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La question de la modernité dans le « libéral-conservatisme »

La question de la modernité dans le « libéral-conservatisme » Posted on 11 mai 2018Laisser un commentaire

Peut-on être libéral et conservateur et, si tel est le cas, qu’en est-il de la question de la modernité ?

Parcourons encore un bout de chemin avec Alexandre Dougine, l’auteur de « The Rise of the Fourth Political Theory » dont la recension fit l’objet du précédent article. Dans cet ouvrage, l’idéologue et politologue russe procède à une critique en règle de ce qu’il appelle, d’une part, la démocratie libérale, et, de l’autre, le libéral-capitalisme, au nom d’une « quatrième théorie politique » qui s’inspire essentiellement des valeurs du conservatisme (identité nationale, sécurité, ordre, autorité, famille, héritage religieux, traditions…).

Pour Alexandre Dougine, des trois systèmes politiques qui ont régi le XXe siècle, deux ont échoué et sont obsolètes (le marxisme et le fascisme) et le troisième, le libéralisme s’est arrogé un caractère universel que l’idéologue russe lui conteste en vertu de ce que ce troisième système politique s’érige, selon lui, sur un individualisme effréné, matérialiste, utilitariste et athée, et rejette les principes de l’Homme comme incarnation de la culture du peuple auquel il appartient, de la « Terre vivante » et de l’enracinement des peuples sur la Terre.

Conservateur patenté, émule de Heidegger et de Carl Schmitt, Alexandre Dougine est cohérent : il fonde son opposition irréductible au capitalisme libéral dans sa détestation de tout ce que représente l’Occident au niveau politique, économique et moral. La plupart de ses contemporains préférant la jouissance d’un logis et d’un certain confort matériel à la lecture de Heidegger, voire de Dougine pour les Russes ou de Han Fei pour les Chinois, se pose la question de la modernité, antithétique par définition et par principe à la tradition.

Alexandre Dougine n’élude pas la question. Il lui consacre tout un chapitre dans « The Rise of the Fourth Political Theory », le neuvième, intitulé « Questioning Modernization ». Il aborde le sujet en demandant : « La Russie (N.D.A. : car, c’est bien elle qui est au centre de son ouvrage) a-t-elle besoin de se moderniser ? ». Instinctivement, admet-il, l’on est tenté de répondre : « Oui, bien sûr ! Comment pourrait-il en être autrement ? » Mais, la question est mal posée, dit-il. Elle devrait plutôt être : « De quelle modernité la Russie a-t-elle besoin ? »

Peu de gens saisissent, avance-t-il, que la modernité consiste en deux aspects distincts. Le premier touche à la technicité, c’est le plus évident, c’est celui qui rend le monde plus confortable, pratique, rapide, efficace, agréable. Mais, il y a un autre aspect, dont Dougine reconnaît qu’il est intimement lié au premier, à savoir celui de la modernité morale, culturelle et sociale. Si le premier consiste à créer des instruments, le second aspect aboutit à modifier la société, ses valeurs morales, culturelles, sociales, ses habitudes. Est-il possible de les dissocier ?

Adopter la modernité au plan moral, prévient Alexandre Dougine, débouche sur la désintégration du tissu de la société. C’est chacun pour soi et plus personne ne reconnaît d’appartenance sociale. La modernité de cet ordre détruit les fondations et les formes traditionnelles de la société, la morale, les valeurs de famille et de communauté, l’identité collective du peuple.

« Dans l’Histoire de la Russie, nous constatons que la modernisation n’est jamais venue d’en bas, dit-il, elle nous a toujours été imposée. » Il en cite comme exemple l’URSS dont la modernisation fut impressionnante, mais imposée du dessus et à quel prix en fait de destructions et de répressions ! Comment combiner identité et développement est un thème qui a été traité de manière approfondie par de nombreux penseurs, fait remarquer Dougine, qui se réfère à Samuel Huntington dans « Le Choc des civilisations » pour prescrire à la Russie une « modernisation sans occidentalisation ».

Le libéral-conservatisme est-il un oxymore ? Peut-on tout à la fois défendre des idées conservatistes sur le plan socio-politique et des idées libérales sur le plan économique ? Si l’on y réfléchit, il y a bien un exemple de top down-bottom up qui semble fonctionner, la Chine. Est-ce le modèle dont les libéraux-conservateurs occidentaux veulent s’inspirer ?

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