Les notions éculées de gauche et de droite datent de la Révolution française. Les anti-monarchistes radicaux et les Jacobins, qui revendiquaient la souveraineté populaire, siégeaient du côté gauche de l’Assemblée nationale, les royalistes (assimilés de nos jours aux conservateurs et traditionalistes), du côté droit. Ce clivage est en voie d’obsolescence, constate le poète et essayiste canadien David Solway dans un article paru en juillet dans un magazine en ligne américain.
Avec l’apparition de financiers globaux résolus à refaire le monde et l’installation de plates-formes géantes d’information et de communication, la gauche et la droite sont condamnées à se fondre dans une synthèse d’un type nouveau, corporatif, non hégélien (thèse-antithèse-synthèse). Bientôt, il n’y aura plus que différentes nuances de « gauche » – et pratiquement plus rien à « droite ».
Ces milliardaires qui rêvent de détruire la démocratie
L’une des grandes énigmes de notre temps, poursuit David Solway, est que parmi les socialistes les plus fervents et les plus puissants se trouvent nombre de capitalistes milliardaires qui oeuvrent à détruire les structures de démocratie et de libre marché qui leur ont permis d’amasser leurs fortunes. Leurs idées tendent non seulement à abolir la caste du « un pourcent » à laquelle ils appartiennent, mais elles empêchent aussi de plus jeunes de bénéficier des conditions économiques et sociales dont eux-mêmes ont profité.
Cet apparent accès de dissonance cognitive de la part de ceux que David Solway qualifie de marxo-capitalistes et qui agissent de prime abord à l’encontre de leurs intérêts ne peut s’expliquer que s’ils fomentent le projet de se transformer en une élite dirigeante avec une mainmise personnelle sur la richesse de la nation toute entière. C’est, selon David Solway, clairement leur objectif. Une fois ce but atteint, ils n’auront plus à se préoccuper de la concurrence sur le libre marché, il leur restera à concourir entre eux pour obtenir les sièges les plus en vue au sein du présidium…
Dans son remarquable essai Democracy : The God That Failed, Hans-Hermann Hoppe, cité par David Solway, avertit que ceux qui atteignent leur position en se montrant des démagogues moralement décomplexés utiliseront leurs compétences particulières de tromperie, d’opportunisme et de corruption, augmentées par leurs traits de sociabilité, de charisme et de richesse, contre ceux qui sont gênés par des scrupules d’ordre moral et manquent de sens politique.
Des démagogues qui ne tolèrent aucun dissentiment
Faisant fi du principe naturel du contradictoire en justice, Audiatur et altera pars (Que l’autre partie soit aussi entendue), ces démagogues ne tolèrent aucun dissentiment par rapport à leurs vues et convictions.
L’un des cas les plus évidents de dissonance cognitive, voire de schizophrénie, désigné comme tel par David Alan Brat, un professeur d’économie et homme politique américain qui fut membre de la Chambre des représentants des Etats-Unis, est le fondateur et patron du plus grand gestionnaire d’actifs au monde (avec 7.000 milliards de dollars US), connu pour défendre de nobles causes en faveur de l’environnement et de la justice sociale tandis qu’il investit des fonds énormes en Chine, laquelle n’est pas vraiment réputée pour son ciel dégagé et son air pur, ni pour sa manière de traiter les minorités.
Les membres de la gauche capitaliste font partie de ce qu’Angelo Codevilla, un professeur émérite de relations internationales de l’Université de Boston, appelle la Ruling Class. Ils usent de leur richesse, de leur pouvoir et de leur influence pour annihiler toute concurrence idéologique et pour soumettre ceux qui appartiennent à ce que Codevilla appelle la Country Class à leur volonté.
Des maîtres en tromperie antinomienne
David Solway les qualifie de bolcheviks du portefeuille passés maîtres en tromperie antinomienne. Bien que professant leur profonde préoccupation pour le sort des gens ordinaires et ostensiblement motivés par des principes égalitaires, les marxo-capitalistes ne manifestent aucune intention de renoncer à leur richesse, à leur pouvoir, à leur prééminence sociale – loin s’en faut.
« Il ne fait aucun doute que nos plus frétillants milliardaires sont des marxistes pur jus, partisans du parti unique. Ce sont des gauchistes aux poches profondes qui, grâce à leurs ressources, leur contrôle des réseaux d’information et de communication et leurs airs de Bon Samaritain, pourraient bientôt altérer le cours de la vie politique. »
David Solway rappelle en guise de conclusion la plaisanterie à propos du leader soviétique Léonid Brejnev qui, cherchant à épater sa mère âgée, lui fit voir sa collection privée de voitures de prestige et s’entendit dire : « Mais mon fils, que se passera-t-il si les communistes découvrent cela ? »
Les marxo-capitalistes n’ont même pas à s’en soucier. Et si l’on croit que leurs faits et gestes restent confinés à l’Amérique du Nord, que l’on croie tout autant que les nuages radioactifs et les épidémies ne franchissent pas les frontières.
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(Cet article a été publié initialement dans l’hebdomadaire satirique belge PAN numéro 3944 du 14 août 2020.)
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La mise en place d’un dispositif de prise de pouvoir par une élite politique, médiatique, financière et juridique faisait l’objet de l’essai paru en avril 2020 On vous trompe énormément – L’écologie politique est une mystification. Commandez le livre en version papier ou au format kindle sur Amazon.fr en suivant ce lien.
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