La guerre russo-ukrainienne avec l’implication de l’Occident, les velléités hégémoniques de la Chine et les tensions autour de Taiwan, l’islamisme radical, la guerre entre Israël et le Hamas, l’énergie, le déclassement de l’Occident et la dédollarisation, allons-nous vers un choc global ? C’est la question. Jacques Soppelsa, ancien président de l’Université Paris I Sorbonne où il a enseigné la géopolitique, et Alexandre Del Valle, docteur en histoire contemporaine, consultant international et auteur fécond spécialiste de la géopolitique et des relations internationales, tentent d’y répondre dans cette somme de 738 pages, sans doute la plus compréhensive sur le sujet à ce jour en langue française, parue le 24 octobre 2023 chez L’Artilleur et dédiée à un précurseur, le général Pierre Marie Gallois.
Les Européens, derniers « végétariens » de la géopolitique
« Dans un monde de carnivores géopolitiques, les Européens sont les derniers végétariens… » Le mot, mis en exergue de leur premier chapitre dans lequel les auteurs abordent le thème du déclin de l’Occident – tout l’Occident est-il touché ou seulement l’Europe ? -, est de l’ancien vice-chancelier fédéral allemand et ministre (socialiste) de l’Economie puis des Affaires étrangères Sigmar Gabriel. C’est assez dire. Cela reflète le diagnostic qu’ils portent sur l’état du monde : alors que la Turquie et l’islamisme radical la menacent (voire tout l’Occident) directement, l’Europe se trouve – en raison de son « impuissance volontaire » et de l’énorme effort de guerre apporté à l’Ukraine par les Etats-Unis, l’OTAN et l’UE – inféodée aux Etats-Unis et privée de source d’énergie indépendante abondante et bon marché. Or, l’économie, selon la formule consacrée, c’est de l’énergie transformée.
L’Europe est non seulement victime de ses faiblesses et errements idéologiques, du manque flagrant de pragmatisme de la part de ses élites, dirions-nous, face aux réalités existentielles des populations qu’elles sont supposées servir, mais aussi du regain d’interventionnisme américain – l’America is back de Joe Biden. En effet, les Etats-Unis n’ont, eux, pas renoncé à leur volonté de puissance, ni à leurs ambitions hégémoniques, ni à la Realpolitik – sur fond, paradoxalement, de fracture profonde au sein de la société américaine entre l’Amérique démocrate multiculturaliste qui cherche à imposer ses propres idéologies élitistes et alimente curieusement le sentiment anti-occidental à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières et l’Amérique judéo-chrétienne conservatrice qui se sent larguée.
Fin de l’histoire postposée pour cause de choc des civilisations
Une vision candide de la globalisation des échanges espérait voir émerger un monde pacifié, libéral et démocratique, version Fin de l’histoire de Francis Fukuyama. La suite a donné raison à Samuel Huntington : nous voici en plein Choc des civilisations. McWorld, selon le mot du politologue américain Benjamin Barber pour qualifier la mondialisation à l’anglo-saxonne, est combattu non seulement par les sociétés musulmanes en voie de ré-islamisation, mais aussi par la Russie et la Chine, lesquelles ont signé le 4 février 2022, trois semaines avant l’attaque russe en Ukraine, un « pacte d’amitié sans limites » révélateur du choc entre puissances occidentales et alliées d’une part et puissances révisionnistes et anti-occidentales d’autre part, les unes visant à garantir l’ordre libéral-démocratique existant, les autres à le détruire.
La CIA en convint dans son rapport annuel de 2022 : Chine et Russie ont pour « ambition commune d’en finir avec le leadership occidental sur le système international », dont la disparition de l’empire soviétique avait renforcé la prééminence dès lors que, forte de son hyperpuissance, l’Amérique n’avait pu réfréner son envie de projeter sa doxa sur la planète entière. De la Chine et de la Russie, c’est toutefois la première le vrai leader, elle gagne sur tous les fronts. Les Européens, par contre, ne gagnent sur aucun, ils sont les dindons de la farce. Ils ont dépensé tous les dividendes de la paix sans renforcer leurs défenses et ils sont exposés à toutes les vicissitudes : bureaucratisation, crises économiques, financières et sanitaires, immigration incontrôlée, terrorisme, crime organisé et on en passe. On y reviendra.
Vers un choc global ?, Alexandre Del Valle et Jacques Soppelsa, 738 pages, L’Artilleur.
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(Cet article a paru dans l’hebdo satirique PAN n° 4112 du vendredi 3 novembre 2023.)