Quand on prend à Pierre pour donner à Paul, on peut toujours compter sur le soutien de Paul. C’est la maxime dont s’inspire l’Etat dans la plupart des démocraties occidentales pour mener une politique de redistribution sur fond de mythe de l’intérêt général, une notion aussi vague que celle du bien commun propre à l’Eglise, et de solidarisme, une doctrine proche de la vulgate marxiste qui permet de justifier toutes les dérives dans la régression sociale de l’individu.
C’est, d’abord, de notre liberté qu’il s’agit dans La tyrannie de la redistribution, de l’essence même de l’être humain, dans sa connaissance de soi, son accomplissement de soi et son dépassement de soi.
Car, la redistribution forcée des biens s’accompagne d’une ingérence croissante de l’Etat dans la vie de chacun et d’une volonté de rendre les individus toujours plus égaux. En effet, pour remplir ses objectifs de redistribution, l’Etat doit « tout contrôler, tout réglementer et ignorer le droit à la vie privée », bref se mettre au diapason des pires régimes totalitaires, communistes et fascistes, qui eux aussi combattaient toute forme d’individualisme.
C’est chose faite, estime Thierry Afschrift, l’auteur de cet opuscule publié dans la collection des Insoumis aux Belles Lettres, professeur de droit fiscal à l’Université libre de Bruxelles et avocat fiscaliste exerçant en Belgique, au Luxembourg, en Suisse, en Espagne, en Israël et à Hong Kong. Disparition du secret bancaire et mise sous tutelle de l’argent (le nerf de la guerre), géolocalisation et écoute des communications téléphoniques, surveillance électronique, pratiques institutionnalisées de dénonciation, de délation et de stigmatisation : les moyens de contrôle et de contrainte de l’Etat n’ont jamais été aussi puissants qu’ils le sont aujourd’hui.
Et, s’il subsistait le moindre doute quant à une volonté de standardisation des comportements, les lois mémorielles et les autres limitations de la liberté d’expression individuelle au « politiquement correct » devraient suffire à le lever, tandis que se renforcent parallèlement le nombre et les pouvoirs des fonctionnaires de l’Etat. « Nos Etats, faussement solidaires, veulent imposer une forme d’égalitarisme par la voie autoritaire », accuse Thierry Afschrift.
Un système dans lequel l’Etat peut tout décider est un système totalitaire. C’est le nôtre, dans lequel la loi de la majorité confère à quelques-uns le pouvoir d’ignorer les droits des minorités et de la plus grande d’entre elles, les individus. Même les sempiternels droits de l’homme sont bafoués, dès lors que la loi prévoit le contraire. « Nous vivons comme s’il était normal que le Pouvoir, parce qu’il est élu, puisse tout décider, constate Thierry Afschrift. L’individu traité en simple sujet est constamment invité à se soumettre… »
Pour l’auteur de La tyrannie de la redistribution, le système de redistribution autoritaire dans lequel nous vivons est tout à fait incohérent. D’une part, il n’existe pas de grand Tout qu’il appartiendrait à l’Etat de « redistribuer » : l’Etat ne fait que prélever sur les richesses créées par les uns grâce à leur industrie ou à leur commerce dans un espace de liberté de plus en plus restreint ce qu’il donne à d’autres qu’il entend favoriser pour mieux se perpétuer. D’autre part, la redistribution forcée s’appuie sur une conception négative de l’être humain, jugé égoïste, insensible à tout malheur et incapable de solidarité s’il n’y est pas obligé.
Si tels étaient les hommes, s’ils n’agissaient qu’en fonction de leurs intérêts les plus médiocres, par quel miracle quelques exemplaires de la même espèce seraient-ils différents ? Serait-ce parce qu’ils exercent le pouvoir ? Et Thierry Afschrift de citer Thomas Jefferson : « Parfois il est dit qu’on ne peut pas faire confiance en l’auto-gouvernement de l’homme par lui-même. Peut-on, alors, lui faire confiance pour le gouvernement des autres ? »
Thierry Afschrift se prononce pour que cesse La tyrannie de la redistribution et que s’y substitue une solidarité active et volontariste. Qu’il puisse être entendu par le nouveau président de la République, à qui l’on recommande vivement la lecture de ce livre concis et précis, et que la France remette en avant les valeurs républicaines de Liberté, d’Egalité (ex ante et non ex post) et de Fraternité et guide l’Europe vers des horizons plus éclairés que ceux de la déshumanisation de notre société. Et, si tel n’était pas le projet du nouveau président, puisse le livre de Thierry Afschrift inspirer une nouvelle opposition déconstructiviste qui, pour paraphraser Voltaire, s’érige en critique inflexible de la superstition, du fanatisme, de l’extravagance et de… la tyrannie.
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