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La Source pérenne : Un parcours païen

La Source pérenne : Un parcours païen Posted on 26 avril 2025Laisser un commentaire

Le livre de l’écrivain belge Christopher Gérard en est à sa troisième édition. Paru une première fois en 2000 sous le titre Parcours païen aux éditions L’Âge d’Homme, il fut épuisé, puis réédité sept ans plus tard par le même éditeur sous le titre La Source pérenne. Devenu introuvable, il a cette fois été réédité par La Nouvelle Librairie. Si l’on cherche un équivalent à ce recueil de textes singuliers, l’auteur lui-même propose les Rêveries d’un païen mystique de Louis Ménard (1822-1901), un livre de méditations philosophiques et de quête spirituelle paru en 1876 et réédité à de multiples reprises.

La Source pérenne s’entend comme source de sagesse et d’inspiration inépuisable et renvoie à l’idée d’une tradition spirituelle et culturelle primordiale et toujours vivante, faite de sens, de valeurs et de vérité, dont les racines plongent dans le cas du paganisme au plus profond des origines de l’Europe, sa matrice indo-européenne, linguistique et symbolique, de laquelle elle a hérité d’éléments sociaux, de mythes fondateurs et d’une vision cyclique du temps. L’auteur parle de partir à la « redécouverte des sources intemporelles qui alimentent l’esprit européen ».

Comment peut-on être païen ?

Quelle est la religion de l’Europe ? Un cardinal – c’est d’actualité ! -, Jean Daniélou, cité par l’auteur, y répondit en 1965 : « Il y a une religion de l’Occident. Cette religion, c’est l’antique paganisme grec ou latin, celte ou germanique […] Ce paganisme valait les autres. Il n’est pas si loin de nous. Nous ne sommes jamais que des païens convertis […] Le païen est celui qui reconnaît le divin à travers sa manifestation dans le monde visible. » Mais, de nos jours, comment peut-on être païen (à moins que l’on ne soit citoyen de l’Islande où le paganisme est religion officielle) ?

Qu’il soit grec, celtique ou hindou, précise Gérard, le paganisme suit les cycles de la nature et du cosmos. Il est donc éternel. Il est tragique aussi, car il implique l’acceptation du destin et de l’ordre des choses (le Dharma des Indiens, le Kosmos des Grecs) et il rejette les paradis artificiels. Il n’est toutefois pas nihiliste, tandis que la société occidentale semble l’être devenue, elle dont l’involution s’accompagne d’une destruction systématique de tous ses repères. « Être païen, aujourd’hui comme hier, dit l’auteur, consiste à dépasser tant le dualisme [du rapport à Dieu] des religions monothéistes révélées ou abrahamiques – judaïsme, christianisme, islam – et le nihilisme propre à une modernité singulièrement destructrice. »

Dès lors qu’il ne s’inscrit pas dans une vision linéaire du temps, le paganisme s’affranchit tout à la fois d’un sens de l’histoire et du mythe du progrès. Il est fidélité à la longue mémoire, enracinement et ouverture à l’invisible. Gérard cite Héraclite : « Ce monde-ci, le même pour tous, nul des dieux ni des hommes ne l’a fait. Mais, il est toujours là, est et sera. Feu éternel s’allumant en mesure et s’éteignant en mesure. » Il cite aussi Platon : « Les doctes affirment que le ciel et la terre, les dieux et les hommes, sont liés ensemble par l’amitié, le respect de l’ordre, la modération, la justice, et pour cette raison ils appellent le monde le tout des choses. »

Pour comprendre cette vision du monde, il faut écarter deux obstacles épistémologiques induits par les religions monothéistes, dit Gérard : la relation personnelle avec le Dieu unique et le salut de l’âme qui va de pair avec la transcendance. Comme Nietzsche, il y voit un signe de faiblesse. « Les dieux n’accordent aucune récompense. C’est l’éthique de l’honneur qui commande de transmettre un nom sans tache, d’être fidèle à la parole donnée et de respecter les contrats. » Être païen aujourd’hui, c’est se libérer du carcan de l’au-delà et être singulier, rétif aux embrigadements.

L’ordre éternel des choses

Les Celtes, dont en tant que Belge Gérard se réclame, occupent une place centrale dans cette vision du monde issue du tronc commun spirituel indo-européen, les druides exerçant, dans la structure sociale tripartite (druides – guerriers – producteurs) identifiée par l’académicien français et historien des religions Georges Dumézil (1896-1986), une fonction semblable à celle des brahmanes de l’Inde (et des prêtres d’autres religions appartenant au même espace). Ils incarnent une relation sacrée, non utilitaire, à la nature et une dimension cosmique et initiatique de la vie. Certains y aperçoivent une écologie sacrée avant l’heure et Gérard en voit une résurgence dans le réveil du taoïsme, en ce que ce courant spirituel de la Chine ancienne reflète un ordre éternel des choses et consiste en un art de vivre en harmonie avec le rythme du monde.

Deux personnages parcourent La Source pérenne : le dieu tauroctone Mithra, du respect de la parole donnée et de la vérité chez les Romains qui l’empruntèrent au zoroastrisme et dont le christianisme récupéra des symboles et rituels, et l’empereur Julien, dit l’Apostat et le Philosophe, qui se reconvertit au paganisme après avoir été converti dans sa jeunesse au christianisme par les assassins de la plus grande partie de sa famille. Il perdit la vie en 363, à l’âge de 32 ans, après dix-huit mois de règne, dans des circonstances non élucidées lors d’une campagne contre la Perse. Montesquieu dit de lui : « Il n’y a point eu après lui de prince plus digne de gouverner les hommes. »

Le « pétulant » Christopher Gérard (le qualificatif dont Gabriel Matzneff l’honore dans Boulevard Saint-Germain ; « opiniâtre, altier, impérieux » dans son herméneutique puisée dans le Dictionnaire philosophique de Voltaire) s’est entouré pour son parcours païen de compagnons de longue mémoire et d’une « vivacité impétueuse ».

La Source pérenne, Un parcours païen, Christopher Gérard, 266 p, La Nouvelle Librairie.

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