Dans un article d’opinion publié par l’International New York Times des 23/24 août 2014, Slawomir Sierakowski, sociologue polonais, s’étonnait de ce que le Président des Etats-Unis et la Chancelière allemande aient estimé nécessaire de rassurer la Pologne et les Etats baltes quant au soutien que leur procurerait l’OTAN si la situation en Ukraine dégénérait en guerre ouverte et la menace se précisait pour ses voisins qui faisaient eux aussi naguère partie de la sphère d’influence soviétique.
Qu’il soit nécessaire d’insister sur le fait que les engagements pris seront respectés, c’est précisément parce qu’il existe un doute à cet égard, estime l’auteur de l’article, qui voit dans l’absence de soldats de l’OTAN en Pologne et dans les Etats baltes (concession politique faite de longue date à la Russie) l’existence d’une organisation de défense à deux vitesses. « Il ne fait aucun doute que les membres de première classe (Grande-Bretagne, Allemagne, Italie) seraient immédiatement défendus en cas d’attaque. Quant aux membres de seconde classe, ils font partie d’une zone grise qui serait ravagée pendant des semaines voire des mois avant que des forces de l’OTAN n’y fassent leur apparition. »
Certes, l’Allemagne entretient-elle avec ses voisins d’Europe orientale des relations qui n’ont jamais été meilleures qu’aujourd’hui, constate Sierakowski, mais il n’en reste pas moins que la Russie est l’un des plus grands exportateurs de matières premières et que l’Allemagne est l’un des plus grands exportateurs de produits finis. Leur intérêt commun s’inscrit dans la réalité économique comme l’un des plus grands partenariats d’affaires en Europe, illustré notamment par les mandats exercés par le prédécesseur (socialiste) de la Chancelière allemande dans l’industrie pétrolière russe.
Quinze ans se sont écoulés depuis que la Pologne a rejoint l’OTAN, dix ans depuis que les Etats baltes ont fait de même. Maintenir une « quarantaine géopolitique », concédée à l’origine à l’Union soviétique, en guise d’apaisement vis-à-vis du pouvoir en place aujourd’hui n’est pas sans rappeler de fâcheux précédents historiques, conclut l’auteur de l’article en question.
En page 13 (« Companies – Economy – Business ») du même numéro de l’International New York Times, un entrefilet faisait état de ce qu’en dépit des tensions suscitées par la crise en Ukraine, le gouvernement allemand avait approuvé la cession de la filiale pétrole et gaz naturel du groupe énergétique RWE à un groupe d’investissement russe établi à Luxembourg pour un montant de plus de 5 milliards €. RWE doit faire face aux pertes résultant de la décision de l’Allemagne de sortir de l’industrie nucléaire et d’augmenter sa dépendance par rapport aux sources d’énergies renouvelables. L’accord du gouvernement allemand constituait le principal obstacle en ce qui concerne la cession de ces intérêts pétroliers et gaziers, même si d’autres pays devraient encore donner leur aval avant qu’elle ne puisse se réaliser. En effet, la filiale du groupe RWE a notamment des intérêts en Norvège, en Grande-Bretagne et au Danemark. Ces autres membres de l’OTAN feront-ils prévaloir la réalité économique ou l’aspect géopolitique ?
Un ancien premier ministre danois est secrétaire général de l’OTAN et la Norvège partage 200 km de frontière avec la Russie. Toutefois, si l’accord passé entre Rosneft, le plus grand producteur pétrolier russe, et la société norvégienne North Atlantic Drilling d’une prise de participation de 30% de la première dans la seconde en échange de 150 plates-formes de forage, accord annoncé par le Financial Times du 22 août 2014, peut servir de prémonition quant à la position des gouvernements concernés dans le dossier RWE, Slawomir Sierakowski ainsi que Corentin de Salle et David Clarinval (auteurs du livre Le Fiasco énergétique qui évoquait les conséquences désastreuses de la politique énergétique allemande) auront des pièces à conviction à ajouter à leurs dossiers respectifs.
(Sources : International New York Times ; Financial Times.)
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