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L’Europe vue de l’intérieur

L’Europe vue de l’intérieur Posted on 5 novembre 2022Leave a comment

Le « fossé entre les citoyens et le politique » qui faisait l’objet des deux précédents articles de cette chronique n’est pas spécifique au seul système politique belge. Un fossé tout aussi profond – plus profond encore ? – sépare les citoyens de « l’Europe », perçue comme une bureaucratie qui tourne sur elle-même et a perdu tout sens des réalités. Quelle est sa valeur ajoutée sur la qualité de vie des citoyens ?

Rudy Aernoudt, senior economist à la Commission européenne après avoir occupé des fonctions de conseiller spécial auprès du Conseil et de directeur de cabinet du Comité économique et social, est par ailleurs professeur d’économie aux universités de Gand et de Nancy (France). Dans son dernier livre, L’Europe vue de l’intérieur, Vers un nouvel élan ?, il se propose de parler d’elle de l’intérieur, car ses contempteurs en parlent souvent du dehors, voire, illustrant par là le concept d’intertextualité de la philosophe française Julia Kristeva, à partir d’autres livres.

Eros et Eris

L’Europe, ose l’auteur usant d’une métaphore qu’il emprunte à l’Antiquité grecque pour décrire son histoire, est d’Eros, le dieu de l’amour, et d’Eris, la déesse de la discorde, passionnelle et fusionnelle, à moins que ce ne soit l’inverse. Cela n’explique toutefois pas un sentiment d’Europe de l’interdit – partagé par beaucoup de citoyens européens – dont lui a fait part un étudiant letton lors de l’une de ses missions européennes : « For us nothing changed : before it was Moscow, now it’s Brussels. »

Bien qu’avec Kant il admette que la perception reflète une forme de réalité et qu’il se défende d’être eurobéat, Rudy Aernoudt nous assure que les allégations de césarisme ne correspondent nullement à l’intention des instances européennes. Et pourtant, il n’hésite pas à évoquer une logorrhée législative « sans pareil » s’agissant des règlements, directives, décisions, recommandations et avis produits par ces instances. Il en décrit la portée respective et indique que si ces lois, souvent transposées dans le droit national des Etats membres, couvrent de nombreux domaines, c’est dans le but d’améliorer la vie quotidienne des citoyens de l’UE.

Et, non, le Conseil, la Commission et le Parlement européens ne s’occupent ni de la longueur des préservatifs, ni du tour de poitrine des serveuses de bar, comme l’avait insinué la presse britannique, ni (plus?) de la longueur des concombres et de la courbure des bananes. D’autres légumes et fruits et un tas d’autres choses sont néanmoins réglementés. Il fut un temps où nous étions plus libres de décider par nous-mêmes de ce qui était permis et de ce qui ne l’était pas, concède Rudy Aernoudt, désormais nous sommes à l’époque du tout pasteurisé, tout stérilisé : mais que reste-t-il du goût ? Extrapolez et vous commencez à vous faire une idée de l’UE percluse de normes au XXIe siècle.

Issues possibles

Il y a aussi la perception selon laquelle parlementaires et commissaires européens non seulement produisent à tout va des normes qui compliquent la vie des citoyens ordinaires, mais encore qu’ils sont grassement rémunérés pour ce faire et que ce ne sont pas nécessairement toujours des épées (dans le sens où l’entendaient un Michel Audiard ou un Frédéric Dard) qui occupent les postes. Combien de parlementaires ne se trouvent-ils pas dans les rangs de l’assemblée ou de commissaires dans ceux de la Commission qu’après avoir été peu ou prou recalés sur la scène politique nationale ?

« La politique devrait être une passion, et non un emploi à vie (de préférence) et bien rémunéré », écrit Rudy Aernoudt. Il ne paraît pas autrement convaincu que cette vision soit largement partagée par les intéressés. Il estime qu’un parlement européen de plus de 700 membres n’a pas de sens et que nous n’aurions pas moins de démocratie s’ils étaient la moitié, mais il est conscient que de nombreux seconds couteaux seraient alors condamnés au chômage. Les citoyens sont les dindons de la farce et ils ne sont pas crédules. Le taux de participation aux élections européennes en est la preuve.

L’auteur aperçoit quatre issues possibles : l’europhilie (les « Etats-Unis d’Europe », de l’eurofolie en termes de Realpolitik), l’europhobie (« We want our country back », dixit Margaret Thatcher en son temps, cf. le « Brexit »), le statu quo (dans le delirium tremens idéologique et réglementaire d’ordre transcendantal ou divin actuel), le pragmatisme (Ursula, nein danke ! « Back to basics »). Aernoudt prône un retour aux fondamentaux, à l’essentiel. Il existe à ce propos un principe clair qui figurait à l’origine du projet européen, le principe de subsidiarité : ne pas faire au niveau européen ce qui peut se faire au niveau local.

L’Europe a un urgent besoin de se réinventer une prospérité et une joie d’être. Il lui faut s’exorciser et se redynamiser, abolir les diktats et miser sur une énergie bon marché, abondante et souveraine et la liberté de vivre et d’entreprendre de ses citoyens.

L’Europe vue de l’intérieur, Vers un nouvel élan ?, Rudy Aernoudt, 192 pages, Editions Mardaga.

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(Cet article a paru dans l’hebdo satirique PAN n° 4060 du mercredi 2 novembre 2022.)

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