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L’écologie, une religion laïque ?

L’écologie, une religion laïque ? Posted on 5 mars 20221 Comment

« L’écologie est aujourd’hui la religion laïque dominante des classes éduquées, cette élite de la classe supérieure dans la plupart des pays développés et de nombreux pays en développement. »

Voilà, c’est dit ! C’est Michael Shellenberger, un militant pour le développement du tiers-monde et l’environnement, qui le dit dans Apocalypse Zéro, livre événement de la recension duquel cet article constitue la troisième et dernière partie. La première exposait en quoi l’écologie apocalyptique constitue un anti-humanisme et la deuxième dénonçait l’incohérence et l’insincérité des écologistes antinucléaires qui rejettent la seule source d’énergie susceptible de remédier au mal qu’ils allèguent, le réchauffement climatique, au détriment d’un développement (durable!) des pays les plus pauvres.

Shellenberger a intitulé le dernier chapitre du livre « Faux dieux pour âmes en peine ». Il l’entame bien à propos par « la parabole de l’ours ». Apparemment, les ours polaires vont bien, contrairement à ce que donnait à croire le National Geographic dans une vidéo accompagnée d’une musique d’une lugubrité circonstancielle, visionnée au moins 2,5 milliards fois. Greta Thunberg avoua en pleurer à chaque fois qu’elle regardait un film du genre.

Aucune tendance générale n’a pu être discernée de l’effet de la fonte de la banquise sur la population des ours. La chasse, par contre, aurait été responsable de la disparition entre 1963 et 2016 de 53.500 ours, plus du double de la population estimée actuellement. La désinformation sur le sujet reflète la façon dont se racontent au sujet du changement climatique nombre d’histoires n’ayant rien à voir, selon Shellenberger, avec les données scientifiques.

Les Cavaliers de l’Apocalypse

En cause, notamment, selon lui, les Résumés à l’intention des décideurs, les communiqués de presse et les déclarations de certains auteurs du GIEC trahissant des motivations idéologiques ainsi qu’une coupable tendance à l’exagération et une absence de contextualisation. En témoigne la mésaventure survenue à M. Tol, qui ne manquait pas de lettres de créance puisqu’il était membre de Greenpeace et des Amis de la Terre et est docteur en économie et professeur à l’Université du Sussex (G-B).

Richard Tol a collaboré aux travaux du GIEC dès après sa création et a joué un rôle important dans ses trois groupes de travail, science, adaptation et atténuation. Sa réputation provient de ce qu’il a appartenu à une équipe qui aurait établi « de manière statistiquement solide », avec rigueur, le lien entre le dioxyde de carbone et les gaz à effet de serre avec un réchauffement de la Planète.

En 2012, en reconnaissance de ses mérites, M. Tol a été désigné en tant qu’auteur principal de l’un des chapitres du cinquième rapport du GIEC et affecté à l’équipe chargée du Résumé à l’intention des décideurs, la seule partie que lisent la plupart, journalistes, personnel politique et grand public, quand ils en lisent quelque chose. C’est à Yokohama (bonjour les émissions, mais tant qu’à faire !) que les rédacteurs, certains universitaires, d’autres non, se réunirent en conclave, mi-scientifique, mi-politique comme il se doit en vertu de la nature mixte du GIEC.

Il apparut rapidement que, sous la pression des représentants des pays européens, l’accent serait mis sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre plutôt que sur le développement économique. M. Tol cite l’exemple du délégué irlandais qui compara le réchauffement climatique à une autoroute vers l’enfer, « faisant référence, crut M. Tol, à une chanson d’AC/DC plutôt qu’à un article savant ». Le ton était donné, c’était « nous allons tous mourir », explique M. Tol. « Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse…, peste, mort, famine et guerre étaient tous au rendez-vous ! » L’intéressé en tira ses conclusions et sa révérence.

La Nature a remplacé Dieu

Certains spécialistes de l’environnement l’auraient admis : inspirée par la notion judéo-chrétienne de la création, une vision fondamentalement religieuse du monde se serait comme par inadvertance et de manière inconsciente imposée à l’argument écologiste. Le philosophe de l’environnement Mark Sagoff parle d’une « vision néoplatonicienne de la nature comme mécanisme intégré dans lequel chaque espèce occuperait sa place ». Immense est la sagesse du Créateur, cela ne va-t-il pas de soi ?

La Nature a remplacé Dieu et cette nouvelle divinité ne manque pas de prêtres pour en interpréter la volonté, faire la part des choses entre le Bien et le Mal et édicter des lois. Ces prêtres seraient, selon Shellenberger, les scientifiques. Mais, quand bien même Greta Thunberg, Harrison Ford – que son rôle parmi les aventuriers de l’Arche perdue prédestinait à sa vocation écologiste – et tant d’autres « écocolobobos » en appellent à les écouter, les scientifiques méritent-ils quelque crédit quand toute raison le cède à l’idéologie – à la déraison et à l’oraison ?

Shellenberger formule l’hypothèse audacieuse que l’écologisme apocalyptique satisfait aux mêmes besoins psychologiques et spirituels que le judéo-christianisme et d’autres religions. Jean, lève-toi et reviens, ils sont redevenus bigots. Dès lors que la raison rejète la religion comme non scientifique et révèle que la vie est dénuée de sens premier, la collapsologie propose un but, sauver la Planète d’un changement climatique dont l’idée de le présumer d’origine humaine s’inscrit, semble-t-il, dans un courant de pensée de l’après-guerre, à savoir que la science et la technologie, livrées à elles-mêmes, menaceraient le monde.

Memento mori

Intrigué par le recours fréquent au symbolisme de la mort par les militants d’Extinction Rebellion, Shellenberger s’en réfère au livre The Denial of Death de l’anthropologue Ernest Becker qui affirme que les humains, les seuls êtres à savoir dès leur plus jeune âge qu’ils vont mourir, ont besoin, qu’ils soient ou non adeptes d’une religion, de croire à un au-delà, à une forme d’immortalité, à ce qu’une part d’eux-mêmes ne disparaîtra jamais, induisant une sublimation de leurs peurs existentielles dans l’inconscient.

Pour Becker, note Shellenberger, une peur excessive de la mort dénote une insatisfaction profonde devant la vie. Ce que craignent ceux qui sont obsédés par la mort, c’est de rater leur vie, « coincés dans des relations déficientes, une socialisation bancale ou une vie professionnelle oppressante ». Il avoue humblement que ce fut son cas personnel, ayant il y a 20 ans souffert d’anxiété et de désarroi et été attiré par l’effondrisme climatique jusqu’à ce qu’il vainque ses propres démons.

Le danger réside, pour emprunter les termes du philosophe Roger Scruton, en ce que le ressentiment perde sa cible spécifique de vue et se transforme en une volonté de pouvoir, non afin de négocier au sein des structures existantes, mais afin de les abolir. Cette posture aboutit au désordre social grave et porte un nom : le nihilisme.

Apocalypse Zéro, Pourquoi la fin du monde n’est pas pour demain, Michael Shellenberger, Editions L’Artilleur, 528 pages.

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(Cet article sur Apocalypse Zéro a été publié dans l’hebdomadaire satirique PAN n° 4024 du mercredi 23 février 2022.)

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1 commentaire

  1. Cet article me remplit de joie car j’y retrouve très exactement tous les thèmes que j’avance depuis près d’une décennie et en particulier la thèse que je développe qui fait de l’idée de Dieu un phénomène biologique et génétique, et des religions son expression darwinienne, car en rassemblant les individus autour d’une idée commune elles sont la base sur laquelle se constituent les sociétés humaines indispensables à la survie de l’espèce, même si en contrepartie les croyances religieuses sont à l’origine de la plupart des guerres, des génocides et de bien des massacres.
    La religion est à la base de toute société humaine car come l’a dit Bergson elle est à l’origine de la morale. Les morales varient d’une culture à l’autre – ce que nous avons grand peine à comprendre – mais elles fixent la « règle du jeu » sans laquelle il ne peut y avoir de société faute de standardisation des rapports humains.

    L’origine génétique est je pense la seule explication qui permette de comprendre comment des êtres doués de raison comme nous sommes supposés l’être peuvent adhérer aux croyances et aux dogmes les plus irrationnels et se livrer à tant d’actes insensés sous l’emprise de pulsions plus fortes que tout raisonnement logique.

    La démocratie et l’écologie sont de bonnes illustrations de l’emprise religieuse. La démocratie est un copié- collé de la religion catholique, avec ses tables de la Loi (la déclaration universelle des droits de l’homme) , ses portraits de Marianne (la vierge Marie) au mur de ses mairies, ses sacrements célébrés par de grands prêtres en habit ( les mariages assurés par des maires ceints e leurs écharpes), et peut être et surtout sa vocation missionnaire .

    L’écologie dans ce contexte présente tous les aspects d’une secte religieuse, l’indiscutabilité de dogmes affirmés sans preuves, la certitude de détenir une Vérité ultime, l’assurance d’avoir à assumer une mission divine qui l’autorise à tous les excès dictatoriaux, la canonisation de ses saints apôtres style Greta, et l’anathème jeté sur quiconque n’adhère pas au catéchisme canonique !

    Cela m’amuse toujours de voir les gens s’étonner paradoxalement des caractères étonnement humains du comportement des Gorilles, Chimpanzés et autres grands singes, alors que nous devrions plutôt être étonnés ‘avoir conservé dans les nôtres et sans en avoir conscience tant de caractères simiesques ! L’intelligence artificielle nous sauvera-t-elle (avec la planète, bien sûr) . Malheureusement ce n’est pas du coté de Greta qu’on peut fonder de tels espoirs !

    Jean-Marc Bonnamy

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