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« Hypercapitalisme – Le coup d’éclat permanent » (Bruno Colmant)

« Hypercapitalisme – Le coup d’éclat permanent » (Bruno Colmant) Posted on 8 août 2020Leave a comment

Palingénésie poursuit avec la recension de Hypercapitalisme – Le coup d’éclat permanent, de Bruno Colmant, ingénieur commercial et docteur en économie appliquée (ULB), titulaire d’un master en sciences fiscales et d’un Master of Business Administration de la Krannert School of Management de l’université Purdue dans l’Indiana (États-Unis), auteur prolifique, membre de l’Académie royale de Belgique, sa série d’articles consacrés à quelques éminents penseurs belges francophones de notre temps.

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L’âge et le surcroît d’érudition qui l’accompagne apportent de la lucidité et de nouvelles convictions, confesse Bruno Colmant dans son dernier opus, Hypercapitalisme – Le coup d’éclat permanent, si ce n’est l’expérience, dont Aldous Huxley dit qu’elle « n’est pas ce qui nous arrive, mais ce que nous faisons de ce qui nous arrive ».

Il est loin le temps de l’Ecole de Chicago, cette école de pensée économique à perspective libérale, assimilée à la théorie néoclassique des prix, au libre marché et à un monétarisme strict et opposée au keynésianisme. Il est loin le temps des premières amours, évoquées par Bruno Colmant dans les premières pages autobiographiques de son coup d’éclat permanent, sur les pelouses manucurées et ensoleillées des campus universitaires américains.

Certes, les crises qui ont surgi depuis ont terni les chromos d’époque et la dernière en date, celle du Covid-19, induira une croissance négative estimée à une perte de 8 à 10 % du PIB pour 2020 dans la zone euro, justifiant aux yeux de Bruno Colmant d’inonder l’économie d’un déluge de monnaie et suscitant chez lui une réflexion sur le besoin d’« Etats stratèges » en vue de réguler les marchés et d’assurer une « croissance soutenable et inclusive ».

Le rôle des Etats et des banques centrales

L’épisode du Covid-19 l’a prouvé, selon Bruno Colmant, ce sont les Etats et les banques centrales qui sauvent les économies privées. D’aucuns rétorqueront que ce fut après que les Etats en eurent provoqué l’accident vasculaire cérébral ; d’autres ergoteront sur l’adéquation de faire intervenir l’Etat pour redresser des entreprises zombies qui ne doivent peut-être pas l’être – Schumpeter réveille-toi ! Passons !

Les Etats européens ne sont pas sans autre reproche, eux qui ont privilégié une redistribution sociale par l’endettement, plutôt que l’investissement public, lequel est générateur d’emplois et de bénéfices transmissibles aux prochaines générations.

Que Bruno Colmant, qui fait aveu de virage de cuti keynésien en guise de coup d’éclat permanent – à moins que ce ne soit pas le sens dans lequel il faut interpréter le sous-titre de l’Hypercapitalisme –, n’accuse pas le néolibéralisme de tous les maux de la planète, est tout à son honneur.

Au fait, de quoi s’agit-il, car nombre des détracteurs du néo-quoi ou qu’est-ce – économistes, philosophes, psys et sociologues, pseudos et militants de tous bords – omettent d’indiquer ce qu’ils entendent par ce concept fourre-tout (et n’importe quoi).

Bruno Colmant clarifie : le néolibéralisme, c’est le libéralisme de stricte obédience, « un système de pensée libéral qui s’articule autour de la dénonciation de l’Etat providence, de la promotion de l’économie de marché et la dérégulation des marchés. Il est fondé sur le libre-échange… dont on oublie souvent qu’il n’aurait pas pu exister sans la force de l’Etat. »

Hayek, qui est considéré l’un des pères du « néolibéralisme », ne l’avait pas oublié. Il préconisait un Etat de droit fort comme socle du libéralisme économique et prévenait des dangers du capitalisme de connivence. Que l’on relise La Route de la servitude !

Et que l’on n’oublie pas, à moins de renier la libre-pensée, que le libéralisme trouve ses origines dans le rejet de toute forme d’absolutisme. Il n’y a d’ailleurs aucune raison pour laquelle les axiomes des idéologies et prophéties contemporaines, quelles qu’en soient la donne ou la couleur, devraient y échapper. C’est pourtant là une critique que l’on pourrait adresser à l’Hypercapitalisme, de sacrifier, fugacement il est vrai, à la culture égalitaire (« les statistiques ne mentent pas », sauf qu’on leur fait dire tant de choses) et à la métaphysique écologiste (des « deux terres par an »). Le temps passe…

Y a-t-il une troisième voie ?

Y a-t-il une troisième voie entre un capitalisme d’Etat et le capitalisme ébouriffé anglo-saxon, surtout si l’on tient compte des coups d’éclat monétaires perpétrés par les Etats-Unis qui, par deux fois, avec la rupture unilatérale des accords de Bretton Woods en 1971 et avec la crise des prêts hypothécaires à partir de 2007, ont soldé leurs dettes vis-à-vis de la communauté internationale en tirant avantage de l’hégémonie du dollar US ?

Bruno Colmant plaide pour un ordolibéralisme à l’allemande, empreint de dialogue social. Tant qu’à s’inspirer d’un modèle, autant que ce soit d’un modèle qui gagne, européen qui plus est. La gageure est de redéfinir l’euro. En Allemagne, ce dernier a bénéficié au secteur privé et, en France, à l’Etat, qui en a profité pour se consolider à moindre coût. Le « déluge de monnaie » permettra-t-il de reporter indéfiniment les échéances ?

Qu’il soit permis d’en douter ! Dans moins de dix ans, prédit Bruno Colmant, l’Europe devra faire face à d’immenses défis sociétaux, le moindre n’étant pas l’intégration des populations immigrées et des futures vagues de migration. « L’Europe elle-même est peut-être en train de sortir de l’histoire. »

Qu’un économiste de la stature de Bruno Colmant concède fort heureusement que les sciences économiques permettent d’expliquer les événements a posteriori et non de les prédire et qu’elles ne sont à ce titre qu’une sous-branche de la sociologie, voire de l’anthropologie, voilà qui participe du coup d’éclat permanent et fait que le dernier essai de Bruno Colmant mérite assurément d’être lu.

Hypercapitalisme, Le coup d’éclat permanent, Bruno Colmant, 148 pages, Renaissance Du Livre.

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Cet article de votre Palingénésiste sur l’Hypercapitalisme, Le coup d’éclat permanent de Bruno Colmant a été publié initialement dans l’hebdomadaire PAN numéro 3942 du 31 juillet 2020.

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