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Vive l’Occident libre ! (4)

Vive l’Occident libre ! (4) Posted on 1 avril 2023Leave a comment

Finissons la recension de l’ouvrage collectif à propos de l’OTAN, NAVO, hersendood of klaar voor de toekomst ?, avec les chapitres traitant de deux problématiques épineuses, l’une concernant la Turquie, l’autre, l’Iran.

Dirk Rochtus est docteur en sciences politiques et sociales et chargé de cours à la KU Leuven. Il est aussi l’auteur de deux ouvrages sur la Turquie, Turbulent Turkije, Europese of Aziatische tijger ? (2011) qu’il a ensuite entièrement remanié, mis à jour et publié en 2016 sous le titre de Turkije, de terugkeer van de sultan. Il a enseigné en Turquie et le sujet lui tient à coeur. Turkey is very important, entend-il dire les participants turcs à des congrès internationaux et cela correspond bien à l’idée qu’en a Recep Tayyip Erdogan, à savoir que l’UE a plus besoin de la Turquie que l’inverse et que l’OTAN ne peut s’en passer.

This isn’t your Grandfather’s Turkey

« Si vous connaissez la géographie d’un pays, dit Napoléon, vous pouvez comprendre et prédire sa politique étrangère. » Cette citation s’applique à peu de pays aussi pertinemment qu’à la Turquie, fait observer Rochtus : ce pays de 84 millions d’habitants fait office de pont entre l’Europe et le Moyen-Orient, contrôle les détroits du Bosphore et des Dardanelles et possède la plus grande armée de terre des pays de l’OTAN après celle des Etats-Unis. Mais, si la création de la Turquie (1923) a contribué à consolider la géographie du Moyen-Orient, quel est son poids géopolitique ?

Le retrait d’Afghanistan et les réactions par rapport à la reconnaissance du génocide arménien en tant que tel par le président Biden en 2021 l’ont, selon Rochtus, sensiblement réduit et plus encore les velléités de la Turquie sous l’emprise d’Erdogan à se faire valoir comme Gestaltungsmacht dans sa région, comme puissance organisatrice, et la manière parfois aventureuse qu’a la Turquie de s’y prendre. Sa dérive vers un régime présidentiel autoritaire suscita ce commentaire de Walter Russel Mead, un spécialiste américain des affaires internationales et ancien professeur à l’université Yale, dans le Wall Street Journal en juin 2021 : « This Isn’t your Grandfather’s Turkey. The secular, Westernizing, staunchly anti-Soviet Turkey of the Cold War years is now led by a populist Islamist. »

Que fait encore la Turquie dans l’OTAN ? C’est, rappelle Rochtus, à la demande des Etats-Unis qu’elle fut intégrée dans l’Alliance en reconnaissance du courage que ses troupes avaient montré et des lourdes pertes qu’elles avaient subies pendant la guerre de Corée en 1952. La Turquie ne rechigna pas non plus à se ranger du côté des Etats-Unis au Viet-Nam et dans la première Guerre du Golfe et à s’engager dans les missions de l’OTAN en Bosnie et en Afghanistan. Les choses n’allèrent toutefois pas toujours de soi (que l’on se souvienne de la crise chypriote de 1974) et, déjà en 2005, le journaliste américain Robert Pollock qualifia dans le Wall Street Journal la Turquie de « The Sick Man of Europe Again », se référant à ce que l’on disait de l’Empire ottoman au XIXe siècle.

L’offensive militaire turque dans le nord-est de la Syrie contre les Kurdes syriens, alliés des Etats-Unis dans leur lutte contre l’EI, sans la moindre concertation avec les autres membres de l’Alliance, avait provoqué en 2019 la réaction du président de la République française sur la « mort cérébrale » de l’OTAN. L’acquisition par la Turquie en 2017 de systèmes de défense aérienne russes S-400 avait posé la question de sa place dans l’OTAN. L’idiosyncrasie de la Turquie la laisse ouverte.

Une menace considérable pour l’Occident

Traverser la frontière de la Turquie à l’Est, c’est se retrouver en Iran. La députée belge Darya Safai (N-VA) en est originaire et analyse ce qu’elle qualifie de 40 ans d’emprise de l’Iran sur l’OTAN. Elle rappelle le propos tenu dans le Financial Times en 1995 par le secrétaire général de l’OTAN d’alors, le Belge Willy Claes, selon lequel l’islamisme représenterait la plus grande menace pour l’Occident depuis la fin de la guerre froide, au moins aussi dangereuse que le communisme ne le fut. Bien que son propos lui eût valu de sévères critiques à l’époque, les attentats du 11 septembre 2001 et d’autres qui s’ensuivirent lui donnèrent tragiquement raison. Le terrorisme, sous toutes ses formes il va sans dire, constitue une menace considérable pour la sécurité des citoyens occidentaux.

L’Iran est, dit-elle, le seul régime islamique au monde s’étiquetant de révolutionnaire et se préparant ouvertement à la Umma, l’unification de la communauté islamique mondiale, par tous les moyens nécessaires. Le préambule de la constitution de l’Etat théocratique est sans ambiguïté de même que le discours de sa plus haute autorité. Cela passe par l’anéantissement de la civilisation occidentale. La plus grande illusion que nourrit l’Occident au sujet de la république islamique d’Iran serait, selon Darya Safai, qu’il y existerait deux camps, celui des modérés et celui des irréductibles. Rien n’est plus faux, dit-elle, tous sont soumis à l’autorité suprême.

Pourtant et pour autant que l’OTAN ne baisse pas sa garde et maintienne la pression, Darya Safai affirme l’espoir d’un retournement politique et de ce que l’Iran puisse redevenir un allié fort et fidèle de l’Occident. La population y aspirerait et un tel revirement bouleverserait les perspectives.

NAVO, hersendood of klaar voor de toekomst?, ouvrage collectif sous la direction de Theo Francken, Hendrik Bogaert et Peter Buysrogge, 416 pages, Doorbraak.

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(Cet article a paru dans l’hebdo satirique PAN n° 4080 du mercredi 22 mars 2023.)

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