Le samedi 9 septembre, le MR a tenu ses universités d’été et un congrès aux Lacs de l’Eau d’Heure à Froidchapelle. Cela donna l’idée à votre palingénésiste de revisiter Librement, l’ouvrage publié chez Didier Hatier à Bruxelles en 1992 et laissé en héritage par le dernier grand idéologue libéral belge, Jean Gol (1942-1995), qui fut le premier président du Parti réformateur libéral, créé en 1979 et issu de la scission du PLP (Parti de la liberté et du progrès) national en 1972. Il le conduisit à la victoire aux élections de 1981.
Jean Gol évoque dans Librement une « ère du citoyen » et énumère les questions que ce dernier était amené à légitimement se poser à l’époque : « Aurai-je un emploi ? Mes enfants auront-ils une éducation qui les prépare à la vie ? Pourquoi une telle insécurité ? Comment limiter la vague d’immigration ? Comment protéger le milieu naturel ? Faut-il vraiment payer autant d’impôts et de cotisations sociales ? Ai-je mon mot à dire sur les choix que font, en mon nom, les élus ? Comment lutter contre la pauvreté ? Où va la Belgique ? Quel sort nous réserve l’intégration européenne ? … »
Un crédo d’espérance
« A ces questions, écrivait Jean Gol qui parlait d’un credo d’espérance, les libéraux ont l’ambition de donner des réponses qui aient la couleur bleue de l’horizon. Ils ont la volonté de montrer un chemin qui conduit quelque part et non dans les nuages. » C’était il y a 31 ans. Toutes ces questions restent d’actualité. Les héritiers de Jean Gol ne se sont-ils pas montrés suffisamment éloquents ou n’ont-ils pas suffisamment affiché et défendu les valeurs libérales ?
Jean Gol appelait à serrer les rangs autour d’un projet de société porteur d’espérance, quelques idées fortes dont les électeurs sachent qu’elles sont intransigibles. « Loin du consensus mou qui génère, par réaction, les extrêmes, nous devons à nouveau nous situer clairement contre les idées socialistes rampantes, le néo-autoritarisme, la néo-intolérance de certains écologistes, l’oppression insidieuse de la bureaucratie ou de certains groupes de pression. » Rien de tout cela, convenons-en, n’a bien changé, au contraire. Jean Gol parlait d’un credo libéral sous forme d’un rappel des valeurs libérales et d’un contrat libéral sous forme d’un engagement clair et ferme envers les citoyens d’accomplir les réformes nécessaires.
Seul diagnostic erroné : « le marxisme est mort. A tout le moins dans le coma. » Il s’est ressuscité sous de nouveaux atours (l’écologisme, le wokisme…) et les vieux démons subsistent : la mainmise de groupes de pression sur la démocratie, les idéologies mortifères, le conservatisme réactionnaire obtus sous ses multiples oripeaux, la bureaucratie, l’absence de débat. « Dans notre pays, constatait Jean Gol, l’inquiétude est grande. Une crise profonde de confiance existe à l’égard des institutions et des hommes politiques. La démocratie est malade. » Lors des élections législatives du 24 novembre 1991, le Zwarte Zondag, les électeurs s’étaient rebiffés contre leur sentiment de vide, d’indécision, d’arbitraire et reportèrent leurs votes sur l’extrême droite.
Le fossé avec le citoyen
Depuis ce dimanche noir, personne n’a trouvé le moyen de combler le fossé avec le citoyen. Ivan De Vadder parle d’une « démocratie étranglée » dans Wanhoop in de Wetstraat, l’essai que ce journaliste politique de la VRT qui intervient aussi à la RTBF et dans Le Soir, publia à la fin de l’an dernier. Les doléances de Jean Gol à propos des impôts qui augmentent, des groupes de pression qui colonisent l’Etat, accroissent leur empire et paralysent le pouvoir, des réformes institutionnelles qui ont abouti à plus de complexité, moins de garanties pour le citoyen et plus de conflits, des menaces qui pèsent sur l’avenir du pays, de l’enseignement en déclin, de l’insécurité, de l’immigration incontrôlée, toutes restent pertinentes. « Le gouvernement est immobile », écrivit-il. Avec la perte de poids des familles politiques traditionnelles, libérale y comprise, et la montée des extrêmes à droite comme à gauche, l’immobilité s’est institutionnalisée.
« Il n’y a pas de fatalité, ajoutait-il. Ne prenons pas pour inévitable ce qui n’est que manque d’idées et d’actions. » Et de demander : « Que faire, en cet automne 1992, pour servir notre pays et engager les changements indispensables ? » A l’approche de l’automne 2023, à moins de se conforter dans le « consensus mou », les libéraux doivent se poser la même question et se laisser guider par la pensée de Jean Gol, à commencer par « rendre l’espérance aux citoyens » et veiller, dans un esprit de vérité, de courage et de vertu civique, à créer un cadre dans lequel chacun puisse construire son avenir, car il nous appartient à chacun de chercher le bonheur et non à l’Etat de nous le procurer. A cet égard, Jean Gol mettait en garde contre les utopies collectivistes et les délires des extrêmes.
La vertu civique, il dit l’avoir reconnue chez un Pierre Mendès-France, selon lequel : « Le pouvoir ne peut être une fin en soi, ni pour un homme, ni pour un parti, ni pour une équipe, mais n’a de sens et de valeur que s’il est un instrument au service d’un idéal et d’une volonté de le réaliser. » C’est de lui qu’il s’inspira pour sa notion de contrat loyal entre les citoyens – hommes libres et responsables au sein d’une société ouverte aux potentialités créatrices de l’agir humain – avec leurs représentants et leur gouvernement. Il ne peut s’agir d’un blanc seing.
Le libéralisme a ses racines dans la lutte contre le despotisme et l’obscurantisme. Le néo-libéralisme n’existe pas, c’est une invention de ceux qui veulent combattre le libéralisme et lui faire endosser les malheurs qu’ils ont souvent eux-mêmes et leurs prédécesseurs dirigistes contribué à faire survenir et qui prônent comme seul remède plus d’Etat, toujours plus d’Etat. Puissent les vrais libéraux, il y en a, rendre leur voix et l’espérance aux citoyens.
Librement, Jean Gol, Editions Didier Hatier, 266 pages.
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(Cet article a paru dans l’hebdo satirique PAN n° 4105 du vendredi 15 septembre 2023.)
« L’enseignement en déclin », enseignement devenu garderie, oui, garderie qui ne donne aucune formation réelle, aucune curiosité… aucune vertu civique! Les vrais libéraux ne se manifestent pas….
Un grand homme d’Etat, loin de ceux qu’on connait aujourd’hui. Et ayant aussi très bien compris, déjà, que la Flandre était une nation, et que rien ne l’empêcherait de se comporter comme telle, à court, moyen ou long termes. Aujourd’hui, le francophone pleurniche pour rester dans le cadre belge où il est précisément discriminé, et interdit à un peuple de prendre la destinée qu’il souhaite. Le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » est bafoué sous les prétextes sentimentaux d’un patriotisme égoïste (et grotesque, compte tenu de ce qu’est devenu cet « Etat »).
« Le néo-libéralisme n’existe pas. » Hélas, le néo-libéralisme et l’ultralibéralisme mondialiste existent et ont triomphé, liquidant l’ordo-libéralisme et la social-démocratie. La seule solution est le retour aux frontières et à l’Etat, via l’illibéralisme prôné, par exemple, par le Premier ministre hongrois Viktor Orban. Le politique doit être au-dessus de l’économique.