La recension de « Catholique et libéral », le livre de Robert Sirico publié aux Editions Salvator, n’a pas manqué de susciter les commentaires attendus de la part de ceux chez qui le seul énoncé de l’un de ces deux mots suffit à provoquer une crise de « pétitionite de principe » aiguë. Alors, imaginez l’effet de la combinaison de ces deux mots ! C’est tout juste si certains, qui n’avaient manifestement pas lu la recension, ni encore moins le livre lui-même, n’y percevait une incantation méphistophélique !
Non, le Père Sirico ne cherche à aucun moment à prétendre que le libéralisme soit redevable de quoi que ce soit au catholicisme. Il affirme – et c’est courageux à l’époque de l’Eglise du Pape François – que libéralisme et catholicisme ne sont pas incompatibles et il s’en explique de la manière claire et pragmatique – que l’on avait déjà relevée, sur d’autres sujets de société, dans « Un évèque dans le siècle », le livre d’entretiens de Monseigneur Léonard avec Drieu Godefridi – d’un homme d’Eglise, certes, mais de terrain, surtout, et de réflexion, enfin, ce qui ne gâche rien.
Et la « destruction créatrice », qu’en pense-t-il, direz-vous ? Sirico en pense que c’est fort embêtant quand vous en êtes victime personnellement, mais que, tous comptes faits, le système américain de non-intervention micro-économique est plus cohérent que le système européen d’Etat-providence en ce que le premier s’abstient de faire subsister sous perfusion avec l’argent des autres des entreprises moribondes qui soit ont perdu leur raison d’être économique, soit sont tout simplement mal gérées.
Dans ce genre de situation, les consommateurs sont lésés par deux fois : ils sont privés des bienfaits d’une économie assainie et privés d’une part de leurs revenus pour renflouer des entreprises improductives.
« Un marché du travail libre aboutit à créer plus d’opportunités pour tout le monde », ajoute-t-il. Un tel marché reflète la justice commutative inhérente à un ordre social dans lequel les gens contractent ensemble comme ils l’entendent sans y être contraints. Les causes profondes des maux attribués au capitalisme ou à la mondialisation, ne proviennent-ils pas, si l’on y réfléchit bien, du capitalisme de connivence et de l’interventionnisme économique de l’Etat plutôt que du marché libre et de la liberté d’entreprendre ?
Si l’on s’interroge sur le caractère moral du marché, lequel n’est-il pas social ? En effet, l’entrepreneur, bien plus que les fonctionnaires et les régies de l’Etat, doit tenir compte des choix de ses clients et fixer ses prix en fonction de leurs attentes. De même, sur un marché du travail ouvert, l’entrepreneur reste en concurrence permanente avec d’autres offreurs, et il en va ainsi – pourquoi en irait-il autrement ? – pour les demandeurs d’emploi.
Et l’égalité, alors ? Sirico s’étonne de ce qui est devenu une obsession en faveur de l’égalité en matière économique alors que la diversité et l’individualité sont célébrées partout ailleurs. Il rappelle que l’égalité en droit est de traiter les personnes sans parti pris, sans favoritisme, et qu’elle ne consiste pas à garantir des résultats identiques. « L’égalité en tant qu’identité est irréalisable. En la poursuivant, écrit-il, une société ne peut que basculer vers l’autoritarisme et le totalitarisme, vers une intrusion toujours plus grande de l’Etat ».
Se référant à ce que Jean-Paul II disait dans l’encyclique Sollicitudo rei socialis de l’importance du droit à l’initiative économique non seulement pour l’individu mais aussi pour le bien du plus grand nombre et, à cet égard, des effets négatifs d’une « limitation de ce droit au nom d’une prétendue égalité », Sirico avance que les zélateurs de la justice sociale redistributive ont tout faux.
Et de rappeler cet autre point du même Jean-Paul II dans son encyclique sociale Centesimus annus : « l’Etat de l’assistance provoque la déperdition des forces humaines, l’hypertrophie des appareils publics, animés par une logique bureaucratique plus que par la préoccupation d’être au service des usagers, avec une croissance énorme des dépenses ».
Robert Sirico parle de « présomption fatale » en ce qui concerne la protection sociale dès lors que cette dernière présuppose qu’un petit groupe d’individus réunirait en son sein les connaissances et les compétences nécessaires à réaliser le bien de la multitude. C’est la « frontière épistémologique indépassable » dont Philippe Nemo parle dans sa remarquable « Philosophie de l’impôt », l’illusion synoptique dont parle Hayek, la faille tectonique des socialismes qui, pour cette raison, débouchent tous sur la dictature et l’appauvrissement général.
Même les communistes éclairés de Chine s’en sont aperçus, mais les « génies » et les « assujettis » de l’Etat-providence à l’européenne, en France et en Belgique notamment, pas encore.
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