« Le peuple a parlé », combien de fois n’a-t-on entendu cette phrase à propos du Brexit ? Tout d’abord, s’il s’est exprimé au moment T, le peuple ne pourrait-il pas – comme tout un chacun – se raviser au moment T+1 ou, a fortiori, après qu’il se fut aperçu que ses représentants s’avéraient incapables de gérer la situation ?
Ensuite, « le » peuple du Royaume-Uni se compose de quatre peuples : les Ecossais et les Irlandais du Nord (Ulster) s’étaient exprimés contre le Brexit, seuls les Anglais et les Gallois – ces derniers à l’encontre de leurs propres intérêts et du common sense puisqu’ils bénéficient d’aides considérables de la part de l’Union européenne, à hauteur de 680 millions de livres par an ! – s’étaient exprimés en faveur du Brexit.
Much ado about nothing. Dans ce royaume désuni dont la superficie entière correspond environ au tiers de celle du seul Etat américain du Texas et où l’on parle l’anglais d’au moins treize différentes manières, le Brexit prend désormais une tournure shakespearienne. Comment en irait-il autrement, avec cette bande de « brexiters » braillards, excentriques et pathétiques, comme protagonistes de la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne ?
Le 14 novembre 2018, Theresa May obtint le soutien « collectif » de son gouvernement à l’égard de l’accord péniblement négocié avec l’Union européenne. Dès le lendemain de ce soutien « collectif », quatre membres de son gouvernement, parmi eux Dominic Raab, le secrétaire d’Etat précisément en charge du dossier du Brexit, démissionnèrent.
« Perfide Albion », n’est-il pas ? Les quatre renégats n’avaient-ils pas eu la franchise de faire part de leur refus du projet d’accord lorsqu’ils se trouvaient en face de la Première ministre ? Un ami anglais me confia de ne jamais oublier que les Anglais étaient « double-faced », des hypocrites. « Et toi, lui demandai-je, naïf, l’es-tu aussi ? » « Bien sûr, me répondit-il sans ciller, je suis anglais ! » Comment ne verrait-on pas une manifestation de ce trait de caractère dans la démission de Raab et consorts ?
Sans doute le sentiment de nombreux Européens rejoint-il celui partagé par le journaliste Max Pam dans l’un des principaux magazines d’opinion néerlandais, HP/De Tijd, au lendemain des péripéties relatées ci-dessus, « A présent que nous approchons de l’apothéose, je me surprends de plus en plus souvent à penser : ces Anglais n’ont-ils toujours pas plié bagage ? Ça dure et ça dure, et ils en sont toujours à tergiverser et à s’interroger s’ils veulent rester ou s’en aller et, le cas échéant, comment ? »
Entretemps, la saga se poursuit. La Première Ministre britannique, Madame May, qui a le mérite de chercher des solutions, au contraire de son prédécesseur et du parti unioniste irlandais ainsi que des leaders de l’opposition travailliste et populiste, a vu son projet d’accord rejeté par le Parlement avant que son gouvernement ne survive, de justesse, grâce aux voix des unionistes irlandais, à une motion de défiance déposée par l’opposition travailliste.
Les Anglais s’imaginent encore à la tête d’un empire. C’est de là que provient l’arrogance stupéfiante des « hard brexiters » (les eurosceptiques endurcis). Ces derniers se sont réjouis du rejet cuisant du projet d’accord par le Parlement britannique. Leur objectif est de précipiter la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne au 29 mars 2019. Ils n’ont cure de ce que la Grande-Bretagne reste dans l’Union européenne jusqu’à la fin de 2020 afin de négocier un accord commercial étendu avec l’U.E. Substituer à un marché d’un demi-milliard de consommateurs des accords commerciaux avec leurs anciennes colonies, voilà leur plan, comme si celles-ci trépignaient d’impatience à cette simple idée.
Pendant que les « hard brexiters » sablaient le champagne dans la demeure de l’un de leurs meneurs, Jacob Rees-Mogg, à proximité du parlement britannique, d’autres fêtaient le rejet du projet d’accord de Madame May avec l’U.E. pour des raisons diamétralement opposées : ils y voyaient l’opportunité de provoquer un autre référendum, voire de renoncer au Brexit en l’absence d’un accord susceptible de satisfaire toutes les parties concernées, de concilier l’inconciliable et de résoudre la quadrature du cercle.
L’on n’est pas sorti du manoir ni du pub, c’est selon. Faut-il s’en étonner ? D’après un sondage Ipsos Mori, au moment où le Parti conservateur promettait un référendum s’il se maintenait au pouvoir en 2015, seuls 6% (six !) des Britanniques considéraient que l’appartenance à l’U.E. constituait un réel problème… A présent que Madame May semble s’être ralliée à l’idée d’une sortie coûte que coûte de l’Union européenne au 29 mars 2019 et déjà que les Britanniques n’ont qu’un pied dedans et l’autre dehors, laissons-les s’en aller ! Que cela n’a assez duré ! It’s time to say goodbye and wish you good luck, Global Britain. Nous faut-il patienter jusqu’au 29 mars ?
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L’article ci-dessus a été publié initialement sur Contrepoints.org. Retrouvez quelques articles antérieurs de Palingénésie sur le Brexit via les liens suivants : My own take on Brexit (23 novembre 2018) – Brexit : La quadrature du cercle (18 octobre 2018) – « Brexit means Brexit » : cela reste d’actualité ! (2 octobre 2018) – « No Brexit at all » : La troisième option (19 juillet 2018) – « How to stop Brexit (and make Britain great again) » (Nick Clegg) (27 novembre 2017) – Le Brexit n’aura pas lieu (3 juillet 2016).
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