Frédéric, le fils de feu Robert Waseige, l’ancien sélectionneur de l’équipe nationale belge de football, « Fred » pour les intimes qui sont nombreux à écouter ses commentaires sur le football à la télévision, et Philippe Auclair, un journaliste français spécialisé dans le football, ont présenté mardi au B19 du Brabant wallon leur opus opportunément paru en vue de la Coupe du monde de football dont on ne cessera plus d’entendre – à défaut d’écouter – parler jusqu’à l’approche des fêtes, Qatar : La Coupe de l’immonde ?

Comment le seul pays qui a reçu un « carton rouge » de la part du comité d’attribution, un pays « sans football, sans footballeurs (à l’exception de ceux à moitié naturalisés de l’équipe nationale qatarie, 113^e au classement mondial, et un bon millier d’adhérents, ndlr), sans supporters et sans stades », a-t-il pu se faire attribuer l’organisation de la Coupe du monde 2022 de football ?

A moins d’être né d’hier ou d’être très naïf sur la marche des affaires du monde, poser la question, c’est, semble-t-il, y répondre, a fortiori dans un milieu où l’argent coule à flots et les transactions atteignent des montants pharamineux, la dernière en date, celle concernant ce joueur français qui touchera 630 millions d’euros pour continuer à jouer dans une équipe de ligue 1 française, alors qu’il eût peut-être préféré jouer ailleurs.

Zurich, 2 décembre 2010

L’attribution de l’organisation de la Coupe du monde 2022 ne date pas d’hier. C’est le 2 décembre 2010 que le président de l’époque de la FIFA (la fédération internationale de football) a solennellement décacheté, à Zurich, en présence de l’émir du Qatar, Cheikh Hamad al Thani, et de la deuxième de ses trois épouses, Cheika Moza, l’enveloppe qui contenait le nom du pays élu. Apparemment, le langage corporel du président de la FIFA trahissait son peu d’enthousiasme. Il eût personnellement préféré que les Etats-Unis l’emportent. A posteriori, au vu de la manière dont la justice américaine s’est saisie du dossier, on peut le comprendre.

Frédéric Waseige et Philippe Auclair rapportent dans le détail les tenants et aboutissants de l’affaire et les manigances qui l’ont émaillée ainsi que les contraintes auxquelles l’organisation sera soumise (du fait de la chaleur et d’un manque de capacité d’hébergement) dans l’introduction de leur livre. L’intérêt de leur livre ne réside pas uniquement à ce niveau. La Coupe du monde 2022 aura finalement bien lieu au Qatar, contre toute attente et tout entendement. Elle commence dans quelques jours.

Ils ont invité une quarantaine de personnalités d’horizons divers à se prononcer sur trois questions : 1) peut-on justifier que la Coupe du monde a lieu au Qatar ? 2) Y aller, ne pas y aller ; en parler, ne pas en parler ? 3) Quelles leçons faut-il tirer de toute cette affaire ? En voici un florilège.

Se priver d’une Coupe du monde ?

Philippe Albert (qui joua dans plusieurs équipes belges et anglaises et fit partie de l’équipe nationale belge, aujourd’hui consultant foot) : « Comme la plupart des gens, je trouve ça absurde, mais tout le monde l’accepte. » « Tout le monde y va. Donc pourquoi finalement se priver d’une Coupe du monde ? » Le président d’un club de supporters des Diables rouges : « C’est une supercherie. […] Rien ne peut justifier cette Coupe du Monde au Qatar. » Le fait est, ajoute-t-il, que de nombreuses personnes (dirigeants, agents, entraîneurs, footballeurs) profitent de la situation. Pensez-vous qu’ils vont scier la branche sur laquelle ils sont assis ?

L’opprobre n’est pas unanime. Un géopolitologue français : « Ça ne m’a pas choqué, parce que c’est normal que le football aille partout. » « Je suis membre d’Amnesty International et je travaille avec eux. Il ne faut pas demander le boycott. » Tous ces intellos qui appellent au boycott, ajoute-t-il, c’est le reflet du mépris d’une certaine élite pour le sport. James Dorsey, grand reporter américain deux fois nominés pour le prix Pulitzer : « Plus fondamentalement, le problème est la nature même du journalisme sportif contemporain. Ce journalisme sportif est corrompu. Seul un tout petit groupe de personnes font leur travail de reporters correctement… »

Toute l’agitation autour de la Coupe du monde dénote d’une certaine hypocrisie. Douze ans se sont écoulés depuis l’attribution de l’organisation au Qatar. Si des objections devaient être soulevées, les fédérations, les dirigeants et les joueurs n’auraient-ils pas pu et dû les exprimer immédiatement après la désignation du Qatar ? Et, comme le fait remarquer l’international brésilien Raí, champion du monde de football en 1994, dans son témoignage, ce n’est ni la première Coupe du monde, ni le premier grand événement sportif dont l’attribution est entachée d’irrégularités.

Qatar, la Coupe de l’immonde, Frédéric Waseige et Philippe Auclair, 180 pages, Editions Kennes.

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