Mandy Len Catron enseigne l’anglais et la création littéraire à l’université de Colombie-Britannique, à Vancouver. Elle écrit aussi pour quelques éminents organes de presse comme le Washington Post, le Walrus et le New York Times. C’est ce dernier qui publie son article « To Fall in Love with Anyone, Do This » (« Pour tomber amoureux d’un inconnu, suivez le guide ! »). L’article sera lu par plus de 8 millions de personnes et le blog de son auteur deviendra l’un des cinq les plus lus aux Etats-Unis.
Après que ses parents eurent divorcé et que la relation qu’elle entretenait, depuis 10 ans, avec son compagnon rencontré pendant leurs études à l’université eut pris fin, l’idée que Mandy Len Catron se faisait de l’amour s’effondre. Elle s’interroge et s’immerge dans les études psychologiques et les données sociologiques sur le sujet.
C’est ainsi qu’elle prend connaissance des travaux d’Arthur Aron, un professeur de psychologie à l’Université de l’État de New York, selon lequel deux inconnus peuvent tomber amoureux l’un de l’autre en 36 questions et 4 minutes de silence (pendant lesquelles les protagonistes s’observent l’un l’autre, les yeux étant, dit-on, le miroir de l’âme).
Mandy Len Catron se livre à une expérience grandeur nature avec un homme qui, par la suite, devient son petit ami. C’est cette histoire qu’elle raconte dans l’article du New York Times et c’est ainsi que son couple devient l’objet de la curiosité de millions de personnes à travers le monde.
Son essai « Comment tomber amoureux d’un parfait inconnu » dépasse le stade de la narration de sa vie sentimentale. Elle y partage le fruit de ses recherches et de ses réflexions sur ce mystère qu’est le véritable amour, dont La Rochefoucauld écrivit qu’il en est « comme de l’apparition des esprits : tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu ».
Pour l’anthropologue Helen Fisher, citée par Mandy Len Catron, le mystère de l’amour réside dans le cerveau : il provient d’un afflux de dopamine observé dans les circuits neuronaux à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, d’une part, et d’une volonté de concourir à la reproduction de l’espèce, d’autre part.
Cette volonté transcendante, Arthur Schopenhauer (1788-1866) en avait déjà émis le postulat dans sa Métaphysique de l’amour sexuel, lui faisant prendre place dans l’ensemble de sa conception du monde, à savoir l’effet d’une action sous-jacente de la Volonté de vivre (« Wille zum Leben »). Schopenhauer fit ainsi lui-même figure, à certains égards, de précurseur de Sigmund Freud.
L’amour fait aussi partie de ces histoires (« toujours trop simples », selon Alain de Botton dans sa Petite philosophie de l’amour) que nous nous racontons. L’écrivain américain Kurt Vonnegut et, à sa suite, Mandy Len Catron en ont établi la structure narrative, que suivent la plupart des récits, du « meet cute » de Billy Wilder (les forces supérieures à l’oeuvre dans la rencontre fatidique) et de la prise de conscience amoureuse, aux obstacles à surmonter et à l’union finale.
« Les humains sont accrocs à la fiction », affirme un universitaire américain, Jonathan Gottschall, spécialisé en littérature et en évolution et cité par Mandy Len Catron. Ce rapport à la fiction est bien connu, tant du point de vue de la psychologie comportementale que de celui du succès planétaire de certaines histoires.
Que l’on pense aux exemples de Pretty Woman (près de 500 millions de dollars US de recettes mondiales) ou de Cendrillon, le conte populaire par excellence, dont l’on a répertorié trois mille récits semblables à travers les époques et le monde et dont Pretty Woman est, en quelque sorte, une énième version. (Le film est sorti en 1989, il y aura 30 ans l’an prochain, et il reste à ce jour le plus grand succès de Julia Roberts.)
Les sites de rencontres sur Internet font, estime Mandy Len Catron, que ce n’est plus un problème de rencontrer quelqu’un. La question est de savoir comment et quand choisir le bon partenaire. Il n’y a, selon elle, pas de recette miracle. Il faut s’en remettre à son jugement : la personne nous rendra-t-elle meilleur ? La technique d’Arthur Aron a l’avantage de vous pousser hors de votre zone de confort et de permettre de vous dévoiler progressivement et durablement, dans la réciprocité.
Sauf à vouloir entrer dans les considérations socio-économiques du mariage ou à savourer son célibat, le livre de Mandy Len Catron, qui reprend l’intégralité du questionnaire du Docteur Aron et de l’article de l’auteur dans le New York Times, a le mérite, et ce n’est certes pas le seul, ni le moindre, d’envisager la relation amoureuse sous l’angle volontariste et non comme le fruit du hasard. « Nous aimons, conclut-elle, parce que nous en avons fait le choix. »
Comment tomber amoureux d’un parfait inconnu, Mandy Len Catron, Massot Editions, 304 pages.
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