NAVO, hersendood of klaar voor de toekomst? (L’OTAN, en état de mort cérébrale ou prêt pour l’avenir?), dont ce troisième article poursuit la recension, a été publié en décembre 2021, avant le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Déjà, pourtant, Jonathan Holslag, professeur de politique internationale à la VUB, y parlait de la faiblesse patente que constituaient les relations de la Belgique avec la Russie et la Chine. Il n’y a certes pas que la Belgique, l’Europe elle-même a fait montre d’irrésolution face à ces puissances de plus en plus ambitieuses et, si on pointe volontiers la Hongrie et la Grèce d’un doigt accusateur, que ne faut-il dire d’autres pays axés sur le commerce, la France et l’Allemagne ?

Depuis l’invasion de l’Ukraine, la messe semble dite en ce qui concerne la dépendance de l’Europe par rapport à la Russie pour la fourniture de gaz et de pétrole. Jonathan Holslag rappelle à ce sujet les liens avec la Russie de Fluxys, une entreprise stratégique dont l’actionnaire est le holding public Publigaz et qui est supervisée par des mandataires politiques. Son principal actif est le terminal GNL de Zeebrugge, un hub d’importation pour le gaz naturel russe dont la politique erratique de la Belgique en matière énergétique a rendu cette dernière friande…

Plus discrète peut-être, la Chine n’en est pas moins présente dans le secteur énergétique belge via la participation de l’entreprise d’Etat chinoise State Grid Corp. dans le distributeur d’électricité Eandis, lequel avait cherché un investisseur pour financer un réseau plus intelligent et plus vert. Qui sait, peut-être l’intérêt de la Chine dans le distributeur d’électricité réside-t-il finalement dans son souci d’alimenter les véhicules électriques que Geely, une autre firme chinoise, compte non pas construire – car construits ils le seront ainsi que les batteries qui les équiperont dans de toutes nouvelles usines situées en Chine – mais assembler dans les anciennes usines Volvo à Gand.

Quant aux perspectives de voir débarquer Thunder, autre constructeur automobile chinois, sur le site Caterpillar à Charleroi, plus de nouvelles. Entretemps, les importations belges de Chine ont explosé, nos exportations vers la Chine ont régressé et les coûts de l’énergie en Belgique (de même, soit dit en passant, que les impôts et taxes) sont parmi les plus élevés en Europe. Allez savoir ! Le fait est, conclut Holslag, que ces asymétries ne profitent pas vraiment à la Belgique sur le plan économique – or l’économie est la base de la puissance, rappelle-t-il à tout escient –, ni sur le plan géopolitique.

The West has not won (yet)

Pendant que l’Europe, ses membres et leur personnel politicien gèrent leurs affaires au jour le jour et en fonction de leurs fictions idéologiques, les grandes puissances, par contre, ne perdent jamais de vue leurs horizons stratégiques. On avait pu croire, écrit Theo Francken, le chef de la délégation belge auprès de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN et membre de sa Commission politique et du Groupe Spécial Méditerranée-Moyen Orient, dans sa contribution à cet ouvrage collectif dont il a co-dirigé la rédaction, que l’effondrement du bloc communiste en 1989-1991 constituait la fin de l’Histoire (selon l’expression du politologue américain Francis Fukuyama en 1992) et que le modèle occidental de démocratie libérale et d’économie de marché prévaudrait.

Il n’en fut rien. A vrai dire, un autre politologue américain, Samuel Huntington, en avait averti dans le livre qui fit connaître au public cet ancien membre du Conseil de sécurité nationale au sein de l’administration Carter, Le Choc des civilisations, paru en 1996. Le jour où un consensus universel sur la démocratie mettra un point final aux conflits idéologiques n’est pas encore advenu. Bien au contraire, depuis 1994, l’Europe a été confrontée avec une nouvelle vague de terrorisme, cette fois d’origine islamiste, laquelle a ravivé par réaction la menace terroriste d’extrême droite.

C’est le sujet abordé par l’ancien secrétaire d’Etat belge à l’asile et la migration dont l’expérience à ce poste lui permet d’en parler en connaissance de cause. Se référant à la thèse du sociologue allemand Gunnar Heinsohn dans Söhne und Weltmacht : Terror im Aufstieg und Fall der Nationen, il y voit un phénomène résultant d’une explosion démographique dans les sociétés d’origine de la migration et se produisant indépendamment de leur connotation culturelle. C’est ce phénomène de youth bulge qui, selon lui, était déjà à la base des « printemps arabes » et non une volonté de démocratisation et le terrorisme qu’il est susceptible d’alimenter, d’où qu’il soit parrainé, est, précise Francken, au coeur des préoccupations de l’OTAN visant à assurer la sécurité des populations des pays membres.

NAVO, hersendood of klaar voor de toekomst?, ouvrage collectif sous la direction de Theo Francken, Hendrik Bogaert et Peter Buysrogge, 416 pages, Doorbraak.

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(Cet article a paru dans l’hebdo satirique PAN n° 4077 du mercredi 1er mars 2023.)