Mathieu Bock-Côté écrit comme il parle : il a le discours corpulent, la prose mélodieuse et le verbe agile. Votre serviteur a eu l’occasion d’écouter ce sociologue, essayiste et chroniqueur québécois pourfendre l’empire du politiquement correct lors d’une conférence sur ce thème au Centre Jean Gol et de dîner à ses côtés à Bruxelles il y a quelques années.
Ce qu’il a à dire bout en lui jusqu’à ce que la parole lui soit donnée et, sans qu’il n’affiche d’intention de la rendre ni que l’on songe à la lui reprendre, tant le spectacle fascine, il l’expulse par saccades à force de gestes vigoureux comme pour encore en accélérer le débit qu’il a pourtant rapide et précis. Mathieu Bock-Côté est possédé par son sujet autant qu’il le possède.
Il n’y manque pas dans son dernier essai, La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, dans lequel il part de la constatation que pour les protagonistes de cette révolution la décolonisation ne sera achevée que lorsque les peuples occidentaux seront devenus étrangers chez eux. En cause : la « blanchité », dont, décrète la sociologue américaine Robin di Angelo, l’une des figures de proue du militantisme anti-Blanc, dans l’essai Fragilité Blanche, « chaque aspect est partagé par quasiment tous les Blancs ».
Le mâle blanc, le grand Satan
En particulier le mâle blanc serait le grand Satan responsable de toutes les discriminations : racisme, sexisme, spécisme (la vision du monde présupposant une hiérarchie entre les espèces et privilégiant l’espèce humaine), les inégalités sociales et jusqu’à la crise climatique (rappelez-vous la déclaration de Greta Thunberg sur les systèmes d’oppression coloniaux, racistes et patriarcaux qui auraient créé et alimenté la « crise climatique » et sur la nécessité de démanteler lesdits systèmes).
Race, classe et climat, même combat, la lutte continue. La révolution racialiste, écrit Mathieu Bock-Côté, est une révolution contre les Blancs, et pas n’importe lesquels, les Blancs occidentaux. (Les Russes, par exemple, eux aussi de peau blanche, dont on pourrait craindre qu’ils ne précipitent le processus du « grand remplacement » en Europe – comme ils le firent notamment dans les pays baltes au temps de Staline –, ne semblent pas concernés par les théories de Robin di Angelo, Ibram X. Kendi et consorts. N’auraient-ils rien à se reprocher à leurs yeux ?)
Le racialisme discrédite toute velléité de vivre-ensemble et instaure une société conflictuelle à partir de critères basés sur une redéfinition du langage courant. Racisme, sexisme, identité sexuelle, discrimination, liberté d’expression et démocratie, la signification de ces mots est altérée au service de la cause, et même les sacro-saintes dispositions sanitaires ont pu être enfreintes pour manifester les émotions « légitimes et planétaires » que cette dernière suscite.
Ladite cause conjecture que l’ordre social occidental est fondamentalement discriminatoire (à savoir raciste, hétéro-sexiste, cisgenre, capacitiste ou validiste – c’est à dire discriminant les personnes souffrant d’un handicap –, et l’énumération n’est pas complète) et le projet racialiste est de mettre à bas le privilège blanc et la civilisation occidentale qui se fonde sur lui et dont la prospérité est jugée profondément et irrémédiablement illégitime.
En outre, écrit Mathieu Bock-Côté, s’impose le primat du ressenti. C’est le membre d’une minorité qui s’estime victime de l’ordre blantriarcal qui bénéficie du privilège épistémologique de décrire la discrimination qu’il entend dénoncer. C’est à l’université, note encore l’auteur, que se proclame avec le plus de vigueur cet esprit woke. Il s’agit d’y préserver les militants d’une minorité d’entendre de la part d’un intellectuel invité sur le campus – lieu de débat, n’était-il pas ? – autre chose que ce qu’ils ne veulent entendre. Quant à la minorité, un simple relevé statistique par rapport à son poids dans la société suffit à en établir la légitimité et son droit à des zones préservées de toute influence externe.
Une dialectique mortifère
Considérant que le racisme systémique structure la société, ses théoriciens en voient, par définition, les preuves partout. Par contre, alors que la race y est présentée comme une construction sociale de domination, l’identité transraciale y est perçue comme une usurpation, fait observer Mathieu Bock-Côté. Quant à l’universalisme, ce ne serait qu’un mensonge que se raconterait à lui-même l’Occident pour « continuer à occulter les populations autrefois colonisées » et pour faire valoir sa suprématie dans la hiérarchie du mérite. La notion de fragilité blanche achève d’en psychiatriser la condition.
Il s’agit, comme à chaque fois, remarque-t-il, d’oblitérer les classes sociales ou les catégories de la population qui font obstacle à la marche de l’Histoire et au progrès. Tarderiez-vous à vous convertir à l’idéologie identitaire et à vous convaincre des vertus de la société inclusive à la sauce woke, vous vous exposeriez à vous faire rééduquer ou exiler « dans les contrées glaciales de l’extrême-droite », car toute dissension est bannie comme ne pouvant provenir que de ce côté-là du paysage politique et étiquetée comme socialement et médiatiquement indéfendable, réactionnaire.
La révolution diversitaire s’accompagne nécessairement d’une régression de la liberté d’expression – c’est d’ailleurs le sentiment général qui prévaut dans le monde occidental – et de l’instauration d’une censure pour faire taire les contradicteurs. Il n’est évidemment pas question pour les protagonistes de ce régime de se soumettre à l’éthique du débat : ce serait verser dans la tyrannie de la majorité et risquer de devoir rendre justice à l’opinion dominante.
Or, il s’agit de construire une nouvelle société occidentale, formatée par l’idéologie diversitaire et une novlangue qui en traduise la vision du monde et en rende toute autre et la possibilité même d’une histoire et d’une culture communes, à proprement parler, inconcevables. Et, « on ne fera pas l’erreur d’oublier, écrit Mathieu Bock-Côté qui en parle comme d’une dialectique mortifère, que ce sont les minorités idéologiques les plus résolues qui font l’Histoire ».
La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Mathieu Bock-Côté, Presses de la Cité, 240 p.
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Invitation exceptionnelle
Palingénésie invite ses fans inscrits sur sa liste d’envoi – voir ci-dessous – à assister gracieusement le vendredi 25 février 2022, de 11 heures à midi, au B19 d’Uccle (avenue Van Bever 17-19), à la conférence d’un philosophe et juriste du cru et d’un fort bon terroir, Drieu Godefridi, sur le thème de son dernier essai :
« Le Néo-Racisme de la Gauche au XXIe siècle »
Renseignements et inscriptions : Conférence « Club de PAN » du vendredi 25 février 2022.
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(Cet article sur la Révolution racialiste a été publié dans l’hebdomadaire satirique PAN n° 4021 du mercredi 2 février 2022.)
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