Méfions-nous des idéologues, de leurs beaux discours et de leurs petites idées ! Ce serait en quelque sorte cette retranscription moderne du « Timeo Danaos et dona ferentes » de Virgile dans l’Iliade que l’on pourrait attribuer au père Robert Sirico à la lecture de son ouvrage « Catholique et libéral » qui a été publié en août aux Editions Salvator à Paris. Prêtre, catholique et libéral ? Sous l’égide du Pape François ?
L’ouvrage est courageux, comme le parcours de Robert Sirico qui a délaissé l’Eglise catholique avant d’y revenir, a vécu les chimères de l’idéologie gauchiste californienne avant d’adhérer pleinement au libre marché et à la libre entreprise, réconciliant sa quête spirituelle avec la réalité du monde.
Trop d’entre nous ont perdu espoir, constate-t-il en substance. Ils ne se projettent plus dans un avenir qu’ils entrevoient prospère pour eux-mêmes et les générations futures, leur communauté et leur pays. Ce n’est pas l’affaire de quelques chiffres au budget, c’est une affaire de liberté. Un état de confusion de nature orwellienne s’est installé dans l’Occident, l’Etat-providence, qui a entraîné l’impossibilité de poser pour soi-même des choix d’ordre moral, économique, social et religieux et d’en assumer la responsabilité.
En ces matières, les droits (à distinguer des privilèges) se soutiennent les uns les autres et le premier d’entre eux, le droit de propriété, sans lequel aucune liberté n’est concevable, la liberté économique, la liberté d’expression ou la liberté religieuse, par exemple. Le droit de propriété doit être reconnu à l’être humain de même qu’il jouit d’autres droits fondamentaux de par le simple fait de son existence sans qu’il ne soit besoin que l’Etat ne les lui concède.
Le père Sirico ajoute que, d’un point de vue catholique, il s’agit d’un droit sacré car il est attaché à l’être humain créé par Dieu à son image et doté de discernement dans un contexte de rareté. En effet, il serait difficile d’expliquer le commandement « Tu ne voleras point » si la Bible ne reconnaissait pas la légitimité du droit de propriété.
Si des milliards de personnes se sont arrachées à la misère au cours des deux cents dernières années, ce n’est pas grâce à la charité, ni grâce aux aides d’Etat, c’est grâce au commerce, à l’entreprise et au marché. Cela se vérifie encore et encore. Quand les gens sont libres d’entreprendre et d’accéder aux marchés régionaux et mondiaux, l’économie se développe, un grand nombre de personnes sortent de la pauvreté et finissent par prospérer.
Robert Sirico prend l’exemple éclairant de la Corée, un même pays divisé entre le Sud qui respecte les droits fondamentaux et la liberté d’entreprendre et où règne la prospérité et le Nord qui nie toute forme de liberté et où règne l’indigence. L’on doit à Marx le fait de considérer l’économie comme un jeu à somme nulle et les politiciens adhèrent à cette vision car la politique est un jeu à somme nulle. Le succès en politique n’est pas fondé sur la prouesse économique, la création de richesse, mais sur l’habilité tactique. L’idée d’une masse de travail fixe à partager est un leurre. (Que l’on pense aux 35 heures instaurées en France pour réduire le chômage…)
L’économiste Hernando de Soto, auquel Robert Sirico se réfère, considère lui aussi que les pauvres n’ont pas besoin de l’aumône mais d’un cadre légal qui encourage les aspirants entrepreneurs plutôt qu’il ne les étouffe et a assigné pour mission à l’Institut pour la liberté et la démocratie qu’il préside de promouvoir des réformes dans ce sens, en particulier en ce qui concerne la protection des droits de propriété, au Pérou et dans les pays en voie de développement.
Il suffit, pour se convaincre de la nécessité d’un tel cadre légal, de consulter la liste publiée par la Banque mondiale des pays les plus favorables (Singapour, Corée du Sud, Hong Kong, Etats-Unis, Royaume Uni…) et les moins favorables (Tchad, Haïti, Congo, Venezuela…) à l’entreprise. Ce n’est pas la charité qui aidera le second groupe à prospérer, c’est la liberté.
Que peuvent donc faire les pays riches pour aider les pays pauvres ? Premièrement, ne pas attiser l’irresponsabilité gouvernementale et la corruption ; deuxièmement, ne pas miner l’économie locale en arrosant gratuitement les pays pauvres de marchandises que les entreprises locales produisent elles aussi ; troisièmement, leur ouvrir les marchés mondiaux.
C’est tout le contraire de ce que font les pays riches lorsque, d’un côté, ils instaurent des droits de douane pour protéger leur marché des économies émergentes et, d’un autre côté, ils dépensent des milliards prélevés sur l’argent de leurs contribuables en aides gouvernementales au développement.
Jack Ma, le CEO d’Alibaba, ne dit pas autre chose lorsqu’il inaugura à Melbourne le nouveau siège d’Alibaba pour l’Australie et la Nouvelle-Zélande l’an dernier et lança cet avertissement à l’encontre du protectionnisme : « Quand le commerce s’arrête, la guerre commence. Le commerce aide les gens à communiquer. Le commerce est un échange de valeurs. Un échange de cultures. Le monde a besoin de la mondialisation, il a besoin de commercer. »
De même, Nassim Nicholas Taleb faisait-il remarquer dans son dernier ouvrage, « Jouer sa peau » (Skin in the Game), que la paix ne résulte jamais d’un galimatias bureaucratique : « Si vous voulez la paix, faites en sorte que les gens commercent, comme ils le font depuis des millénaires. Ils finiront par s’arranger. »
En rendant leur liberté aux plus démunis, c’est à dire en leur donnant les moyens de s’en sortir seuls, on leur rend leur dignité. Aucun autre système économique que le capitalisme n’y a réussi de façon aussi éclatante. C’est, comme l’écrit Charles Gave dans sa préface, l’un des messages principaux de ce livre moral, lucide et lumineux, pastoral et captivant, de Robert Sirico, « Catholique et libéral », sur d’autres aspects duquel cette chronique ne manquera pas de revenir dans un prochain article.
« Catholique et libéral – Les raisons morales d’une économie libre» (Robert Sirico), 288 pages, Editions Salvator (Paris).
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