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« Continent sans frontière » (Theo Francken) : Tout ce que vous devez savoir sur la crise migratoire

« Continent sans frontière » (Theo Francken) : Tout ce que vous devez savoir sur la crise migratoire Posted on 18 janvier 2019Leave a comment

Si, comme l’indiquent les statistiques évoquées dans la première partie de cette recension du livre de Theo Francken, Continent sans frontière, co-écrit par Joren Vermeersch, l’afflux de réfugiés en Europe en 2015 et par la suite n’avait pas été causé par la guerre en Syrie, contrairement à ce que persistaient à prétendre les médias et des politiciens prenant quelques libertés avec les faits (le président du parti démocrate chrétien flamand préconisant même une intervention militaire en Syrie pour traiter la situation par les racines), si ce n’était donc la guerre, quels étaient les facteurs de ce qu’il fallait bien qualifier de crise migratoire ?

Theo Francken en cite en tout premier lieu l’aspect économique, reprenant à son compte l’expression lapidaire de Bill Clinton, « It’s the economy, stupid ! ». D’innombrables migrants quittent leurs pays d’origine car ils aspirent à plus de prospérité. Le deuxième aspect est culturel. Max Weber, cité par Theo Francken, l’affirmait dès 1904, l’économie est le produit de la culture, et non l’inverse comme l’entend le dogme marxiste, sinon comment expliquer que la Chine et l’Inde, par exemple, aient sorti de larges segments de leurs populations de la pauvreté alors que la plupart des pays africains n’y parviennent pas ?

Un troisième élément intervient dans la pression migratoire, la démographie. Theo Francken donne l’exemple de l’Egypte dans laquelle la population s’accroît d’un million d’habitants tous les six mois et s’est accrue de l’ordre de 25% ces dix dernières années malgré une forte émigration. Au Tchad, au Mali, au Niger, les femmes mettent au monde, en moyenne, respectivement 6,38, 6,85, 7,75 enfants. D’ici à 2050, la population du continent africain aura doublé et comptera pour plus d’un quart (2,5 milliards) de la population globale (estimée à 9,8 milliards d’individus à cet horizon). L’explosion démographique engendre elle-même d’autres maux, d’ordre alimentaire et d’ordre écologique.

Si, au début du XXe siècle, l’Europe représentait un tiers de la population mondiale, ce ne sont plus que 11% aujourd’hui (et le PIB de l’UE, 22,4% du produit mondial brut) et ce ne seront plus que 7% en 2050 d’après les prévisions de l’ONU. En d’autres termes, non seulement l’Europe ne dispose pas des moyens ni des ressources pour remédier aux causes premières de la crise migratoire, mais, en outre, sauf à exercer une action commune et résolue, notamment sur le plan diplomatique, elle risque fort, prévient Theo Francken, d’être submergée par un raz-de-marée migratoire.

Pourquoi ces migrants d’Afrique et d’Asie mineure et centrale choisissent-ils l’Europe ? Nous revenons ici à l’aspect économique. L’Europe apparaît comme un havre de prospérité, de stabilité et de respect des libertés et des droits, des choses qui peuvent nous sembler des acquis mais restent rares en dehors de l’Occident. Ce n’est pas l’unique raison. Une autre est la tolérance dont témoigne l’Europe, encore empreinte des valeurs de charité et de miséricorde du christianisme et d’un profond sentiment de culpabilité, à la base de toute une industrie tirant sa raison d’être de l’exploitation de ces valeurs et de ce sentiment et soutenue par les médias et les partis politiques traditionnels.

Cependant, la raison principale de l’arrivée massive d’immigrants irréguliers en Europe est que le champ d’action des élus politiques en ce qui concerne les migrations est circonscrit par les pouvoirs exorbitants que se sont arrogés les juges de la Cour européenne des droits de l’homme (la juridiction instituée en 1959 par le Conseil de l’Europe en vue d’assurer le respect des engagements souscrits par les États signataires de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950) et l’Union européenne.

Theo Francken l’explique dans la troisième partie de Continent sans frontière, partie intitulée « La démocratie enchaînée », de quelque 80 pages remplies d’annotations historiques et juridiques. Il y dénonce à force d’exemples les conséquences tragiques des activités à proprement parler criminelles qu’attise l’idéologie immigrationniste dont sont empreintes la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et les mesures décrétées par les technocrates de la Commission européenne (la directive sur le regroupement familial, entre autres) en matière migratoire.

Pour Theo Francken, ce sont donc l’Union et les cours de justice européennes qui ont condamné les Etats membres à subir une immigration désordonnée qui menace l’intégrité même de l’Europe, politique et culturelle, car la sécularisation et d’autres principes fondamentaux de la vie publique européenne sont remis en cause par l’immigration irrégulière, et c’est donc à l’Union européenne, sauf à se désintégrer, qu’il échoit de prendre d’urgence, au plus haut niveau, l’initiative du changement.

Si le XXe siècle fut marqué par la lutte des classes et les idéologies socio-économiques, le XXIe le sera par l’immigration, l’identité et la culture, estime Theo Francken qui rappelle l’article, The Clash of Civilisations, dans lequel en 1993 Samuel Huntington prédisait la résurgence de conflits religieux et culturels séculaires.

Les solutions existent, elles ont été mises en application en Australie, au Canada et… au Danemark. Elles font appel à la lucidité, à l’humanité et à la responsabilité de toutes les parties concernées. C’est à ces solutions et au « changement de cap » nécessaire que l’ancien secrétaire d’Etat belge à l’asile et la migration Theo Francken consacre la seconde moitié de Continent sans frontière, un livre que chacun, quelles que soient ses convictions politiques ou philosophiques, se doit de lire, car il aborde de manière raisonnée tous les aspects du défi majeur auquel notre civilisation occidentale est confrontée en ce XXIe siècle.

Continent sans frontière, Theo Francken (avec Joren Vermeersch), 312 pages, Editions Jourdan.

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