Le Monde se fit l’écho, vendredi, d’un article paru quelques jours auparavant dans le Daily Mail. Le tabloïd, le deuxième journal le plus vendu en Grande-Bretagne après The Sun, divulgua dans ledit article des extraits d’un rapport du représentant spécial de la City de Londres auprès de l’UE, Jeremy Browne. Ce fils de diplomate, membre du parti libéral-démocrate de Nick Clegg mais réputé eurosceptique, ancien ministre britannique de l’Intérieur dans le gouvernement conservateur-libéral-démocrate de David Cameron, devint l’envoyé de la corporation de la City moyennant un salaire à six chiffres après qu’il perdit son siège de député en 2015.
Dans son rapport, Jeremy Browne accusa la France, dans son ensemble, milieux officiels, financiers et industriels compris, (« a whole-of-France collective endeavour »), de comploter à ce que le Daily Mail qualifia, ni plus ni moins, de « saccage de la Grande-Bretagne ».
« La France s’est vantée auprès de responsables de la City de Londres de ce qu’elle utiliserait le Brexit pour saboter l’économie britannique, selon un mémo divulgué faisant l’effet d’une bombe », écrivit le Daily Mail pour entamer son acte d’accusation. « Pas étonnant que Bruno Le Maire ait été nommé ministre français des Finances, il s’était réjoui de ce que le Brexit présentait une formidable opportunité pour la France ! », insinua le quotidien britannique par la suite.
Des experts estiment que la City est particulièrement vulnérable aux effets perturbateurs du Brexit dont les conséquences se feront ressentir sur le reste de l’économie britannique dans la mesure où la place financière londonienne procure au Trésor britannique environ 12% de ses revenus et contribue à concurrence de 7% à l’emploi en Grande-Bretagne.
Nul doute que de tels chiffres ne laissent pas indifférent un gouvernement qui est confronté comme le gouvernement français à un héritage économique marqué par une perpétuelle voracité en matière de taxes et contributions et par un manque flagrant d’imagination en matière de création d’emploi.
Le Monde lui-même considérait la véhémence de l’article du Daily Mail comme « un hommage à l’offensive menée par le nouveau gouvernement français pour attirer les banques londoniennes à Paris par des avantages fiscaux et des formalités simplifiées »… Quel dommage que les PME et micro-entreprises qui représentent près de la moitié de l’emploi salarié en France ne bénéficient pas des mêmes attentions en matière de fiscalité et de formalités simplifiées !
Hystérique. Surexcité. En besoin de thérapie. C’est ainsi qu’Andrew Adonis, membre travailliste de la Chambre des lords du Royaume Uni, se fit invectiver par des partisans acharnés du Brexit après qu’il mit ses compatriotes en garde contre les conséquences de ce dernier et considéra la décision de quitter l’Union européenne comme la pire gaffe de la Grande-Bretagne depuis sa tentative d’apaiser Hitler dans les années 30.
« Pourtant, je maintiens chaque mot », déclara Andrew Adonis. « Une rupture brutale, se basant sur des considérations idéologiques, pourrait rejeter des millions de Britanniques dans la pauvreté. Le pire est que, lors du referendum, le peuple britannique s’est vu faussement promettre une aube nouvelle. » En vue du débat parlementaire (dont le premier gouvernement de Theresa May essaya en vain de s’affranchir) sur le Brexit, le lord travailliste dit s’être immergé pendant une quinzaine de jours dans la bibliothèque du Parlement afin de comprendre dans le détail ce que représentaient l’union douanière et le marché unique pour l’emploi et le commerce en Grande-Bretagne.
Il en déduisit que le Brexit était de la folie et qu’une décision de quitter les institutions économiques centrales de l’Union européenne mettrait des millions d’emplois en péril en Grande-Bretagne : « En ce qui concerne la notion d’Empire 2.0 – la « Global Britain » chère à Theresa May, c’est à dire les avantages supposés de s’ouvrir au commerce avec le monde de langue anglaise –, si vous prenez les 75 pays couverts par les traités commerciaux avec l’Union européenne, ils comptent pour 18% des exportations britanniques, en plus des 44% à destination des autres pays de l’UE. Cela fait plus de 60% de nos exportations en direction de pays de l’UE et de pays vers lesquels les accords commerciaux de l’UE facilitent nos exportations. Cela fait beaucoup de pays avec lesquels il nous faudrait conclure de nouveaux accords commerciaux au moins aussi avantageux que les actuels avant que la Grande-Bretagne n’exporte son premier kilo, pardon : sa première once, supplémentaire. Et, tout ceci dans les 20 prochains mois. Dream on ! ».
Comme le chantait Aerosmith dans sa chanson précisément intitulée « Dream on », « Yeah I know, nobody knows – Where it comes and where it goes. » (1)
(1) Continuez à rêver. Ouais je sais, personne ne sait – D’où on vient et où on va.
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