Le wokisme n’existe pas, du moins c’est ce que ses tenants prétendent. A vrai dire, il ne s’agit jamais que d’une réplique, de magnitude toutefois beaucoup plus élevée, du politiquement correct. Le loup peut changer de peau, non de naturel, aurait dit le théologien grec Michel Apostolius (1422-1478). Le terme « woke » apparaît, nous apprend Sylvie Perez dans En finir avec le wokisme, en 1938 dans la bouche d’un chanteur de blues, Lead Belly, invitant les Noirs à rester vigilants dans une société où sévissait la ségrégation raciale. C’est désormais de toutes les minorités qu’il s’agit : race, sexe, genre.
Le wokisme préfère la diversité à l’universalité. A la liberté d’expression et de conscience, à l’égalité formelle (ex ante, d’opportunités – l’isonomie) et à la démarche scientifique, il oppose la protection des minorités, l’égalité absolue (ex post, de résultat – l’isomoirie), une culture de conviction idéologique, d’émotion et de censure. Il consacre l’inégalité et finit par réintroduire de force ce au nom de quoi il est censé se battre. Le racialisme, par exemple, remet en avant le concept de race.
Bertrand Russel, cité par Sylvie Perez, écrivit : « Le problème de notre monde tient à ceci que l’imbécile ou le fanatique est toujours très sûr de lui, tandis que le sage est assailli de doutes. » En l’occurrence, ici les imbéciles ou les fanatiques reprennent la ritournelle marxiste avec de nouveaux accords : oppresseurs et opprimés ont changé de catégorie. Le wokisme réhabilite la différence surprenamment là où – l’Occident – tout contribue à l’abolir.
Male, pale & stale
Soyez blanc, hétérosexuel, cisgenre et de la meilleure foi possible, rien n’y fait – male, pale & stale, tenez-vous-le pour dit – car la discrimination est systémique et réclame déconstruction. Foucault et Derrida sont passés par là. L’Amérique nous renvoie l’ascenseur. La nouvelle utopie égalitaire porte l’émotion à son comble et fait fi de la raison et de l’égalité devant la loi. Sus aux Harrison Bergeron (le protagoniste à l’intelligence, la force et la beauté exceptionnelles de la nouvelle dystopique de Kurt Vonnegut, Pauvre surhomme) de ce monde !
Comment pourrait-on imaginer que cette utopie ou toute autre advienne si ce n’est à marche forcée ? Seule l’égalité devant la loi – les mêmes règles pour tous – protège de l’arbitraire et du totalitarisme. Toute idéologie égalitariste entraîne des atteintes aux libertés fondamentales et une ingérence dans tous les aspects de la vie privée, une multiplication des normes et des règles (l’écologisme n’agit à cet égard pas autrement que le wokisme), le tout pimenté d’une logorrhée surréaliste qui retourne le sens des mots et d’un contrôle de la pensée.
I need to check your thinking
Et, si vous croyez cette dernière allusion exagérée, détrompez-vous. En Grande-Bretagne, la police consigne les « incidents haineux non criminels ». Sylvie Perez, qui vit à Londres, raconte l’anecdote survenue à ce chef d’entreprise anglais possédant une flotte d’engins de terrassement et occupant 90 personnes qui se fit convoquer après avoir exprimé sur Twitter son opinion qu’un homme qui se sent femme reste un homme et qu’il convient de sanctuariser les espaces réservés aux femmes (toilettes, refuges, prisons). La police se présente dans ses bureaux. S’ensuit avec l’officier de police de service un dialogue orwellien : « Les tweets dont vous parlez sont-ils de nature criminelle ? – Non. – Alors pourquoi me convoquez-vous ? – Je dois contrôler vos pensées. (I need to check your thinking.) »
Harry Miller, ledit chef d’entreprise, n’en est pas resté là. Il a ouvert une cagnotte pour financer une action devant la Haute Cour au motif d’enfreinte à la liberté d’expression. La Cour, citant Orwell à trois reprises, lui a donné raison sur toute la ligne. Il a à présent fondé le Reclaim Party pour mener campagne contre le wokisme. Il n’est ni le premier ni le plus connu des résistants à cette idéologie totalitaire de gauche. Figurent parmi eux des intellectuels de tous les horizons et de tous les bords et des médecins. C’est heureux quand au nom de la théorie du genre resurgissent des expérimentations médicales d’un type que l’on eût cru d’une époque révolue. C’est ce combat que Sylvie Perez relate dans cet essai poignant.
En finir avec le wokisme, Sylvie Perez, 368 p, Les Editions du Cerf.
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(Cet article a paru dans l’hebdo satirique PAN n° 4114 du vendredi 17 novembre 2023.)