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Plutôt la barbarie que l’ennui !

Plutôt la barbarie que l’ennui ! Posted on 28 octobre 2023Laisser un commentaire

La citation est de Théophile Gautier. Elle signifie que quand l’absence de sens et le vide s’installent tout est bon, même le pire, pour éviter l’ennui. Dans La confiance se fabrique-t-elle ?, son essai paru ce mois-ci chez Artège, Xavier Patier avertit de la mort des élites républicaines. La France est malade. Certes, elle n’est pas la seule en Europe. L’Europe elle-même ne l’est-elle pas ?

L’auteur pose le diagnostic suivant à propos de la France : « L’édifice de notre régime institutionnel, proprement mort-vivant, ne tient plus que par habitude ou par miracle. » En comparaison de ce qui se prépare, pronostique-t-il, les grèves salariales et les chahuts étudiants de Mai ’68 ne seront rien. Ce ne sera plus le parti de l’ordre contre le parti du mouvement, mais tout le peuple contre tous les pouvoirs.

Xavier Patier s’en explique. Normalement, l’administration est responsable devant le gouvernement, celui-ci devant le Parlement et ce dernier devant l’électeur. Ainsi les fonctionnaires sont-ils in fine responsables devant l’électeur. Devoir répondre de ce qu’on fait est au coeur du système républicain. Or, les autorités indépendantes, qui ne doivent rendre de compte à personne, pullulent – pensez aux experts en tout genre – tandis que les élus attirent la méfiance : si vous n’êtes pas indépendant, vous ne pouvez qu’être suspect. Cette crise de la représentativité politique est la cause de l’effondrement des partis et de l’affaiblissement du fait politique.

Il en est un exemple saisissant cité par l’auteur. A deux semaines des élections législatives de 2022, le président de la République française annonça la création d’un Conseil national de la refondation, composé de militants associatifs, de forces vives désignées et de citoyens tirés au sort : en bref, une instance « indépendante » de non élus censés effectuer le travail que l’on attendrait de la part des députés. Les élections législatives de 2022 se sont soldées par un record d’abstentions. Ne fallait-il pas s’attendre à ce que le peuple se rebiffe ? Si tant est que voter ne sert à rien, autant s’en abstenir, a fortiori si le vote n’est pas obligatoire.

La France n’est-elle plus « opérable » ?

Avec son Conseil national de la refondation, Emmanuel Macron semble avoir jugé que le malade – la France – n’était plus opérable, déjà qu’après la crise des Gilets jaunes il avait lancé « un grand débat national » à partir de « réunions d’initiative locale » qui tourna au fiasco et quelques mois plus tard « une convention citoyenne pour le climat » sans égard pour les institutions et la représentation parlementaire. Comme si cela ne suffisait, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti déclara que « c’est la société qui fait évoluer le droit et non le contraire ». Le législateur aurait-il pour fonction de formaliser l’air du temps pendant que le Prince de ce monde enseigne la peur ? Hegel parlait de la ruse de la raison.

« Quand vous déplorerez le mal présent et que vous craindrez le pire, on vous dira : ce sont les leçons de l’histoire, ainsi le veut l’évolution ; on vous l’expliquera savamment. Redressez-vous, messieurs, contre cette savante lâcheté, c’est plus qu’une sottise, c’est un péché contre l’esprit. » Ces propos ont été tenus en 1928 devant une promotion d’élèves officiers par le commandant Charles de Gaulle, cité par Xavier Patier. Si l’on n’y prend garde, ce sera la liberté qui se perdra et bientôt nous serons assignés à un système de crédit social comme la République populaire de Chine en fournit l’exemple parmi tant d’autres choses.

D’où vient ce délitement de la raison ? De l’effacement moral, de l’usine à fabriquer les rumeurs que sont les réseaux sociaux, de l’intelligence artificielle ? Xavier Patier l’attribue d’abord à la prise de pouvoir de ceux que Pascal appelait les « demi-habiles » et Pierre Bourdieu, les « demi-savants ». Tandis que la classe moyenne implose sur le plan économique, celle des intelligences moyennes aux idées toutes faites assoit sa dictature.

La confiance se fabrique-t-elle ?, Xavier Patier, 144 pages, Artège.

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(Cet article a paru dans l’hebdo satirique PAN n° 4111 du vendredi 27 octobre 2023.)

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