Charline Vanhoenacker est née en 1977, à la veille du Nouvel An – une première facétie, qui sait ? – à La Louvière, la fille unique de deux enseignants de l’Athénée provincial de La Louvière où elle accomplit ses études secondaires. Son enfance dans ce que l’on appelle en Belgique la région du Centre la marqua profondément, explique son CV sur Wikipedia. Elle lui aurait permis de constater « avec dépit les ravages de la société capitaliste ». […] « Je lis la politique et la société à travers ce prisme. » Autant savoir, comme on dit à la RTBF.
Elle étudia la philologie romane à l’Université Libre de Bruxelles et y présenta un mémoire intitulé Langue de chat, Typologie analytique des mécanismes du risible linguistique dans Le Chat de Philippe Geluck. Elle continua ses études à l’École supérieure de journalisme de Paris (ESJ), passa par Le Soir et la RTBF (où elle succéda à Istvan Felkaï, l’emblématique correspondant parisien de la radio publique francophone belge, décédé en 2010) et atterrit par la suite à Radio France où elle exerce à la Matinale de France Inter et anime l’émission « Par Jupiter ! » sur la même station, rien qui ait changé son inclination profonde.
Elle s’en auto-défend dans Aux vannes, citoyens !, son manuel d’humour politique, car si « une blague, ça ne s’explique pas, l’humour si ». Et, à ceux qui lui reprochent que le sien est engagé, elle rétorque qu’il a des vertus pédagogiques, anabolisantes (inventerions-nous), apaisantes ajoute-t-elle, et en un mot (d’elle), cathartiques. Elle ne cache pas que « son curseur est large à gauche » et qu’elle prête sa voix aux progressistes et aux anti-réacs afin qu’ils puissent « échapper à une domination ».
« Tu seras remerciée pour la raison précise pour laquelle tu as été engagée », lui avait-on prédit. Ce n’est pas que Charline Vanhoenacker ne l’ait pas cherché, mais cela n’est pas encore arrivé. Le Petit Robert définit la satire comme « un écrit, ou un discours, qui s’attaque à quelque chose ou à quelqu’un en se moquant ». En fait, l’humour, c’est avant tout de l’écriture, dit-elle, et l’écriture, c’est un temps de réflexion, notamment quant aux précautions à prendre.
Sois belge et ne te tais pas !
Qu’elle soit belge l’a peut-être aidée : elle est ce regard étranger que Montesquieu met en scène dans les Lettres persanes. Elle personnifie une forme d’humour dans l’exterritorialité. En outre, elle dit s’en tenir dans ses billets au principe de l’humour politique qui est d’inverser le rapport de force et de le désacraliser, quitte à offrir à l’homme politique qui l’assume l’occasion de se reconnecter avec le citoyen que l’humoriste représente dans ce jeu de rôle. « Ton affaire, dit Epictète, c’est de jouer correctement le personnage qui t’a été confié ; quant à le choisir, c’est celle d’un autre. »
Les hommes politiques, les éditorialistes et les philosophes, par contre, n’hésitent pas, pour se faire entendre, accuse-t-elle, à user de l’outrance et du « bullshit ». A ce dernier stade, on ne se préoccupe plus de mentir effrontément, expose-t-elle, on se fout carrément de la vérité. On cherche à produire un effet dans l’esprit des gens auxquels on s’adresse. C’est de la manipulation.
Elle se remémore sa confrontation avec tel intellectuel souvent invité par les médias à éclairer le tout-venant sur l’état du monde, sauf qu’il est aussi connu pour se planter dans ses prévisions et être un plagiaire : « En 2008, lui dit-elle, vous aviez dit, je cite : « La crise est derrière nous. » Elle est de vous celle-là ? Vous auriez pu l’avoir piquée à [une astrologue]… C’est peut-être pour ça que vous vous plantez régulièrement sur l’avenir. » L’intéressé répond d’un sourire crispé, « comme s’il venait de se coincer une couille entre deux volumes de Proust ».
Jeu de rôle, jeu drôle. Elle : « Moi, je peux vous dire, en tant que directrice du Negresco, à Nice, j’adore les Arabes. Ils sont les bienvenus. N’est-ce pas, monsieur le prince du Qatar ? Lui (son complice, drapé pour l’emploi) : Je confirme. On est bien traités. D’ailleurs, toi le p’tit chauve, va me chercher un thé à la menthe ! » Le p’tit chauve en question est l’invité, en l’occurrence un député LR, plutôt proche (selon Marianne) des positions de la droite nationaliste en matière sécuritaire et identitaire. Le dialogue continue : « Attendez ! Lui, c’est un député. Et alors, il ne sait pas faire le thé ? Si, sans doute, mais son rôle c’est de faire les lois ! » Conclusion princière : Eh bien, si c’est les serveurs de thé qui font les lois dans ce pays, faut pas s’étonner que ça parte en rognon de chameau !
L’humour est-il de gauche ?
L’expression « Petit Livre rouge de l’humour » est d’elle. Le temps de l’humour « ni à gauche, ni à droite, mais autour » de l’irremplaçable Thierry Le Luron, qui imitait avec autant de verve Giscard (« Bonjour messieurs, bonjour mes diam’s », en pleine affaire des diamants offerts par Bokassa) que Mitterrand ou Marchais, serait-il révolu ?
Elle s’en remet à Bergson : « Le rire de l’un est souvent l’intolérable de l’autre. » Dans une société clivée et marquée par la « peopolisation » de la politique, allez éviter qu’un Manuel Valls, « dans sa quête de devenir la tête de Turc favorite de l’humour », ne soit soupçonné « de vouloir briguer la mairie d’Istanbul » ou qu’une humoriste en proie à une cystite spasmodique (en l’absence de cordon ombilico-sanitaro-politique à la belge) ne pisse dans un violon des années durant avec ses billets sur Le Pen et ne passe à la contrebasse quand il s’agit de celui qu’elle surnomme « Zob ». A quel degré, celle-là, Charline ?
L’humour politique est-il nécessairement de gauche ? « Si toutes les recherches (consensus promis à 97%, ndlr) sur le rire politique concluent qu’il a pour vocation d’inverser les dominations, comment pourrait-il être de droite ? » assène Charline Vanhoenacker qui ajoute, afin de se faire comprendre, que « l’humoriste de droite serait celui qui ne remet pas en cause la domination capitaliste et patriarcale. » Greta, c’était de l’humour quand elle en parlait ? C’était manière de « fragiliser les discours monopolisant le domaine du vrai » ? Ah non ! On ne peut pas rire de tout ! L’effondrement, pas question d’en rigoler ! Relisez le Livre de l’Apocalypse, crénom !
« L’humoriste reste un saltimbanque dont la saillie n’a d’effet que dans l’instant, la vanne n’a pas vocation à s’inscrire dans le temps, contrairement à la pensée. » Ça ne rassure toutefois qu’à moitié, car « l’humoriste, avertit Charline Vanhoenacker, est en train de se faire ubériser par cette frange de penseurs dont le cerveau a grillé sous les projecteurs », les philosophes. Finkie, tiens-le toi pour dit !
Aux vannes citoyens !, Petit essai d’humour politique, Charline Vanhoenacker, 160 pages, Denoël.
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(Cet article a été publié dans l’hebdomadaire satirique PAN n° 4037 du mercredi 25 mai 2022.)
Personnage insupportable, représentatif de ce que sont devenus l’humour et les médias publics, au service de causes, et de causes exclusivement de gauche. Dommage pour l’humour, une honte pour les médias publics, payés par tous. Vivement leur privatisation. En Belgique, ce serait presque un demi-milliard d’économie… OK, je rêve…
Trotskyste : Perturbateur endoctrinien (Marc Escayrol).