« Le bonheur n’est pas chose aisée, il est très difficile de le trouver en nous, et impossible de le trouver ailleurs. »
La maxime est de Chamfort, non pas Alain, le chanteur, mais Nicolas, le poète du XVIIIe siècle (1741-1794), cité par le philosophe allemand Arthur Schopenhauer (1788-1860) en exergue de ses Aphorismes sur la sagesse dans la vie, son petit traité d’« eudémonologie ».
L’« eudémonologie » est l’art de se rendre l’existence aussi agréable et heureuse que possible et donc d’arriver à la préférer à la non-existence – Cioran et De l’inconvénient d’être né nonobstant.
Si l’on y réfléchit, l’existence s’articule autour de trois axes : ce qu’on est ; ce qu’on a ; et ce qu’on représente pour les autres. Bien que le commun des mortels ne conçoive pas nécessairement les choses dans cet ordre, il va sans dire que ce qu’on est importe plus que ce qu’on a ou que ce qu’on représente pour autrui, que les qualités d’esprit et de coeur l’emportent sur les questions de rang et de richesse. C’est là, dit Schopenhauer, toute la différence entre un roi véritable et un roi d’opérette – question rang, toute allusion à une actualité récente serait purement fortuite.
Déjà Métrodore de Lampsaque (330-278 av. J.-C.), l’élève d’Épicure, en convenait : les causes qui viennent de nous contribuent plus au bonheur que celles qui naissent des choses. D’où l’importance de la santé, rien autant qu’elle ne contribue à la gaité. Il nous faut donc nous donner du mouvement car en nous tout est mouvement. Aristote (384-322 av. J.-C.) le disait : « Ο βιος εν τη κινησει εστι » (« La vie est dans le mouvement »).
Juvénal traduisit cette éthique de la santé dans sa dixième Satire par la fameuse maxime « mens sana in corpore sano ». Pour tromper la douleur et l’ennui, ces deux ennemis du bonheur humain, Schopenhauer prescrivait deux heures d’exercice vif au grand air par jour. Seul un corps sain permet à l’esprit de se distraire, même livré à la solitude, mieux que n’y arriveraient mille divertissements.
Mens sana in corpore sano
C’est peut-être là que le bât blesse dans le monde contemporain. L’institut allemand de statistiques Statista basé à Hambourg a révélé que les Européens n’auraient, en temps normal, pas suffisamment d’activité physique pour rester en bonne santé.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le surpoids et l’obésité affectent deux milliards de nos contemporains dans le monde. Le nombre de cas d’obésité aurait presque triplé depuis 1975. L’évolution est principalement due à un déséquilibre entre les calories consommées et dépensées. En cause seraient une alimentation de plus en plus riche et un manque d’activité physique liée à la nature de plus en plus sédentaire des modes de vie.
Pour maîtriser son poids et garder la santé, l’OMS recommande notamment de pratiquer une activité physique intense d’une durée d’1 h 15 (ou 2 h 30 si l’activité est modérée) chaque semaine – l’OMS est moins exigeante que Schopenhauer.
Les dernières données comparables de l’OMS publiées dans la très sérieuse revue médicale The Lancet datent de 2016. On ignore quel aura été l’impact de la pandémie de Covid-19 sur l’évolution de la situation.
Entre-temps, si, parmi les pays de l’UE, la Finlande, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas, la France et l’Espagne s’en tirent plutôt honorablement, le Portugal, l’Allemagne et l’Italie sont à la traîne (de 40 à 45% de la population n’y seraient pas suffisamment actifs) et la Belgique ne fait guère mieux (35 à 39%).
Debout et bougez-vous pour votre forme et vos formes, vous ne vous en (sup)porterez que mieux ! Et, en ces temps de confinement, souvenons-nous de la sagesse millénaire de cet autre grand ancien, le poète latin Horace (65-8 av. J.-C.), dans ses Epîtres : Cælum non animum mutant qui trans mare currunt (littéralement : « C’est changer de ciel et non d’esprit que de courir au-delà des mers »).
(L’auteur de cet article a publié au début de l’année ses carnets de route de coureur à pied sous le titre Chemin faisant – Carnets de route – Marathonien de coeur et d’esprit, disponible sur amazon.fr.)
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MERCI pour cette vérité… que trop de gens ignorent et j’ose en ajouter une: le bonheur ne vient jamais de la culture du « MOI, JE » mais uniquement de l’intérêt pour les autres, pour un but, un travail utile. Et sans bonne santé, impossible de se consacrer aux autres….