Palingénésie ne pratique pas l’hyperbole véridique, cette forme pas toujours innocente d’exagération que Donald Trump se targuait de maîtriser dans The Art of the Deal, son livre publié en 1987 et sa lecture préférée après la Bible. Pour retrouver un thuriféraire inconditionnel, l’un des rares en Belgique, en Europe et dans le monde, du président des Etats-Unis, rendez-vous dans La révolution Trump, Le monde de Trump et Reload ; pas ici, où le côté hâbleur au balcon de l’actuel occupant de la Maison-Blanche fait regretter le style pondéré et diplomate de George H.W. Bush et de son prédécesseur, Ronald Reagan.
Il n’en reste pas moins que l’aversion de la presse belge subsidiée et proportionnellement déformée à l’égard de l’actuel président des Etats-Unis est phénoménale, dans toutes les acceptions du terme.
Le schéma général d’un journal télévisé est désormais le suivant : après avoir rapporté les chiffres tragiques du jour concernant les infections et les décès dus au coronavirus, un expert rassure (« Ça va dans la bonne direction ! ») et répète de suivre les consignes (« Ce n’est pas fini ! Prenez soin de vous et pensez à vos proches… »). Puis, on évoque la situation aux Etats-Unis, où c’est la catastrophe apocalyptique et où tout est de la faute de Trump et de cette moitié d’Amérique débile qui a permis son élection.
En fait, dans la plupart des pays, hormis la Grèce qui s’est remarquablement distinguée, la gravité de l’épidémie de Covid-19 a été sous-estimée.
Dans un article daté du 8 avril 2020, le Corriere della Sera, un quotidien italien publié à Milan et le plus diffusé du pays, s’interroge « Coronavirus : perché la Grecia ha così pochi morti e contagi ? » et répond « Atene ha imposto il distanziamento sociale giorni prima di registrare la prima vittima. Il risultato è in 163 contagi per milione di abitanti contro i 1400 dell’Austria o del Belgio. » Les Grecs n’ont pas tergiversé. Ils ont immédiatement compris ce qui se passait en Italie et instauré la distanciation sociale avant le premier décès d’une victime du coronavirus.
Résultat : en Grèce, le nombre de personnes infectées a été jusqu’à présent limité à 163 par million d’habitants (contre 1400 et plus en Autriche et en Belgique, 1200 en Allemagne, 1122 aux Pays-Bas). Après ce qu’ils ont subi ces quelque dix dernières années, rendons cet hommage aux Grecs.
Les pays dans lesquels la mortalité est la plus élevée au monde sont l’Espagne (35,54 décès par 100.000 habitants), l’Italie (32,22), la Belgique (29,29), la France (20,68), les Pays-Bas (15,40), le Royaume-Uni (14,88). Suivent les Etats-Unis (6,25). Ces chiffres proviennent de la faculté de médecine de l’université américaine Johns Hopkins (site consulté le 12 avril 2020, à 15 h).
Au nombre des décès par 100.000 habitants, le Covid-19 a malheureusement causé cinq fois plus de décès en Espagne, en Italie et en Belgique, trois fois plus – « effet Raoult » dans le Sud-Est ? – en France. Pas de quoi se la ramener, eût-il semblé, en particulier pour les neuf ministres chargés de la santé publique en Belgique, leurs cabinets et administrations, ainsi que les multiples commissions et comités qu’ils ont cru nécessaire de créer, question de diluer l’irresponsabilité au maximum !
« Oui, mais cet idiot de Trump a commencé par comparer le coronavirus à la grippe… » En effet, il a dit exactement la même chose que ce que les Belges ont entendu de la part de la ministre fédérale de la santé publique, Madame De Block, médecin de son état qui plus est, ainsi que du virologue étoile de la VRT (la télévision officielle flamande), le Docteur Marc Van Ranst.
Le président américain a sous-estimé la menace du coronavirus, la plupart des dirigeants européens, y compris les horum omnium fortissimi Belgae, ont commis la même erreur. Quel contraste pourtant entre le traitement que la presse belge réserve aux faits et gestes de ce président américain honni – qui n’en a cure, parions-le ! – par rapport à l’indulgence dont cette même presse témoigne face aux bévues et carences avérées des autorités belges, et, en particulier, la mise hors jeu du secteur privé dans le dépistage (Arrêté royal du 17 mars 2020 interdisant la mise à disposition, la mise en service et l’utilisation des tests rapides de mesure ou de détection des anticorps liés au virus SARS-CoV-2) et l’approvisionnement des masques (Arrêté ministériel du 23 mars 2020 portant des mesures particulières dans le cadre la pandémie de SRAS-CoV-2 basées sur le livre XVIII du Code de droit économique).
Qu’un communiste – voir ci-dessous – se trouve au coeur du dispositif médical, social, économique et logistique de lutte contre le coronavirus explique peut-être bien des choses et, notamment, que les tests de dépistage n’aient en un premier temps été effectués que par son laboratoire à la Katholieke Universiteit Leuven (KUL).
Là où il y a des différences entre l’approche du gouvernement belge et celle de Trump, elles parlent plutôt en faveur du président américain, fait remarquer l’hebdomadaire satirique ‘t Pallieterke du 9 avril. Alors que les Van Ranst & Co communiquaient encore de manière pour le moins confuse sur les masques buccaux, Trump avait déjà conseillé aux Américains d’en porter. Tout ce que la presse belge bien intentionnée a cru bon de relever est que Trump lui-même s’en abstiendrait.
Les médias belges officiels n’affichèrent que mépris lorsque Trump institua le 12 mars 2020 une restriction d’entrée aux Etats-Unis pour les Européens. « Trump met l’overdrive ; il n’a en tête que sa réélection ; etc. » Une semaine plus tard, l’UE elle-même fermait ses frontières…
Sans doute cela est-il passé inaperçu, mais à une époque où les experts et les politiciens en Belgique nous exhortaient encore à ne pas nous inquiéter du coronavirus de Wuhan, Trump avait déjà déclaré l’urgence sanitaire dans son pays, une mesure qui a certainement sauvé des vies. Dès le 31 janvier, un jour après que l’Organisation mondiale de la santé eut déclaré que le coronavirus représentait une urgence de santé publique de portée internationale, Trump interdit l’accès au territoire américain aux personnes ayant récemment voyagé en Chine (à l’exception de ses propres citoyens, qui furent toutefois placés en quarantaine à leur retour).
N’est-il pas surréaliste, feint de s’étonner l’hebdomadaire satirique flamand, que le même Van Ranst, un sympathisant notoire du parti communiste PVDA/PTB, qui fulmine régulièrement contre ce qu’il considère comme la sous-estimation de la maladie par Trump, ait déclaré à la télévision officielle flamande, près d’un mois plus tard, le 23 février 2020 : « Quiconque envisage d’aller en Italie pendant les vacances de printemps devrait être libre de le faire. Je ne resterais pas à la maison. » (« Wie van plan is om in de krokusvakantie naar Italië te trekken, mag dat gerust doen. Ik zou niet thuisblijven. »)
Le 26 mars dernier, le grand quotidien flamand Het Laatste Nieuws, proche du parti libéral flamand au pouvoir fédéral, titrait en première page : « Niets dan lof voor de Belgische aanpak » (« Rien que des éloges pour l’approche belge »). C’était suivi d’un éditorial assurant qu’avec le gouvernement au pouvoir, nous étions « en de bonnes mains ». Nous voilà rassurés !
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