Comme l’a écrit, dans NAVO, Hersendood of klaar voor de toekomst (voir le précédent article de cette chronique), Heather Conley, qui servit en tant qu’assistante adjointe au secrétaire d’État des Etats-Unis, en charge de l’Europe centrale, un rôle qu’elle a assumé à un moment où l’OTAN a connu, en 2004, son cinquième et plus important cycle d’élargissement, les responsables de l’OTAN ont pu penser en 2010 que la Russie en était devenue un partenaire. Rien n’était moins vrai. Ce fut une grave erreur d’appréciation. Une plus lourde à ses yeux fut de ne pas apercevoir ce qui menaçait l’Alliance de l’intérieur, à savoir l’illibéralisme.
Viktor Orbán, Premier ministre hongrois depuis 2010, s’en est réclamé dans un discours prononcé en 2014, mais la Hongrie ne fait plus figure d’exception. En 2020, pas moins de onze membre de l’Alliance, parmi lesquels les Etats-Unis, furent rétrogradés sur le plan du respect de l’Etat de droit, de la liberté de presse et du fonctionnement démocratique des institutions publiques à l’indice de la liberté établi par la Freedom House, une organisation sans but lucratif financée par le gouvernement américain. Cette évolution est d’autant plus néfaste pour l’OTAN qu’elle se veut une alliance pour la défense des valeurs démocratiques. Elle l’a rappelé dans son Strategic Concept de 2010.
L’OTAN dont nous avons besoin
Dans un chapitre intitulé « A la recherche de l’OTAN dont nous avons besoin (avant 2030) », Mme Conley estime que plus les pays membres de l’OTAN se renforceront du point de vue démocratique, mieux l’Organisation pourra se projeter de manière alerte et dynamique sur le plan géopolitique et jouer un rôle pertinent vis-à-vis de ses partenaires soucieux de la sécurité de par le monde. Le retrait chaotique d’Afghanistan et les frustrations, du côté européen, quant à la domination américaine et à un manque de consultation et, du côté américain, quant au non-respect des engagements militaires furent contre-productifs. NAVO, Hersendood of klaar voor de toekomst a été publié à la fin de 2021, avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie…
Daniel Hamilton, qui est titulaire d’un PhD de la Johns Hopkins School of Advanced International Studies et l’auteur d’une centaine d’ouvrages et articles sur les questions internationales, s’interroge quant à lui sur l’impact que Trump aura laissé sur l’avenir de l’OTAN et le rôle de l’Amérique dans le monde. L’Europe, écrit-il, a besoin d’une Amérique puissance européenne et non d’une puissance américaine en Europe ; l’Europe doit rester libre, vivre en paix avec elle-même, ne pas se laisser dominer ni menacer par des puissances hostiles à l’Amérique. L’Europe doit être la contrepartie de l’Amérique, non le contrepoids.
Or, ajoute Daniel Hamilton, en plein révisionnisme russe et ascension chinoise, il faut en convenir, l’Europe, d’exportateur de stabilité, est devenu importateur d’instabilité : il est urgent de rétablir la résilience démocratique de l’Occident. Et, selon Alexander Mattelaer, Senior Research Fellow à l’Institut royal Egmont pour les relations internationales, qui cite un rapport d’experts de l’OTAN, de maintenir une avance technologique et, partant, une capacité de dissuasion et de défense. Et, pour ce qui est de la Belgique, ce professeur de la VUB s’inquiète de la parcellisation du pouvoir politique et d’un manque de conviction dans le public quant à assurer sa propre défense et sa sécurité.
From Russia without love
Revenons-en à la Russie, objet de tant de thèses conspirationnistes, avec le témoignage dans le livre d’un acteur de tout premier rang, le Pr Dr Jamie Shea, ancien secrétaire général adjoint délégué de l’OTAN pour les défis de sécurité émergents au QG de Bruxelles. Il en fut le porte-parole pendant la guerre du Kosovo en 1999. Tandis que les pays d’Europe orientale favorables à l’OTAN intégraient l’Alliance, écrit-il, ceux qui l’étaient moins se sentirent laissés pour compte, voire menacés dans leur propre sécurité.
Il précise : en 1997, l’OTAN avait formulé sa promesse de trois NON à la Russie, qu’il n’existait pas de politique, de plan ou d’intention de stationner des troupes de combat en nombre substantiel sur le territoire des anciens membres du bloc de l’Est. Il fut convenu qu’OTAN et Russie ne se considèrent plus comme ennemis et il fut créé un organe de concertation, le NATO-Russia Council pour traiter ensemble des questions sécuritaires en Europe et au-delà. Il y eut même jusqu’à un certain degré une coopération en Afghanistan, au Kosovo et dans le golfe Persique. Mais, constate Jamie Shea, les apparences sont trompeuses : l’OTAN et la Russie persistaient à voir le monde de perspectives tout à fait différentes. La campagne aérienne de l’OTAN au Kosovo et l’invasion russe en Géorgie (2008) mit à mal le rapprochement, l’annexion de la Crimée par la Russie (2014) en constitua le clap de fin. (A suivre)
NAVO, hersendood of klaar voor de toekomst?, ouvrage collectif sous la direction de Theo Francken, Hendrik Bogaert et Peter Buysrogge, 416 pages, Doorbraak.
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(Cet article a paru dans l’hebdo satirique PAN n° 4075 du mercredi 15 février 2023.)