Je savais d’expérience que les Anglais étaient des gens compliqués. Ce sentiment est corroboré par d’autres qui les ont fréquentés encore plus assidûment que je ne l’ai fait les 25 ans pendant lesquels j’ai eu une entreprise au Royaume-Uni.
Il y a un peu plus d’un an, le Financial Times publiait un article de l’un de ses rédacteurs américains, Robert Armstrong, qui, sur le point de rentrer aux Etats-Unis, se demandait ce qui peut bien unifier un royaume qui agglomère treize façons – voire plus ! – différentes de parler sur un territoire dont la superficie ne représente qu’un tiers de celle de l’Etat du Texas.
L’hypothèse qu’avança le journaliste du grand quotidien économique est que les Britanniques sont, d’une manière générale, des emmerdeurs (« British are a pain in the arse »). « Les habitants de ces îles, écrivit-il, n’aiment pas qu’on leur dise ce qu’ils doivent faire. Ils sont butés, intraitables et arrogants. » Il ne le concevait pas comme une insulte, mais comme un simple constat, au terme de cinq années d’observation rapprochée au quotidien.
La phrase de quatre mots, sorte de refrain national, qui saisit le mieux le caractère subversif, anti-autoritaire, indolent des Anglais, est, selon le journaliste américain : « I can’t be arsed », « je n’en ai rien à f… » en quelque sorte et en guise d’ultime argument. Ajoutez-y que les Anglais n’ont pas la réputation d’être des « straight shooters » (d’aller droit au but)…
Le 14 novembre 2018, Theresa May obtint le soutien « collectif » de son gouvernement à l’égard de l’accord péniblement négocié avec l’Union européenne. Dès le lendemain de ce soutien supposé « collectif », quatre membres de son gouvernement, et parmi eux Dominic Raab, le secrétaire d’Etat précisément en charge du dossier du Brexit, démissionnèrent.
« Perfide Albion » ! Les quatre renégats n’avaient-ils pas eu la franchise de faire part de leur refus du projet d’accord lorsqu’ils se trouvaient en face de la Première ministre ? Un ami anglais me confia qu’il ne fallait jamais oublier que les Anglais étaient « double-faced », des hypocrites. « Et toi, lui demandai-je, naïf, l’es-tu aussi ? » « Bien sûr, me répondit-il sans ciller, je suis anglais ! » Comment ne verrait-on pas une manifestation de ce trait de caractère dans la démission de Raab et consorts à l’époque ?
Lors d’une conférence de Michel Barnier, invité par la Chambre de commerce et d’industrie France Belgique en mai dernier à Bruxelles, le négociateur en chef pour l’Union européenne dans le cadre des pourparlers en vue du Brexit souligna le sérieux et le professionnalisme de la Première ministre britannique Madame May et des membres de son équipe de négociateurs.
Ensemble, ils réussirent presque à résoudre la quadrature du cercle, à savoir ici à éviter de rétablir une frontière entre l’Eire et l’Ulster tout en actant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et en préparant la suite des négociations économiques, compte-tenu des lignes rouges reprises dans le schéma ci-dessus (fourni par Michel Barnier) des possibilités de coopération future entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, cette dernière étant bien entendu tenue d’honorer ses engagements commerciaux antérieurs vis-à-vis de ses autres partenaires.
Les Britanniques, et les conservateurs anglais en particulier, s’étant surpassés entre-temps, l’on a vu ce qu’il en est advenu. Et, quant à envisager la suite de cette comédie shakespearienne, là encore un croquis vaut mieux qu’un long discours. Souhaitons aux Britanniques de ne pas tomber de Charybde en Scylla et de ne pas hisser au pouvoir un gouvernement travailliste dont l’essentiel du programme porterait sur des expropriations et des confiscations ainsi que sur quelques autres diableries bien socialistes.
Quant à la possibilité de conclure un accord commercial avec les Etats-Unis, n’est-il pas prématuré de l’évoquer, étant donné ce qui précède, voire illusoire, étant donné la versatilité de l’occupant actuel de la Maison-Blanche ?
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