A la demande des journaux La Libre Belgique et De Standaard et des chaînes de télévision RTBF et VRT, Kantar TNS a effectué un sondage par téléphone du lundi 25 mars au lundi 15 avril 2019 sur un échantillon « aléatoire » « représentatif » de 2769 électeurs belges répartis entre les trois régions, 1006 électeurs résidant en Flandre, 1004 électeurs francophones résidant en Wallonie, 759 électeurs résidant à Bruxelles, avec une marge d’erreur « maximale » de « + 3,1% » en Flandre et en Wallonie et de « + 3,6% » à Bruxelles (source : La Libre Belgique).
La Flandre comptant 6,5 millions d’habitants et la Wallonie en comptant 3,6 millions, il est a priori étonnant que les échantillons « représentatifs » des deux régions soient constitués à deux unités près du même nombre d’électeurs et que l’échantillon de la région bruxelloise, forte d’environ un million d’habitants, compte trois quarts autant d’électeurs sondés que chacune des deux autres régions alors que ces dernières comptent ensemble dix fois autant d’habitants. Sans doute y a-t-il une explication mais, à première vue, elle n’est pas flagrante.
Ce sondage n’aura pas manqué d’émouvoir le Landerneau, suscitant à l’égard de l’infortune présumée des uns les sarcasmes d’autres qui en oublient de constater l’affadissement de leurs propres couleurs ou à l’égard du schisme droite-gauche Nord-Sud du paysage politique belge la circonspection feinte ou sincère de ceux qui craignent que la Belgique ne devienne ingouvernable, à moins de céder à un écocolo-totalitarisme délirant et ruineux sous la direction d’un Premier ministre plus vert que nature.
La presse subsidiée qui, faut-il le rappeler, n’avait nullement anticipé la victoire de Donald Trump, ni le résultat du référendum sur le Brexit, a commenté le sondage en vue des élections générales du 26 mai en Belgique en se répandant en considérations définitives sur le succès des uns et les déboires des autres, grands ou petits. C’est faire peu de cas de ce que, surtout quand une grande partie de l’électorat affirme qu’elle n’a pas encore arrêté son choix, les sondages sont éminemment spéculatifs.
Dans son bestseller Thinking, Fast and Slow, Daniel Kahneman invite à se méfier de la loi des petits nombres et à méditer cet exemple : « Dans un sondage téléphonique de 300 personnes âgées, 60% soutiennent le président ». N’en déduiriez-vous pas que les seniors soutiennent le président ? En fait, vous seriez victime d’un biais cognitif qui consiste à favoriser le sens de l’assertion par rapport à ses données. Qu’il s’agit d’un sondage téléphonique réalisé auprès d’un échantillon de 300 personnes est passé au second plan. Toute autre taille d’échantillon aurait eu le même effet, à moins qu’elle n’ait été complètement farfelue, par exemple de 30 personnes ou de 30 millions de personnes.
Un autre aspect de la taille d’un échantillon est que plus elle est réduite, plus elle induit des résultats statistiquement aberrants. Ce n’est que lorsque sa taille augmente qu’elle entraîne une régression vers la moyenne et que l’échantillon gagne donc en représentativité de la population globale. Kahneman relève, dans les annexes à son livre cité ci-dessus, que trop souvent des chercheurs même avertis font aveuglément confiance aux résultats obtenus à partir d’échantillons restreints et en surestiment abusivement la « réplicabilité » à l’échelle de la population qu’ils sont censés représenter.
Que devraient en conclure, à titre d’exemple, les partis situés à la droite du paysage politique wallon et bruxellois, crédités d’un ou de quelques pour cent des intentions de vote dans le baromètre de La Libre Belgique et consorts ? Que rien n’est perdu, certes, mais encore ? Curieusement, c’est un autre enseignement des sciences cognitives, la loi des petits nombres pourrait jouer à leur avantage et leur permettre d’atteindre un seuil d’inflexion de type « épidémique », un « tipping point », dans le sens dans lequel l’entend Malcolm Gladwell dans son livre éponyme sous-titré « How Little Things Can Make a Big Difference ».
Mais encore, donc, pour provoquer le basculement et détourner les zombies de leurs réflexes électoraux primaires, faudrait-il, à ces petits partis de renouveau démocratique, transmettre sur le terrain un message saillant par l’intermédiaire d’un petit nombre de porteurs dotés d’une personnalité dynamique et d’un réel pouvoir de séduction et escompter l’effet boule de neige du bouche-à-oreille.
Pour le message, que diriez-vous d’une réduction des dépenses publiques de l’ordre de 50 milliards (soit d’environ 20%, ou encore 10% du PIB de la Belgique) et d’une diminution correspondante des prélèvements obligatoires ? Quant aux messagers pro-actifs sur le terrain, le choix en appartient aux partis concernés, mais qu’ils fassent vite, il ne reste que quatre semaines pour atteindre le seuil d’inflexion et donner tort aux marchands de nouvelles.
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