Dans la rubrique The Long View du Financial Times du weekend des 22 et 23 juin, Michael Mackenzie, constatant l’arrivée d’une nouvelle vague d’assouplissement quantitatif au niveau global et le fait que le montant global d’obligations affectées d’un taux nominal négatif avait atteint un record historique de 12 500 milliards de USD, analysait les perspectives à long terme d’un monde de dettes à taux négatifs, un environnement d’investissement particulièrement inapproprié pour les investisseurs privés et institutionnels, comme les assureurs, les fonds de pension et autres gestionnaires d’actifs, qui dépendent d’une source de revenus récurrents à long terme.
« Les émissions d’obligations à taux négatif étaient retombées à 6 000 milliards de USD l’an dernier, rapportait Michael Mackenzie, avant que l’économie ne rencontre des turbulences au niveau global et que ne ressurgissent avec fracas les forces de la répression financière. »
Dans un tel environnement, les investisseurs se précipitent sur les alternatives, entre autres les fonds de private equity et les obligations plus risquées assorties d’un taux positif, et ils entraînent les marchés vers des niveaux de valorisation époustouflants. N’y aurait-il pas lieu de s’en alarmer pour la stabilité du système financier ?
Quand le rendement d’une pierre angulaire du marché des obligations comme le Bund allemand à 10 ans plonge sous le taux de -0,30%, il emporte à la baisse les autres titres phares du marché, comme les bons du Trésor américain, et il attise l’intérêt pour les obligations bien plus rémunératrices de rang inférieur, comme les obligations de l’Etat italien, et ce en dépit des inquiétudes d’ordre politique en ce qui concerne la situation budgétaire de l’Italie et ses relations avec l’Union européenne.
La mission d’un banquier central n’est actuellement pas facile, remarquait encore Michael Mackenzie, d’une part, en raison des tensions dans le commerce international, lesquelles pourraient concourir à provoquer une récession économique, à diminuer la croissance et à éroder la confiance et l’investissement dans les entreprises, et, d’autre part, en raison du caractère limité des moyens dont les banques centrales disposent pour faire face, à savoir la réduction des taux à un jour et la reprise d’achats massifs d’actifs.
Reste que l’assouplissement monétaire et la répression des taux d’intérêt aboutissent à une distorsion de l’allocation des capitaux et du comportement des investisseurs. Ces politiques détournent les flux monétaires vers des investissements spéculatifs et ne relancent pas l’économie, mais elles lestent, au contraire, le système financier d’une telle masse de dettes qu’il ne supporterait pas la moindre hausse des coûts d’endettement sans imploser.
La menace la plus grave à laquelle s’exposent les investisseurs en obligations à long terme, mais pas qu’eux, consiste en un retour de l’inflation, laquelle impacterait immanquablement et sévèrement la valeur de leurs portefeuilles. Or, certaines banques centrales sont apparemment prêtes à accepter un taux d’inflation supérieur à leur objectif et à adopter une approche plus flexible.
Etant donné que les politiques d’assouplissement quantitatif et de répression financière n’y sont pas parvenues, certains préconisent désormais d’adopter la voie budgétaire plutôt que la voie monétaire pour relancer l’économie et réduire l’endettement, c’est à dire d’augmenter les déficits publics, ce qui ne manquerait évidemment pas d’attiser l’inflation. Sera-ce l’inflation ou la révolution ?
Toutes les classes d’actifs seront touchées. En effet, l’inflation inversera le rapport entre prix des obligations et des actions, contraignant les gestionnaires d’actifs à réviser leurs choix entre ces deux classes d’actifs et suscitant une flambée de volatilité. « En entrant dans la prochaine décennie, concluait Michael Mackenzie, les investisseurs en titres à revenus fixes doivent sérieusement réfléchir à un monde qui se propulse au-delà des politiques d’assouplissement quantitatif et des banques centrales accommodantes. »
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