Kerry Emanuel a obtenu un doctorat en météorologie au Massachusetts Institute of Technology et y enseigne dans le département des sciences de l’atmosphère et de la Terre. Il s’est spécialisé dans la convection atmosphérique et les mécanismes responsables de l’intensité des ouragans. C’est lui qui a créé le terme d’« hypercane » (« hyperclone » en français) pour désigner un type de cyclone tropical susceptible de se développer si, à la suite du réchauffement du climat, la température à la surface de la mer atteignait 50° C, soit 15° C de plus que les températures jamais enregistrées jusqu’à présent.
Interrogé par Michael Shellenberger au sujet de la position de nombre d’écologistes sur le nucléaire, le climatologue du MIT parle de jouer sur deux tableaux à la fois : « Dire que le changement climatique est apocalyptique ou représente un risque inacceptable et exclure l’un des moyens les plus évidents de l’éviter (l’énergie nucléaire), [les écologistes] ne sont pas seulement incohérents, ils sont insincères. » Il n’y a pas qu’en Belgique et en Allemagne qu’ils le sont – aussi aux Etats-Unis !
Robert Oppenheimer, qui conçut la première bombe atomique, fit en 1953 un discours dans lequel il déclara que les armes atomiques avaient bouleversé les relations internationales. Eisenhower, le président nouvellement élu des Etats-Unis s’en serait inspiré, autant que de son éducation parmi des mennonites pacifistes, dans une allocution mémorable qu’il prononça devant l’Assemblée générale des Nations Unies le 8 décembre 1953.
Une énergie abondante et bon marché
L’idée en était que l’Humanité se rachetât d’avoir créé le fléau des armes atomiques en réalisant le projet d’une prospérité universelle à partir d’une énergie bon marché et abondante. « Les Etats-Unis font le serment de consacrer tout leur coeur et leur esprit à trouver le moyen par lequel l’inventivité miraculeuse de l’homme ne sera pas vouée à sa mort, mais consacrée à sa vie. » Une énergie bon marché et abondante fut aussi, à l’époque, le principe moteur de la création de ce qui ultérieurement devint l’Union européenne.
Le Sierra Club, l’une des plus anciennes organisations non gouvernementales vouées à la protection de l’environnement aux Etats-Unis, incita cependant – avec Ralph Nader – le président des Etats-Unis Jimmy Carter à préconiser les centrales à charbon plutôt que les centrales nucléaires alors que personne ne pouvait plus ignorer la nocivité du charbon (responsable de soixante-six mille décès par an, selon le New York Times en 1979…)
Interrogé quant à savoir s’il éprouvait une telle peur du nucléaire, l’un des militants antinucléaires du Sierra Club confia : « Je me fiche vraiment de la sécurité des centrales nucléaires parce qu’il y a de toute façon trop de monde dans le monde… Je pense que tricher, si vous avez un but noble, c’est bien. » La fin justifie les moyens. « Si vous voulez que les gens se sentent concernés, déclarait un autre militant antinucléaire américain, il faut jouer le plus possible sur la corde émotionnelle. »
Pourtant, l’Allemagne, parangon de la transition énergétique des énergies nucléaires et fossiles vers les énergies renouvelables, en a fait la démonstration par l’absurde et le géant du conseil McKinsey l’a confirmé à qui en doutait, aucune technologie ne peut remédier au problème fondamental des énergies éolienne et solaire (elles ne sont pas constantes et nécessitent une sauvegarde à 100%) et la transition énergétique constitue un échec sur les trois plans de la protection du climat, de la sécurité d’approvisionnement et de l’efficacité économique.
En outre, éoliennes et panneaux solaires présentent une faible densité de puissance et un impact considérable sur le plan de l’environnement naturel. Concrètement, si les Etats-Unis, par exemple, produisaient toute l’énergie qu’ils consomment à partir d’énergies renouvelables, il a été estimé qu’il leur faudrait y consacrer de 25 à 50% de leur territoire. Cela n’empêche pas Alexandria Ocasio-Cortez, l’égérie du Green New Deal en version américaine, de préconiser un abandon de l’énergie nucléaire dans le délai le plus court possible.
Rien de neuf sous le soleil
« Le fait que la densité énergétique des combustibles et la densité de puissance de leur extraction détermine leur impact environnemental devrait être enseigné dans tous les cursus d’études environnementales. Malheureusement, constate Shellenberger dans Apocalypse Zéro, ce n’est pas le cas. »
Entretemps, tout ce qui nuit aux acteurs du nucléaire profite à ceux du gaz et du renouvelable – ou du charbon ! Quand un groupe écologiste s’attaque à l’un, il trouve de généreux soutiens auprès des autres. Money makes the world go round. C’est ainsi que ça marche, en tout cas aux Etats-Unis – en irait-il autrement ailleurs ?
Shellenberger narre quelques épisodes édifiants qui n’ont curieusement pas ému les écologistes. Il y a des vérités qui dérangent et il y a ceux qui les proclament et qu’il ne faut surtout pas déranger pendant que, auto-promus sauveteurs de la planète, ils s’occupent de leurs petites affaires énergisant leurs tirelires nullement fossilisées. Il n’y a rien de neuf sous le soleil, dit l’Ecclésiaste ; même quand il n’y a pas de soleil, ajouta le dramaturge de l’absurde que fut Eugène Ionesco.
En 2019, Google rassembla des célébrités et des militants du climat dans un domaine de très grand luxe situé en Sicile, plus vaste que la principauté de Monaco et doté d’infrastructures extravagantes, afin de réfléchir à la manière de mobiliser leur renommée en faveur de la cause climatique. C’est pieds nus comme il se devait que le Prince Harry parla à l’assemblée de l’urgence climatique. « Avec près de 7,7 milliards de personnes vivant sur cette planète, avait-il déclaré sur Instagram, chaque choix, chaque empreinte de pas, chaque action fait une différence. »
Harry omit bien sûr de signaler, c’est un tabloïd anglais, le Sun, cité par Shellenberger, qui le révéla, que nombre d’invités s’étaient déplacés en Sicile à bord de dizaines de jets privés et séjournaient, malgré le luxe débridé de l’endroit, à bord de yachts amarrés au large des côtes et que lui-même userait par la suite d’un jet privé pour se rendre à Ibiza et, plus tard, à Nice. « Selon que vous serez puissant ou misérable, écrivit La Fontaine dans Les Animaux malades de la peste, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »
Apocalypse Zéro, Pourquoi la fin du monde n’est pas pour demain, Michael Shellenberger, Editions L’Artilleur, 528 pages.
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(Cet article sur Apocalypse Zéro a été publié dans l’hebdomadaire satirique PAN n° 4023 du mercredi 16 février 2022.)
MERCI pour ce texte plein de bon sens!