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Relancer l’emploi, vraiment ?

Relancer l’emploi, vraiment ? Posted on 18 août 20141 Comment

« PS et cdH mettront la priorité sur l’emploi en Wallonie », titrait l’un des principaux quotidiens de la presse francophone belge après que ces deux partis se soient entendus pour gouverner ensemble en Wallonie à la suite des élections législatives et régionales qui eurent lieu en Belgique en mai. Pour ceux qui nous lisent par-delà les frontières, précisons qu’en Belgique francophone comme en France le PS est le Parti socialiste, et que cdH est le sigle du Centre démocrate humaniste, anciennement Parti social chrétien, qui n’a, sauf erreur, pas de pendant dans la république laïque.

Que ces deux partis se soient empressés de former une coalition pour gouverner la région wallonne ne résultait donc nullement de leur crainte que l’un d’eux se voie évincé de ce niveau de pouvoir par le Mouvement réformateur (« MR », mouvance libérale) mais bien du souci de relancer l’emploi. « Mais les contraintes budgétaires limiteront cette ambition », avertissait le quotidien francophone.

Les régions ont obtenus d’importants nouveaux moyens financiers à la faveur de la sixième réforme institutionnelle en Belgique et constituent des entités aux pouvoirs et budgets non négligeables. Est-ce toutefois d’ordre budgétaire que sont les limitations à l’ambition de relance de l’emploi ? Que des mandataires publics qui n’ont jamais créé la moindre entreprise et n’ont jamais été confrontés au souci d’assurer la pérennité d’une entreprise en l’inscrivant dans la réalité économique du marché persistent à le penser n’étonnera point. Ce n’est pourtant pas à coups d’interventionnisme économique, de subsides et de transferts que l’on crée de l’emploi. Corentin de Salle et David Clarinval l’ont démontré en ce qui concerne le secteur énergétique en Wallonie dans leur récent livre Le Fiasco énergétique, auquel fut consacré un précédent article de cette chronique.

Si la volonté de relancer l’emploi était sincère, les membres de la classe politique, friands donneurs de leçons et pourvoyeurs de plans en tous genres, feraient bien de s’insuffler une dose d’humilité épistémologique et de se départir de leurs paradigmes idéologiques et autres réflexes clientélistes. La chercheuse d’origine indienne Saras Sarasvathy, professeur à l’Université de Washington, a démontré dans ses travaux (voir « Causation and effectuation : toward a theoretical shift from economic inevitability to entrepreneurial contingency », Academy of Management Review, 2001) que la création d’entreprise, et partant de richesse économique et d’emploi, résulte d’une démarche d’effectuation et d’une logique de contrôle diamétralement opposées à une démarche relevant du principe de causalité et à une logique de prédiction. Là où causalité et prédiction considèrent un effet donné comme acquis et se focalisent sur le choix des moyens pour le produire (approche « top down« , chère à l’idéologie), par contre, effectuation et logique de contrôle évaluent les moyens disponibles et s’attachent à la recherche du meilleur parmi les effets possibles (approche « bottom up« , caractéristique de la pratique d’entreprise).

Donnant un aperçu de ses recherches sur l’incertitude et le hasard dans ses livres Le Cygne Noir : la Puissance de l’Imprévisible et Antifragile : Les bienfaits du désordre, auxquels fut consacré un autre article de cette chronique, Nassim Nicholas Taleb, professeur à l’Institut polytechnique de l’Université de New York et considéré comme l’un des plus brillants esprits de notre temps par David Kahneman, Prix Nobel d’économie en 2002, conclut lui aussi en faveur d’une approche « bottom up » plutôt que « top down » en faisant remarquer que le monde est trop aléatoire et imprévisible pour prétendre baser une politique sur une visibilité du futur ou le traiter comme une machine hyper-sophistiquée dont quelques génies assureraient la maintenance en suivant une quelconque notice explicative.

Concrètement, c’est en abandonnant toutes prétentions d’omniscience et d’inévitabilité économiques et en laissant libre cours à la contingence entrepreneuriale dans la transparence économique, l’harmonie sociale et un cadre légal et réglementaire équilibré et stable que l’on favorisera la croissance économique et relancera l’emploi. Qu’on encourage les entrepreneurs à entreprendre en s’abstenant de multiplier contraintes et vexations de tous ordres à leur encontre et chacun – Etat, travailleurs et entreprises – y trouvera finalement son compte. C’est ainsi que l’on assurera le progrès économique et le bien-être social, et non par un accroissement des moyens budgétaires mis à la disposition d’acteurs politiques n’ayant jamais démontré le moindre esprit d’entreprise ni aucune expérience pertinente dans ce domaine.

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