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Brexit : Chronique d’une sortie annoncée

Brexit : Chronique d’une sortie annoncée Posted on 18 janvier 20151 Comment

Dans ses Outrageous Predictions for 2015 (voir l’article « Quels cygnes noirs pour 2015 ? » sur ce site), la Saxo Banque pronostiquait la victoire du parti nationaliste UKIP (United Kingdom Independence Party) aux élections législatives du 7 mai prochain au Royaume-Uni. En enlevant 25% des votes, prédit la banque, ce parti deviendra le troisième plus grand parti du parlement britannique.

Il n’obtiendrait qu’un tiers des sièges des conservateurs et des travaillistes à cause du principe « first past the post » qui régit le système électoral du Royaume-Uni et qui attribue le siège unique d’une circonscription au parti arrivé premier. Mais, ce score mettrait ce parti, qui fait campagne contre l’Union européenne et contre l’immigration, dans la position d’infléchir l’aiguille de la balance dans les négociations en vue de la formation du gouvernement. Saxo Banque voit David Cameron diriger le nouveau gouvernement avec comme Vice-Premier ministre le leader nationaliste Nigel Farage, « Mr Serpillière humide » (selon les termes injurieux dont il qualifia l’ancien Président du Conseil européen). Avec cette coalition au pouvoir, un référendum sur l’appartenance à l’Union européenne deviendrait inévitable et comme une majorité des citoyens britanniques sont réfractaires à l’Union européenne selon les sondages, l’on s’orienterait donc vers une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, un « Brexit » (British Exit) en 2017.

Le Financial Times s’est lui aussi livré aux prévisions pour l’année à venir, la question des élections législatives britanniques étant la première abordée. Il prophétise quant à lui une grande coalition entre conservateurs et travaillistes, l’appoint du parti libéral-démocrate n’étant suffisant à aucun de ces deux autres partis pour former une majorité et le « prix » à payer pour gouverner avec UKIP ou le parti indépendantiste écossais étant trop élevé. Quoi qu’il en soit, cette grande coalition, telle qu’il en exista au Royaume-Uni dans les années 1930, consisterait en un mariage de nécessité plutôt que d’amour et elle se heurterait à des questions de personnes, ne serait-ce déjà que pour déterminer qui la dirigera.

Le grand quotidien britannique restait humble quant à la valeur de ses supputations. Il avouait s’être lamentablement fourvoyé un an plus tôt en prédisant la victoire du Brésil à la Coupe du monde de football, une hausse des taux d’intérêt en Grande-Bretagne et la réussite du premier vol commercial de Virgin Galactic. Il soulignait toutefois aussi qu’il avait bien prédit les résultats des élections en Inde et pour le Parlement européen. Et, une première prédiction du FT pour 2015, à savoir la chute du prix du pétrole sous la barre des 50 dollars US, s’est trouvée réalisée dès le 5 janvier !

Brexit or no Brexit, does it matter ? Que l’on en juge sur les trois plans suivants.

1) En tout premier lieu, il conviendrait de demander ce qu’en pensent les nombreux immigrés en provenance de pays de l’Union européenne qui vivent en Grande-Bretagne et en particulier les Français qui ont fait de Londres la « sixième ville de France ». Ce sont tous les immigrés et non pas seulement les Bulgares, les Roumains et les Polonais que visent les campagnes xénophobes des tabloïds britanniques pour la plus grande délectation des nationalistes de UKIP. Qui est détenteur d’une carte d’identité européenne, est allé ces temps derniers par la route en Grande-Bretagne et s’est entendu poser par le contrôle des frontières autant de questions qu’en posait le service d’immigration US à l’arrivée sur le territoire américain il y a 35 ans, s’est rendu compte que le réflexe nationaliste s’adressait à toutes les nationalités européennes, sans exception.

2) En second lieu, comment se désintéresserait-on de la Grande-Bretagne, cinquième puissance économique mondiale (derrière les Etats-Unis, la Chine, le Japon et l’Allemagne), un rang qu’elle a repris à la France comme l’annonçait, le 6 janvier, le Figaro qui y voyait trois explications : la croissance, l’inflation et la livre sterling. La croissance économique s’étant élevée en 2014 à plus de 3% au Royaume-Uni (contre 0,4% en France) et le différentiel d’inflation (l’antienne de l’année !) n’étant que de deux dixièmes de pour cent selon les dernières estimations, faudrait-il en conclure que c’est donc d’une monnaie plus forte dont ont besoin les pays en panne de croissance ? N’était-ce pas une dévaluation que réclamaient les pourfendeurs de l’euro sur le continent? Les Français de Londres et d’ailleurs en Angleterre ne se sont pas leurrés sur les perspectives qui s’offraient à eux de part et d’autre de la Manche. Ne serait-il pas urgent de ce côté-ci de s’interroger sur les vrais facteurs de la croissance, une réduction du poids de l’Etat dans l’économie, un encouragement de la volonté d’entreprendre et une flexibilité du marché du travail ?

3) Enfin, comme l’écrivit Charles Gave, le président français et anglophile de l’Institut des Libertés, un Brexit, la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, serait regrettable sur le plan des institutions européennes. « Entre un Etat de droit et le droit de l’Etat, les Anglais ont opté il y a bien longtemps pour le premier, au contraire des Français par exemple. Une Europe sans le Royaume-Uni perdrait toute crédibilité démocratique. La technocratie et le capitalisme de connivence pourraient s’y déployer sans aucune contrainte. Nous nous retrouverions dans une URSS molle, condamnée à stagner et à sortir de l’Histoire. Si le Royaume-Uni quittait l’Union européenne – ce dont Charles Gave se déclare intimement convaincu – ce serait, conclut-il, un véritable désastre. »

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