La science du climat ne dit pas ce que vous pensez qu’elle dit. Voici la quatrième partie de la recension du livre du Pr Dr Steven Koonin sur l’état de la science du climat, Unsettled, What Climate Science Tells Us, What It Doesn’t, and Why It Matters. Le Dr Steven Koonin est un physicien et l’un des scientifiques les plus éminents des Etats-Unis, membre de l’Académie nationale des sciences et une voix influente en matière de politique scientifique.
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Rio 1992. Tout part de là. La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, l’une des trois conventions datant du Sommet de la Terre de Rio, déclare en son préambule que les parties au traité sont conscientes des changements du climat de la planète et de leurs effets néfastes.
Elle fait valoir que l’activité humaine a augmenté sensiblement les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, renforçant ainsi l’effet de serre naturel, et qu’il en résultera en moyenne un réchauffement supplémentaire de la surface terrestre et de l’atmosphère, ce dont risquent de souffrir les écosystèmes naturels et l’humanité.
Voilà le thème bien encadré, c’est le cas de le dire. Chaque mot compte. Le mot « risquent » a été mis en italiques par l’auteur de cet article. Ce risque n’est guère mieux évalué aujourd’hui qu’il ne l’était lors de la conclusion du traité et il n’est pas sans incidence sur le reste de la discussion. Que le principe de précaution a été entériné à ce Sommet de Rio de 1992 n’est pas une coïncidence.
La Convention-cadre poursuit en exposant que la majeure partie des gaz à effet de serre émis dans le monde « par le passé » et à l’heure actuelle (les guillemets ont été ajoutés ; notons au passage que cet extrait ne fait plus de distinction entre gaz à effet de serre d’origine humaine et d’origine naturelle…) ont leur origine dans les pays développés et que les émissions par habitant dans les pays en développement sont encore relativement faibles mais iront en augmentant pour leur permettre de satisfaire leurs besoins de développement économique et social.
S’il faut relativiser la responsabilité « historique » des pays développés dans les émissions de gaz à effet de serre dès lors que les concentrations de CO2 dans l’atmosphère ont déjà été beaucoup plus importantes « par le passé », bien avant qu’ils ne s’industrialisent, le fait que les émissions globales de gaz à effet de serre d’origine humaine iront en augmentant sous l’effet des pays en voie de développement est évident, à tel point qu’elles augmenteront quoi que fassent les pays développés.
Soit dit en passant, que l’Union européenne réduise sa part de 8 % dans les émissions globales de gaz à effet de serre à zéro et y dépense des milliers de milliards d’euros ne servira donc strictement à rien, si ce n’est à l’appauvrir et à l’affaiblir, à précipiter son déclin, ce dont ne peuvent se réjouir que ses seuls adversaires au niveau géopolitique. S’il est une urgence dont les citoyens européens ont à s’inquiéter, c’est bien de celle-là. Qu’ils y pensent en allant voter tant qu’ils en ont l’occasion.
Beaucoup d’incertitudes
Reste, en outre, à établir le rôle des réservoirs de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres et marins. La Convention-cadre en convient et reconnaît même que la prévision des changements climatiques recèle un grand nombre d’incertitudes, notamment en ce qui concerne leur déroulement dans le temps, leur ampleur et leurs caractéristiques régionales. Ça fait beaucoup d’incertitudes.
Nonobstant, la Convention-cadre définit les changements climatiques qui en font l’objet comme les « changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables », excluant donc de son objet les changements qui sont précisément d’origine naturelle et dont nous sommes loin de tout savoir avec une précision suffisante pour juger de l’impact exact de l’activité humaine sur le climat.
Une simulation scientifique des conditions atmosphériques de la Terre et, par voie de conséquence, toute prédiction concernant leur évolution restent l’un des problèmes scientifiques les plus difficiles qui soient, bien que nous disposions de calculateurs dont les plus puissants sont susceptibles de stocker 1017 (cent millions de milliards) de données et de les manipuler à une vitesse hallucinante de 1018 (un milliard de milliards) d’opérations à la seconde.
Certes il ne faut pas confondre les deux phénomènes, mais l’impossibilité de prévoir la météo avec précision à plus de deux semaines témoigne de cette difficulté scientifique qui vaut aussi pour le climat (lequel est en quelque sorte une moyenne des conditions météorologiques sur des décennies), à savoir leur nature fondamentalement chaotique, d’ailleurs explicitement admise par le GIEC, sans oublier que les gaz à effet de serre (réchauffement) et les aérosols (refroidissement) interagissent en sens contraire.
Quelle que soit la précision avec laquelle nous pourrions caractériser l’état du climat à un moment donné, l’incertitude en ce qui concerne les prévisions augmente de manière exponentielle avec le temps. La puissance de calcul n’y peut pas grand-chose. « Plus nous en apprenons sur le système climatique, écrit Koonin, plus nous réalisons à quel point il est compliqué. »
Une modélisation problématique
Que la modélisation des évolutions du climat ne parvienne pas à reproduire les conditions du passé et souffre parfois d’écarts de température de trois fois la valeur de son élévation au cours du dernier siècle montre à suffisance que nous n’en comprenons pas les mécanismes à un niveau de spécificité qui, compte-tenu de ce que les influences humaines sur le climat sont somme toute faibles, permette de prédire les états futurs du climat d’une manière fiable.
« La variabilité interne [du climat] que le GIEC qualifie de contributeur difficile à quantifier comme s’il s’agissait d’un problème mineur, écrit Steven Koonin dans Unsettled, en est en fait un gros. » Il y va ainsi des changements lents qui se répètent sur des décennies, voire des siècles (les oscillations multi-décennales des océans Atlantique et Pacifique, par exemple), et qui influencent les conditions météorologiques au niveau mondial. Ils expliquent notamment les pics d’anomalie des températures mondiales en 1998 et 2016 et pour rappel les données sur les océans sont limitées pour les périodes antérieures et restent encore partielles à ce jour.
Quant aux phénomènes météorologiques violents dont des « monsieur météo » qui se sont adjoint le climat comme spécialité accusent un dérèglement du climat, à grand renfort d’images dramatiques, il serait plus avisés de s’en tenir à ce qu’en dit l’Organisation météorologique mondiale, une agence de l’ONU : « Aucun événement unique, tel qu’un cyclone tropical sévère [ouragan ou typhon], ne peut être attribué au changement climatique induit par l’homme, étant donné l’état actuel des connaissances scientifiques. » Cela correspond à ce que dit le GIEC dans l’AR5 en ce qui concerne les inondations, les sécheresses et les vagues de chaleur.
Les médias, aussitôt suivis par l’opinion populaire et le monde politique, attribuent abusivement toutes sortes de catastrophes imminentes à l’influence humaine sur le climat, entraînant la maladie (la pandémie en a fourni des exemples), la mort, la destruction et la ruine.
Une image choc fut publiée en couverture du National Geographic montrant la statue de la Liberté à New York engloutie dans les eaux jusqu’au-dessus des genoux. Le marégraphe situé à la pointe de Manhattan révèle toutefois que si les eaux continuent de monter à leur rythme actuel de 30 cm par siècle comme elles le font depuis 1855, sans que l’on en ait déterminé la cause, il leur faudra 20.000 ans pour arriver au-dessus des genoux de Liberty.
Vous et moi n’y serons plus pour le vérifier. Par contre, il paraît moins sûr qu’entretemps l’Homme n’ait commis une folie guerrière ou autre dont s’ensuivra la disparition d’une partie ou de la totalité de l’espèce.
Unsettled, What climate science tells us, what it doesn’t, and why it matters, Steven E. Koonin, 240 pages, BenBella Books, Inc., Dallas (Texas).
(Les trois premières parties de cette recension ont été publiées par Palingénésie les samedis 19 juin 2021, 26 juin 2021 et 3 juillet 2021.)
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(L’article ci-dessus a initialement été publié dans l’hebdomadaire satirique PAN n° 3990 du vendredi 2 juillet 2021.)
Merci à vous monsieur Godefridi car quasi tout est dit dans ces quatre articles !
Et surtout nous rappelle la modestie et l’ humilité de l’ Homme qui se prend parfois pour Dieu ( je parle pas de votre fils 😉 ) et s’ auto-flagelle pour je ne sais quelle raison ( peut-être un zeste de notre éducation judéo-chrétienne ? … ) .
Intéressant aussi de relever que notre petite Europe se tire une balle dans le pied en voulant donner la leçon à tout le reste de l’ Humanité qui doit probablement bien en rire sous cape .
Bon week-end à vous .