n’ont pas d’actifs dans l’UE, aux Etats-Unis ou au Japon. Pour boucher les neuf dixièmes restants de la dette publique de ces pays il faudrait confisquer la fortune d’un beaucoup plus grand nombre de « moins » riches que les seuls 1 682 milliardaires en dollars répertoriés de par le monde.
D’après le Wealth Report 2014 de Knight Frank, la catégorie des « ultra-high-net-worth individuals » regroupant ceux qui, y compris des Chinois, Russes, Arabes et Américains du Sud mais aussi d’autres nationalités, disposent d’actifs nets supérieurs à 30 millions de dollars compte 167 669 individus dont la fortune globale serait de 20 100 milliards de dollars. Imaginons un instant que l’on prélève un impôt de 100% sur la fortune de tous ces riches-là, leurs 20 100 milliards seraient encore très loin du compte : même pas la moitié de la dette globale accumulée par l’UE, les Etats-Unis et le Japon ! Pour rembourser l’autre moitié de cette dette, il faudra aller beaucoup plus bas dans l’échelle de richesse. Et, une fois ces stocks d’actifs dilapidés, à moins de juguler l’endettement, c’est bien vite à vous que l’on s’adressera quitte à vous asservir plus encore que vous ne l’êtes déjà aux nobles causes de ces bien-pensants qui nous « dirigent » et qui n’ont jamais géré et encore moins créé la moindre entreprise privée.
3) Les riches deviennent-ils toujours plus riches et les pauvres sont-ils de plus en plus pauvres, comme s’entendent à faire accroire les Pikettys de ce monde ? Sur les vingt plus grandes fortunes de la planète, seules 5 ont été héritées, en l’occurrence par les quatre descendants de Sam Walton (le fondateur de Wal-Mart) dont la fortune combinée atteint un montant de 162,5 milliards de dollars et par Liliane Bettencourt (L’Oréal). Les quinze autres plus grandes fortunes ont été amassées par des self-made men : Bill Gates, Buffett (photo), Slim, Ortega, les deux frères Kochs, Ellison, Kamprad, Zuckerberg, Arnault, Page, Li, Brin, Persson et Alwaleed.
Si les riches deviennent de plus en plus riches, il faudrait donc préciser – et ce n’est pas anecdotique – que ces riches d’aujourd’hui ni leurs parents ne l’étaient pour la plupart pas il y a cinquante ans. En d’autres mots, à quelques exceptions près, les riches d’aujourd’hui ne sont pas les riches d’hier. Ce ne sont donc pas les mêmes riches qui sont plus riches. Ils ne constituent pas une classe auto-reproductrice ou cooptée comme l’on en trouve dans d’autres compartiments de la société. En outre, la plus grande partie de leurs fortunes est habituellement investie dans les entreprises qui ont permis de les accumuler. Si on confisquait ces actifs à leurs propriétaires, est-on si sûr que des gouvernements qui se sont endettés au-delà de ce que leurs économies produisent (dette > 100% PIB) et à des taux supérieurs à la croissance du PIB, c’est à dire au rendement des capitaux empruntés, en fassent meilleur usage ?
Les pauvres sont-ils de plus en plus pauvres ? Si la fortune des plus riches s’est accrue en 2014, ce ne fut que de 2,3%, un taux de croissance inférieur à celui de l’économie mondiale (4,3%) en 2013. La population mondiale n’augmentant que d’environ 1% sur base annuelle, il semble acquis, puisqu’elle grandit moins vite que le produit mondial brut, que les 7,3 milliards d’individus qui peuplent la terre à ce jour bénéficient dans leur ensemble plus de la croissance économique que les plus riches dont la fortune grandit moins vite que la croissance. Par contre, ces riches dont la fortune globale continue de croître d’année en année ne paraissent-ils pas intuitivement plus avisés pour créer de la croissance que des gouvernements dont c’est l’endettement qui augmente d’année en année ? Si un Etat avait enfanté un Microsoft, un Google, un Facebook, fait fructifier son économie comme Warren Buffett l’a fait pour les actifs de Berkshire Hathaway ces cinq dernières décennies ou inventé l’ampoule électrique, cela se saurait.
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