Rassurez-vous, cette chronique n’a pas pour mission de vous convertir et ce n’est pas l’objectif de l’ouvrage d’Édouard-Marie Gallez. Ce prêtre, né en 1957 et membre de la Congrégation Saint-Jean, est docteur en théologie et histoire des religions de l’université de Strasbourg. Sa thèse de doctorat publiée en deux tomes en 2005 sous le titre Le Messie et son Prophète : Aux origines de l’Islam fait qu’il en est considéré comme un grand spécialiste. Il y soutient que les judéo-nazaréens pourraient être à l’origine de l’histoire proto-islamique et, notamment, à celle des textes intégrés par la suite dans le Coran. Il revient à sa thèse et l’étend dans Le christianisme face aux autres religions, paru ce mois-ci aux éditions Artège.
Jésus-Christ est-il le « centre de l’histoire » ?
En a-t-il infléchi le cours ? Autrement dit, y a-t-il un « avant lui » et un « après lui » ? Le cas échéant, est-il le point de départ du monde actuel ? Le Père Gallez s’afflige de ce que, si dans notre monde l’informatique a facilité les échanges, elle n’a, par contre, pas aidé à la compréhension entre groupes humains différents et aussi de ce qu’il y a eu un basculement par rapport à l’Antiquité, en ce sens que la mentalité moderne voit l’ancien comme mauvais et le neuf comme nécessairement bon et veut tout changer sans cesse, marquée par l’idée de salut, sans qu’il ne soit forcément à caractère religieux. Il prend comme exemple l’écologisme, lequel prétend sauver le monde d’une catastrophe présumée imminente et aspire à asservir la population à coups de taxes et de restrictions, voire à la réduire, car elle menacerait la terre-mère.
Selon le Père Gallez, le christianisme a inspiré deux types de phénomènes divergents post-chrétiens, les spiritualismes et les messianismes, car c’est au christianisme que l’on doit, d’une part, la notion d’un salut intérieur et, d’autre part, celle de la possibilité d’un monde meilleur dont le mal aurait été extirpé, entrainant toutes formes d’introspection d’un côté, de prosélytisme, de l’autre.
Pour expliquer la survenance des post-christianismes, l’auteur se réfère aux « lois » du marché : dès qu’apparaît un produit nouveau qui rejoint, crée ou comble un besoin humain important, il ne tarde pas à être copié et les contrefaçons dénaturent le produit original. Il en a été de même, dit-il, pour la Révélation (du mal et du remède), « produit miracle » s’il en est, promu, même à l’époque, jusqu’en Inde et en Chine. Les imitations, avance-t-il, ne proviennent pas de l’extérieur, mais de l’intérieur même de l’héritage chrétien. Ce ne sont pas des plagiats, ce sont des contrefaçons dont les auteurs sont des ouvriers de la fabrique. Jésus, rappelle-t-il, avait d’ailleurs prédit (Mt 24,24 ; Mc 13,22) que des faussaires viendraient après lui et se poseraient eux-mêmes en sauveurs.
Spiritualismes et messianismes
Le théologien fait appel à la psychologie humaine, aux désirs narcissique (cf. Freud) et mimétique (cf. René Girard), pour esquisser un schéma des altérations post-chrétiennes, le spiritualisme qui dérive en repli égotiste sur soi et enferme dans le relativisme, le messianisme qui dérive en domination et collectivisme totalitaire et enferme dans la soumission. « Clairement, écrit le Père Gallez, ni les messianismes, ni les spiritualismes n’empruntent au christianisme de manière extérieure : ils en sont des émanations intérieures, mais sous forme de dérives radicales. » Comment se fait-il ?
Il répond par le triangle de Karpman, une figure d’analyse transactionnelle d’un médecin psychiatre du même nom à l’Université de Californie à San Francisco dans un article qui mit en évidence en 1968 un scénario relationnel typique entre victime, persécuteur et sauveur. Ce schéma se reproduit de nos jours, dit-il, entre le pouvoir politique et la population manipulée par la socio-ingénierie. Le pouvoir profite de problèmes existants ou en crée, évoque des menaces réelles ou imaginaires, et suscite la peur, puis se présente comme sauveur de la population ou comme victime de ceux qui osent ne pas être d’accord avec lui. Un exemple en fut donné par Marx, le marxisme et leurs ersatz, quand les camarades sauveurs se transformèrent en bourreaux et exécutèrent les récalcitrants. De nos jours, ils se contenteront peut-être de les faire clouer au pilori par les médias officiels.
L’apôtre Paul, dans sa lettre aux Ephésiens, n’avait-il pas averti que ce n’était pas les êtres de sang et de chair qu’il fallait combattre, mais « les dominateurs de ce monde de ténèbres, les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes » ? Car, pour les dominateurs, le refus de « supporter l’existence d’autrui comme autrui », selon l’expression de Lévi-Strauss dans Tristes tropiques, a pour seul exutoire sa « néantisation ».
Le christianisme face aux autres religions, Edouard-Marie Gallez, 186 pages, Editions Artège.
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Cette recension n’est pas très éclairante et ce livre ne semble analyser que des « croyances » émergées dans un bain culturel chrétien. Dont elles ne sortent pas et qui partagent les limites de la pensée chrétienne face à la compréhension moderne de l’univers et de ses tâtonnements incessants vers plus de complexités.