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L’égalité, mais encore ? Isonomie ou isomoirie?

L’égalité, mais encore ? Isonomie ou isomoirie? Posted on 23 février 20181 Comment

Drieu fit récemment salle comble dans un salon gentiment désuet (selon l’expression d’un membre éminent) du Cercle Royal Gaulois Artistique et Littéraire à Bruxelles pour défendre la thèse de son essai sur la civilisation socialiste, « La passion de l’égalité », thèse suivant laquelle le substrat, non pas « du » socialisme (dont les dernières élections en France et les sondages en Belgique donnent à penser qu’il est en phase terminale) mais « des » socialismes protéiformes d’aujourd’hui (socialisme, libéralisme social, social-démocratie, écologisme et bien sûr crypto-communismes de toute nature), est l’égalité. Mais, qu’entendent les égalitaristes par « égalité » ?

Il ne s’agit pas ici d’« égalité des chances », un concept dont les uns et les autres usent et abusent au point de le priver de toute signification, mais d’égalité de fait, ex post, matérielle, bref d’isomoirie. A une amie qui me demandait de lui expliquer la différence entre l’isomoirie et l’isonomie (l’égalité ex ante, devant la loi) au départ d’une épreuve de course à pied qui avait réuni quelque 2000 coureurs dans la campagne nivelloise, je répondis que l’isonomie consistait à nous faire partir tous en même temps et à arriver en ordre dispersé, l’isomoirie, à partir en ordre dispersé et à arriver tous en même temps.

« Ce ne serait pas juste, me rétorqua-t-elle. Les meilleurs coureurs devraient attendre les plus lents ; personne n’éprouverait de motivation à fournir le moindre effort pour s’entraîner ; finalement il n’y aurait plus de course et nous deviendrions tous de gros fainéants. » Ah ! Si la réalité économique et les méfaits de la redistribution, dès lors que c’est d’argent et, en particulier, de celui des autres qu’il s’agit, pouvaient se comprendre avec autant d’aisance !

Isonomie et isomoirie sont inconciliables, répète Drieu. Si vous appliquez l’une, vous n’aboutirez nécessairement pas à l’autre. La nature est inégalitaire. Si les mêmes règles s’appliquent à tous, certains dotés d’une plus grande intelligence ou de plus de force, de chance ou d’autre chose en tireront un meilleur parti que d’autres et les 2000 coureurs, hommes et femmes, âgés de 15 à 85 ans (si, si!), partis ensemble, ne franchiront inévitablement pas la ligne d’arrivée au même moment à moins qu’on ne les y contraigne. Si l’égalité matérielle ex post est décrétée, c’est la nature humaine qu’il faut changer et ce sont les faits et gestes de tout un chacun qu’il faut réguler jusque dans le moindre détail.

Thierry Afschrift fait la même remarque dans « La tyrannie de la redistribution ». La redistribution, pratiquée au nom d’une idée de l’intérêt général aussi vague que la notion de bien commun propre à l’Eglise et d’un principe, le solidarisme, proche de la vulgate marxiste, justifie toutes les restrictions à l’exercice des libertés individuelles dès lors qu’elle s’accompagne nécessairement d’une ingérence sans cesse croissante de l’Etat dans la vie privée de chacun.

Qu’est-ce qui fait donc l’attrait de l’égalitarisme aux yeux de la multitude ? Se référant aux travaux du sociologue allemand Helmut Schoeck, Philippe Nemo répond dans sa récente « Philosophie de l’impôt » à la question de façon originale : c’est l’envie. Si certains sont convaincus, dans une sorte d’éblouissement spirituel, que prendre l’argent des riches est nécessaire, juste et utile au « bien commun » et si d’aucuns le préconisent par intérêt direct car ils appartiennent à ceux qui en profitent, d’autres, encore, le font parce que cela leur plaît intimement, sans qu’ils ne se préoccupent de savoir pourquoi cela leur plaît autant. Pour Schoeck, l’envie est autant une catégorie anthropologique que psychologique.

Reste la question, posée par l’un des participants à la conférence de Drieu au Cercle Royal Gaulois, du moyen de changer le cours des choses dans un sens qui corresponde effectivement non à un quelconque « intérêt général » ou au « bien commun », mais à l’intérêt de tous. Car, comme Warren Buffett l’évoqua dans une interview qu’il accorda à Poppy Harlow en novembre 2016 sur CNN Money, le modèle économique de marché et de libre-concurrence a créé pour tous un luxe (dans le domaine de l’habitation, de la communication, du transport, de l’alimentation, de l’hygiène, des soins de santé, des loisirs…) que les plus riches du début du siècle dernier ne pouvaient même pas imaginer. « Si j’avais dû me faire arracher une dent il y a cent ans, dit ce grand pragmatique, il aurait fallu me ligoter au siège du dentiste pour que je ne m’enfuie pas ! »

Pour Thierry Afschrift, le système actuel de redistribution implosera sous le poids des prélèvements (à plus de 50% du PIB – 57% pour la France -, certains Etats occidentaux ne sont pas très loin du niveau d’étatisation de l’URSS avant son effondrement) et il faut espérer que l’on évitera de se retrouver dans une « république vénézuélienne ». Pour Philippe Nemo, ce n’est pas l’inégalité qu’il faut proscrire mais l’envie. Drieu fait oeuvre louable en écrivant et en prêchant la bonne parole et en participant au débat public partout où on l’invite.

Doutons que ce ne soit suffisant. Déjà faudrait-il que les forces libérales se fédèrent pour ramener les envieux dans le camp de la raison par une communication structurée, actuelle et pertinente, et qu’entre-temps les citoyens qui croient encore en la démocratie se mobilisent pour interpeler ceux qui les représentent au Parlement et dans les autres assemblées aux différents niveaux de pouvoir et les interroger sans relâche sur l’utilisation qu’ils font de l’argent des autres. Appelons cela de la bonne vigilance citoyenne.

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