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Roaming (C.M. Patha) : Vivre et travailler dans un monde global

Roaming (C.M. Patha) : Vivre et travailler dans un monde global Posted on 3 mars 20161 Comment

Un million sept cent mille Français vivaient à l’étranger en 2014, un nombre en croissance régulière, selon Le Monde, citant le ministère des Affaires étrangères qui constatait un glissement de profil de l’expatrié classique transféré à l’étranger par son entreprise pour une durée déterminée vers l’aventurier parti tenter sa chance par lui-même dans des zones au dynamisme économique fort.

C’est ce dernier phénomène qu’étudie Catharine Patha dans Roaming – Living and Working Abroad in the 21st Century, une enquête publiée en janvier et basée sur l’interview d’un demi-millier de ces nouveaux citoyens du monde d’aujourd’hui qui ne correspondent à aucun autre profil conventionnel, ni expatriés, ni immigrants, ni migrants, ni nomades. Car, dans ce dernier cas, dit-elle, ils se déplaceraient en groupe et garderaient leurs points de référence, or l’enquête porte bien sur ces itinérants individuels au projet desquels ne sont éventuellement associés que les membres de leur entourage direct, femme et enfants.

Dans The World is Flat, Thomas Friedman parle de Globalization 3.0 : ce ne sont ni des pays, ni des entreprises qui en sont à la base, mais bien des individus qui tiennent le premier rôle comme c’est aussi le cas pour d’autres phénomènes globaux comme Wikipedia ou le crowd-funding. Il existe toutefois une corrélation entre les roamers, comme C.M. Patha appelle ces itinérants planétaires : 80% d’entre eux ont étudié dans un pays occidental et, en plus d’un master ou d’un doctorat, ils disposent d’un « bon passeport » et d’une éducation solide.

Les progrès d’ordre social, technologique et politique des 25 dernières années ont favorisé le phénomène d’itinérance globale sur arrière-plan économique et expliquent que dans ce laps de temps les Etats-Unis, la France et l’Allemagne ont été délogés des premières places de l’indice de qualité de vie de l’hebdomadaire The Economist. Singapour y précède désormais la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas et le Canada, Hong Kong s’y classe avant la Finlande, l’Irlande et l’Autriche, Taiwan y est préféré à la Belgique, à l’Allemagne et aux Etats-Unis.

Le mantra d’aujourd’hui est d’inspiration nietzschéenne : « deviens qui tu veux être » et jamais les circonstances n’ont autant facilité le wanderlust qui touche des occupations professionnelles aussi différentes que la banque (18% des participants à l’enquête), l’enseignement (12%), les télécommunications et l’informatique (11%) et plusieurs catégories à 5% (comme les agences gouvernementales, le marketing, les ONG…). Partageant un sentiment de supranationalité (d’appartenance à un contexte dépassant les frontières d’un état) et des facultés de mobilité extérieure et de créativité, certains n’hésitent pas en fin de contrat à prendre complètement les rênes de leur destinée et à créer leur propre entreprise.

Elle-même citoyenne du monde, C. M. Patha ne verse pas pour autant dans l’onirisme de la transmigration globalitaire. En effet, bien que la plupart des roamers le conçoivent autrement, aucun gouvernement au monde ne considère la liberté de travailler là où on le choisit comme un droit fondamental, écrit-elle. Si la Nouvelle-Zélande et le Chili cherchent à attirer les travailleurs qualifiés, Singapour et Hong Kong découragent spéculation immobilière et immigration en levant des taxes supplémentaires sur les non-résidents et les étrangers lors de l’achat d’une habitation tandis que les Etats-Unis, d’une part, poussent souvent vers la sortie des étudiants étrangers y ayant pourtant accompli de brillantes études et, d’autre part, envisagent de dresser d’énormes barrières à la sortie de ceux de leurs ressortissants qui entendent renoncer à la nationalité américaine et quitter le territoire.

Selon l’écrivain irlandais Oscar Wilde, « la société est un concept mental, en réalité, il n’existe que des individus ». La politique reste toutefois affaire locale, fait remarquer l’auteur de Roaming qui voit dans la fracture entre repli national et aspirations globales l’un des principaux défis sociaux de ce siècle. A l’heure où plus de la moitié de la population du monde vit dans des villes, où les trente plus grandes représentent 18% du produit mondial brut et où certaines d’entre elles ont un PIB qui dépasse celui de certaines économies nationales (Tokyo par rapport à l’Espagne, New York City par rapport au Canada), il reste aux itinérants cosmopolites à inventer une nouvelle citoyenneté s’inspirant de l’étymologie de ces mots qui définissent leur trajectoire unique (kosmospolitès, polis en grec et civis, civitas en latin).

C.M. Patha se dit convaincue que ce phénomène d’itinérance personnelle et professionnelle n’est pas passager. En attestent les centaines de milliers de Français et nombreux autres étrangers qui vivent en Grande-Bretagne et la voient comme une simple étape obligatoire d’apprentissage de la langue globale avant de prendre le large vers des destinations plus exotiques. Dans un monde globalisant caractérisé par la vitesse et l’agilité, les plus flexibles sont assurés de la réussite. S’appuyant sur les témoignages du demi-millier d’itinérants globaux qui ont participé à l’enquête et n’escamotant aucun aspect de cette nouvelle odyssée, Roaming – Living and Working Abroad in the 21st Century servira de guide avisé à tous ceux qui refusent de se laisser enfermer dans le carcan de la morosité et de la médiocrité.

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