Dans un article du 17 décembre 2021, le Financial Times a énuméré les exigences non négociables en matière de « sécurité » (‘red line’ security demands) formulées par la Russie à l’égard de l’OTAN et des Etats-Unis afin d’éviter un conflit armé en Ukraine – mais pas seulement, sans nul doute.
La Russie exige que l’OTAN s’abstienne de déployer des troupes dans les anciens pays communistes d’Europe sans son accord ; qu’elle s’interdise de s’ingérer en Ukraine, en Europe de l’Est, dans le sud du Caucase, et en Asie centrale, et de placer des missiles suffisamment près pour toucher la Russie ; et qu’elle limite les exercices militaires dans les zones frontalières.
Un traité séparé avec les États-Unis prévoirait que chaque partie garde ses bombardiers, navires de guerre et missiles hors de portée de l’autre partie et ne dispose d’armes nucléaires que sur son propre territoire. Les États-Unis s’engageraient à ne pas installer de bases dans d’anciens pays soviétiques ou à s’associer à leurs armées.
Escalade dans le Donbass
L’accumulation de troupes, de chars et d’artillerie à la frontière de la Russie avec l’Ukraine qui s’est poursuivie depuis le mois de mars de l’an dernier était censée n’être qu’un simple exercice militaire. Mais, le rassemblement n’ayant cessé de grossir pour atteindre un contingent de 175.000 personnes, force est de considérer que la Russie pourrait bel et bien envisager une nouvelle invasion, d’autant qu’elle a adopté une posture de plus en plus belliqueuse.
En effet, le président russe a même été jusqu’à évoquer une politique génocidaire de l’Ukraine dans le Donbass, la région frontalière dans laquelle la Russie mène une guerre séparatiste larvée depuis 2014. Les dirigeants ukrainiens craignent que cette accusation ne serve de prétexte à une offensive de la Russie, laquelle a averti qu’elle ne tolérerait pas une tentative de reprise de la part de l’Ukraine des territoires conquis par les séparatistes.
Et, si le moindre doute subsistait quant à la gravité de la situation, la Russie a mis en garde la Suède et la Finlande, qui n’en font pas partie, contre une adhésion à l’OTAN et le Vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Ryabkov, a comparé la crise actuelle à celle des missiles à Cuba en 1962.
Pour paraphraser le comte de Montalembert (1810-1870), « Vous auriez beau ne pas vous occuper de géopolitique, la géopolitique s’occupera de vous. »
C’est l’idée derrière l’Atlas géopolitique mondial publié chaque année aux éditions du Rocher. Doté de près de 300 cartes et graphiques et de commentaires renouvelés intégralement à chaque édition, ce luxueux atlas est un outil d’analyse, accessible et clair malgré la complexité du sujet, à l’intention de tous ceux qui s’intéressent aux relations internationales.
Sous la direction d’Alexis Bautzmann, qui enseigne les relations internationales et les affaires stratégiques dans plusieurs universités et grandes écoles, une trentaine de spécialistes abordent dans l’édition 2022 une centaine d’événements saillants et moins médiatisés d’une actualité couvrant tous les continents et, notamment, dans un article signé Clara Loïzzo, les conflits et enjeux autour de cet espace maritime hautement stratégique que sont les mers Noire et d’Azov.
Ces deux mers sont reliées par le détroit de Kertch (au-dessus duquel passe un pont inauguré par les Russes en 2018). La seconde est bordée par l’Ukraine, les « Républiques populaires de Louhansk et de Donetsk » (aux mains des séparatistes pro-Russes), la République autonome de Crimée (annexée par la Russie en 2014) et la Russie qui contrôle le détroit depuis cette annexion et pourrait contrôler la mer d’Azov tout entière si elle continuait ses avancées en Ukraine. C’est assurément un des points chauds de la géopolitique européenne.
Mer Noire de tous les dangers
Mais, la mer Noire constitue un enjeu (stratégique, énergétique, économique, environnemental) plus important encore. Située entre l’Europe, le Caucase et l’Anatolie, elle est onze fois aussi grande que la mer d’Azov (413 000 km2 contre 37 600). Espace de transits, d’influences et de conflits, les pays riverains en sont l’Ukraine au nord-ouest, la Russie au nord-est, la Géorgie à l’est, la Turquie au sud, la Bulgarie et la Roumanie à l’ouest. Son accès par le Bosphore, la mer de Marmara et le détroit des Dardanelles est, par contre, contrôlé par la Turquie. Cette simple énumération suffit à démontrer la complexité et la dangerosité de la configuration de la région.
Le conflit entre la Russie et l’Ukraine dans le Donbass a commencé en 2014 et il a transformé cette région en une terre de mines. Il a fait plus de 15 000 morts et 30 000 blessés et a provoqué l’exode de 2,5 millions de personnes. Selon l’OSCE (l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), citée par Clara Loïzzo dans l’Atlas géopolitique mondial, les violations du cessez-le-feu signé le 22 juillet 2020 ont été de plus en plus nombreuses en 2021.
L’Ukraine, que soutiennent les Etats-Unis et l’Union européenne, s’est rapprochée de la Pologne (2 millions d’Ukrainiens disposent d’un permis de travail polonais) et des trois États baltes qu’unit la méfiance à l’égard du puissant voisin russe, mais aussi, sur le plan militaro-industriel, de la Turquie, dont la position est pour le moins ambigüe.
Cette dernière partage des intérêts économiques et une même animosité vis-à-vis de l’Occident avec la Russie, mais elle n’a pas reconnu l’annexion de la Crimée, elle cherche à affirmer sa présence dans le Caucase et en Asie mineure jadis soviétiques où les turcophones sont nombreux et elle joue un rôle majeur dans le transit énergétique (gazoducs Blue Stream et transanatolien TANAP ; oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan qui transporte le pétrole des champs azéris de la mer Caspienne à la mer Méditerranée).
Ajoutons à cela les questions de la Transnistrie (en Moldavie), de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud (en Géorgie) et du Haut-Karabagh, et on voit que les conflits d’intérêts et les points d’embrasement ne manquent pas dans la région avant que de ne se préoccuper de l’élévation du niveau des mers qu’y provoquerait une hausse de la température de 1,5° C d’ici la fin du siècle.
Atlas géopolitique mondial, Edition 2022, ouvrage collectif sous la direction d’Alexis Bautzmann, Editions du Rocher, 208 pages.
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(Cet article sur la géopolitique en l’an 2022 a été publié dans l’hebdomadaire satirique PAN n° 4018 du mercredi 12 janvier 2022.)