Le monde ne cesse de changer, a-t-on l’habitude d’entendre. Il n’a toutefois jamais autant évolué que ces dernières décennies. L’Internet, la communication mobile et intelligente l’ont bouleversé et la numérisation de l’économie et de la société se poursuit à un rythme effréné. Ce n’est que dans les cinq prochaines années, prédit Steven Van Belleghem dans son dernier livre When digital becomes human (publié sous ce titre en version néerlandaise et en anglais), que, sous l’effet de la convergence de l’évolution démographique et de cinq vagues technologiques (portabilité, Internet of everything, robots, impression 3D et intelligence artificielle), cela deviendra vraiment spectaculaire. Nous approchons du point, écrit-il encore, où la vitesse du changement dépassera l’entendement humain.
Innovation et obsolescence
Dans les années 1980, les entreprises figurant sur la liste des 500 plus grandes du magazine Fortune s’y trouvaient en moyenne depuis 35 ans. Aujourd’hui, cette moyenne est tombée à 15 ans. Mieux, il y a vingt ans, 40% de ces entreprises n’existaient pas encore ! Créée en 2009, Uber est aujourd’hui valorisée tantôt à 28 milliards de dollars, tantôt à plus de 60. Quoi qu’il en soit, l’entreprise technologique est classée première par CNBC (la chaîne de télévision américaine diffusant des informations financières) sur sa liste des 50 plus grands « perturbateurs » économiques.
Jamais les organisations n’ont été confrontées à une telle vitesse d’obsolescence et à une telle accélération de l’innovation induite par le développement démographique. A vrai dire, n’en sommes-nous pas tous responsables ? L’avènement rapide des innovations technologiques a été renforcé par une accélération de leur adoption par les utilisateurs.
Steven Van Belleghem est un expert ès-marketing et relations commerciales, professeur à la Vlerick Business School, l’école de commerce des universités de Gand et de Louvain, qui dispose aussi de campus à Bruxelles et à Saint-Pétersbourg. Son livre When digital becomes human résulte de deux enquêtes menées auprès d’un total de plus de 6000 répondants, de tournées sur le terrain dans la Silicon Valley et d’interviews de dirigeants d’entreprises ayant réussi leur mutation vers la nouvelle économie (Disney entre autres). Si son propos est essentiellement d’étudier l’évolution de la nature des relations commerciales de l’entreprise dans le contexte de l’évolution technologique en cours, il est néanmoins riche d’enseignements sur l’évolution de l’économie et de la société dans leur globalité.
Cinq « super-héros »
Comment pourrait-on en effet ignorer l’influence considérable qu’exercent sur l’humanité ces cinq « super-héros » de l’économie mondiale que sont Facebook, Amazon, Alibaba (le plus important site au monde de vente en ligne aux entreprises), Apple et Google ? Comment nier l’effet disruptif voire dévastateur qu’ont des entreprises technologiques comme PayPal (service de paiement en ligne), Lending Club (finance participative), Square (paiement par carte de crédit sur téléphone mobile) sur le secteur bancaire, Apple et Spotify dans le domaine de la musique, Uber sur les taxis, AirBnB dans l’hôtellerie ? En rachetant Maker Studios (l’une des plus grandes chaînes de diffusion sur YouTube) pour 500 millions de dollars en 2014, Disney s’est assuré de 55.000 canaux et d’une audience mensuelle de 5,5 milliards de vues ! De tels chiffres, les chaînes de télévision traditionnelles ne peuvent que rêver.
Les grèves et le lobbying sont des instruments de l’économie moribonde. Selon Van Belleghem, rien ni personne ne peut enrayer le développement technologique. Pour tous les agents économiques, entreprises et particuliers, survivre c’est s’adapter. L’Etat lui-même pourrait-il y échapper ? La lueur à l’horizon consiste, d’après l’auteur de When digital becomes human, remarquable ouvrage de prospective économique à lire toutes affaires cessantes, dans le fait que la numérisation des relations économiques s’accompagnera de leur « dérationalisation » et de leur personnalisation. L’élément émotionnel, se raréfiant, y interviendra de manière toujours plus prééminente, restituant à l’individu sa place centrale et essentielle dans le monde à condition qu’il se libère des carcans systémiques et irresponsables dans lesquels la classe politique, plus préoccupée de ses prébendes que du bien-être de ses sujets, cherche à l’enfermer.
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