Après un intermède justifié par l’actualité écologiste, la COP25 et la profession de foi anti-occidentale de la personnalité de l’année du magazine américain Time via le Project Syndicate, et l’actualité européenne, les élections générales sur la toile de fond du Brexit au Royaume-Uni, revenons-en au gigantisme et au livre de Geert Noels sur le sujet.
L’économiste et financier flamand aime le football et prend la Champions League comme un exemple du phénomène de concentration malsaine d’acteurs dont la position dominante empêche toute forme de concurrence. L’actualité de la semaine dernière a validé son constat. Tous les clubs qualifiés pour le prochain tour de cette « compétition » appartiennent aux cinq plus grands championnats (Allemagne, Angleterre, Espagne, France, Italie), incidemment les cinq plus grandes économies européennes (si l’on excepte la Russie, que l’on peut qualifier d’eurasienne).
La concentration est un symptôme de cette maladie qu’est le gigantisme et elle comporte de graves conséquences. La Champions League n’est qu’un exemple : au propre comme au figuré, les clubs des plus petits pays d’Europe peuvent tous aller se rhabiller. Ils ne participeront pas à la juteuse redistribution des énormes revenus générés par les stades ultimes de la compétition ou du spectacle, selon les points de vue. « L’âme, c’est à dire la dimension humaine du sport, écrit Geert Noels, se noie dans le gigantisme. »
Il en va de même de l’impact de la concentration sur la répartition des bénéfices des entreprises : dans tous les secteurs d’activité, la concentration augmente et les bénéfices des méga-entreprises ne cessent de croître au détriment des autres. La question subsidiaire est de savoir où disparaissent les commissions des portails d’activités (Amazon, Airbnb, Uber, Facebook, LinkedIn…) et les profits des autres grandes entreprises que Geert Noels accuse de payer proportionnellement de moins en moins d’impôts et qui ont mis les plus petits acteurs économiques, souvent locaux, tout simplement hors jeu.
Walmart est une entreprise américaine qui fut créée en 1962. Aujourd’hui, elle gère 4.600 magasins, occupe 2,2 millions de personnes de par le monde et génère un chiffre d’affaires de 514,4 milliards de dollars US. Ce que Geert Noels appelle la « Walmartisation » n’est toutefois pas, on l’a vu dans la première partie de cette recension, un phénomène propre à l’économie. Si l’Europe accuse un retard dans la taille de ses plus grandes entreprises par rapport aux Etats-Unis, elle le compense, si l’on ose dire, par celle de ses bureaucraties.
Ici, en guise de concentration, c’est la centralisation des pouvoirs publics qui est en cause. Elle a un même effet de baisse d’empathie, de déshumanisation, en raison de la distance que les pyramides et les hiérarchies instaurent entre les institutions et les êtres humains que ces institutions occupent ou sont censées servir. C’est pourquoi les petits pays s’en sortent habituellement mieux que les grands sur le plan du bien-être, de la transparence des institutions, de la confiance des citoyens et de la gestion des finances.
Viennent immédiatement à l’esprit les exemples de la Suisse et de Singapour, voire de la Norvège et du Danemark. Les grands pays apportent-ils un surcroît d’efficacité, de bonheur, de robustesse ? Ce n’est pas ce qu’en pense Nassim Nicholas Taleb, le truculent croisé du hasard, de l’incertitude et du désordre, pour lequel « plus vous êtes grand, plus vous êtes vulnérable », ni Noels qui cite Taleb et pour lequel la centralisation mène à la dictature, tandis que la décentralisation redonne la parole aux citoyens et suscite la loyauté.
Que l’auteur de Gigantisme plaide pour moins d’Europe, plus de subsidiarité, et plus de prudence en ce qui concerne un élargissement et un approfondissement de l’Union européenne n’étonnera pas, ni son assertion que le problème n’est pas le capitalisme ou le libéralisme, mais que le capitalisme n’ait pas respecté ses propres règles. Aussi, les premiers remèdes qu’il préconise en vue d’instaurer le post-gigantisme sont-ils de renforcer (ou, déjà, d’appliquer ?) les dispositions antitrust, d’interdire aux géants de procéder à de nouvelles acquisitions, d’abolir le capitalisme de copinage, de mettre fin au statut « too big to fail », d’introniser la subsidiarité et la décentralisation. Il vous reste à découvrir les autres remèdes dans le livre remarquablement bien fait et argumenté de Geert Noels.
Gigantisme, De « too big to fail » vers un monde plus durable et plus humain, Geert Noels, 240 p, Editions Racine.
Source : Statista.
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