« Quiconque vous dit que l’Amérique est en déclin et que notre influence a décru, ne sait pas de quoi il parle », déclara le Président des Etats-Unis dans son discours sur l’état de l’Union en 2012. Pourtant les sceptiques abondent qui, même dans la presse et les universités américaines, s’accordent sur l’inéluctabilité de l’accession de la Chine au rang de première puissance mondiale, les avis ne divergeant que sur la date de cette accession, généralement située entre 2030 et 2050.
C’est à contre-courant de cette quasi-unanimité sur le déclin de l’Amérique que s’inscrit Johan Van Overtveldt, journaliste et écrivain, Docteur en sciences économiques, actuellement Ministre belge des Finances, dans son livre A Giant Reborn, Why the US Will Dominate the 21st Century publié chez Agate Publishing aux Etats-Unis.
Après l’euphorie de la chute du mur de Berlin et un sentiment de fin de l’Histoire, le doute quant à l’avenir de la puissance américaine s’est installé lors de la crise financière de 2008. Or, prédit Johan Van Overtveldt, les évolutions technologiques, économiques, sociales et politiques des prochaines décennies induiront le changement d’une manière plus rapide et plus intense que jamais auparavant et, pour s’adapter à ce turbo-changement, aucun autre pays au monde n’est aussi bien équipé que les Etats-Unis. Ces derniers ont l’innovation et la destruction créatrice propre au capitalisme de marché inscrits au plus profond de leur patrimoine génétique alors qu’en Chine et dans l’Union européenne, autres principaux protagonistes, divers groupes de pression visant à maintenir le statu quo disposent d’une telle influence qu’ils bloquent la destruction créatrice et enrayent la croissance économique.
Van Overtveldt identifie trois facteurs de turbo-changement : un accroissement des connaissances par le capital humain, une dynamique mondiale en faveur de l’esprit d’entreprise et grâce à l’esprit d’entreprise, et la globalisation.
La notion de capital humain remonte à aussi loin que l’apparition de la théorie économique, au XVIIe siècle, et regroupe, selon la définition qu’en a donnée Ben Bernanke, l’ancien Président de la Banque centrale américaine, cité par Van Overtveldt, « un amalgame d’éléments touchant à l’éducation, l’expérience, la formation, l’intelligence, l’énergie, les habitudes de travail, la fiabilité et l’esprit d’initiative qui affectent le rendement marginal d’un travailleur. » Pour souligner l’importance de cette notion dans le processus de croissance économique, l’auteur de A Giant Reborn se réfère aux travaux de deux chercheurs de l’Université de Chicago, Jorgenson et Fraumeni, qui estimèrent l’accumulation de capital humain aux Etats-Unis entre 1948 et 1984 à cinq à dix fois la valeur du capital physique.
En ce qui concerne l’esprit d’entreprise, la faillite du modèle soviétique devrait suffire à convaincre chacun de l’importance de l’initiative entrepreneuriale dans le processus de croissance économique. L’Union soviétique et ses satellites eurent beau s’enorgueillir de systèmes d’enseignement de qualité, le fait qu’ils soient intégrés dans un modèle politique et économique – le socialisme ou le communisme – constituant l’antithèse de l’entrepreneuriat n’a pas permis à ces systèmes d’enseignement de sauver le modèle en question de la déliquescence. L’esprit d’entreprise ne peut se déployer, avance Van Overtveldt, que dans une société caractérisée par un état de droit, la protection de la propriété privée, un système bancaire et financier pleinement fonctionnel et un cadre fiscal et réglementaire propice à l’activité entrepreneuriale, sans qu’il ne faille bien sûr sous-estimer les affinités philosophiques et culturelles à son égard dans ladite société (certaines personnes sont naturellement plus enclines à entreprendre et à réussir).
Si le bien-être économique d’une société dépend de l’interaction entre ces deux aspects essentiels que sont le capital humain et l’esprit d’entreprise, la globalisation, que Van Overtveldt définit comme le phénomène d’intégration mondiale au travers des flux de biens, de capital et de personnes ainsi qu’au travers du partage des connaissances et des transferts de technologie, ajoute une troisième dimension au processus de turbo-changement. L’auteur argue de l’irréversibilité de la globalisation en citant Gideon Rachman du Financial Times qui écrivit : « Il serait moralement douteux d’essayer d’améliorer les standards de vie occidentaux en sapant une tendance économique qui a arraché des centaines de millions de gens à la pauvreté de par le monde en voie de développement ».
Par son approche analytique et objective (loin de tout esprit partisan), concise (l’ouvrage ne contient que 224 pages dont une cinquantaine sont consacrées à la bibliographie, à des notes et à un index) et claire (du point de vue du langage et de la structure), A Giant Reborn, Why the US Will Dominate the 21st Century constitue un ouvrage essentiel pour comprendre le monde d’aujourd’hui et appréhender celui de demain. (Cette chronique en poursuivra d’ailleurs la recension dans un prochain article consacré au cas de la Chine.)
* * *
Partagez la page Palingénésie sur Facebook. Suivez aussi Palingénésie sur Twitter.
1 commentaire